Résumé, histoire. Mon cher enfant (2018) Djihad, famille, banalité du mal. Tunisie Ben Attia 8/10

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Résumé histoire :

Sami 19 ans doit passer son bac. Quelque chose ne va pas. Mais ni ses parents ni nous-mêmes ne sommes en mesure de bien comprendre pourquoi.

Il semble s’isoler mais pas plus qu’un autre adolescent de son âge qui est en pleine préparation d’examen.

Les vieux parents, en roue libre, en sont réduits à des intuitions. Ils mordent à cette histoire de migraine. Compte tenu de ses maux de tête, le fils demande même à voir un psychiatre. Sans doute une petite dépression. Un simple médicament devrait suffire. L’histoire semble réglée. Le jeune dit qu’il va mieux.

Pourtant son père qui sent le vent, lui dit que même s’il rate son bac cette fois, ce n’est pas si grave. Cet homme, qui ne roule pas sur l’or, recherche même sur Internet les filières universitaires au Canada. La mère sait bien que ce n’est pas à leur portée. La vente de leur voiture ne couvrirait même pas un semestre. Le paternel cherche à comprendre par tous les moyens, soit par la douceur soit en élevant la voix. Mais il prend soin, autant que possible, de ne pas briser le lien fort qui les unit encore…

Quelques éléments d’une possible dérive nous sont livrés à nous les spectateurs. Il ferme son ordinateur lorsque son père arrive dans sa chambre. A la sortie de l’école il semble venir de côté et non pas de l’intérieur de l’établissement. Il sèche les cours. C’est discret.

A ce stade on s’attend à une petite faillite scolaire que le jeune chercherait à dissimuler et que son père serait prêt à pardonner.

Un matin, ni le gamin ni ses affaires ne sont dans sa chambre. Il a laissé un mot comme quoi il serait parti en Syrie !

Leurre ? Vrai engagement au côté des islamistes terroristes ? Rien de clair pouvait faire penser à ça.

Nous sommes donc piégés, comme le sont les parents. En cela, le film et le scénario sont bien ficelés.

Le père vend ce qu’il peut pour réunir en urgence l’argent nécessaire à partir en Turquie. Il a le projet fou de passer la frontière turco-syrienne pour aller récupérer son fils. Il n’est même pas sûr que le petit soit parti là bas. La mère pique une crise de nerf. Elle trouve que son projet est insensé.

Avec son maigre argent, le paternel finit par arriver à la frontière convoitée. Ce n’était pas une mince affaire. L’ambiance est sinistre et il a fallu faire confiance à des personnes de passage. Il n’a pas été grugé mais il a perdu à peu près tout ce qu’il avait dans ces filières plus qu’inquiétantes.

Ni la mère, ni nous-mêmes ne saurons jamais si, dans ces confins, il a vraiment rencontré son fils qu’il n’a pas pu retenir, ou si ce n’était qu’un rêve, ou même un pieux mensonge. Les images peuvent être prises dans tous les sens. La logique voudrait que cette ultime rencontre au milieu de nulle part, soit totalement improbable. Les deux au même moment, au même endroit totalement perdu, quasiment impossible !

Mais ce fils ne serait-il pas déjà mort au combat ? Un barbu le rassure. Dans ce cas, la famille est obligatoirement informée par les terroristes. Ils ont au moins cette “politesse” là.

D’ailleurs sa femme le harcèlera pour connaître le vérité au retour, sur ce point précis là.

La vie banale, faite de tristesse et de petits riens, reprend en Tunisie. L’Internet que le papa consulte, montre des clips de propagande qui flattent la mort en martyr et conspue le modèle occidental. C’est sans doute cela, ainsi que la volonté « d’être quelqu’un » qui a décidé du départ du gamin. Un vieux sage turque proposera cette explication là.

Il finit par tomber sur une page syrienne de son fils, désormais barbu, marié à une femme voilée et père lui-même. Au moins un an vient donc de s’écouler.

Plus tard, lors de courses au Carrefour, le père reçoit un coup de fil. C’est le drame annoncé. Il court voir sa femme quelques rayons plus loin. Le couple s’effondre devant la plus triste nouvelle possible.

  • La mère anéantie qu’on lui apprenne qu’il ne reste plus rien de son fils, sans doute volontairement « explosé », partira du foyer conjugal et ne reviendra pas.
  • Le père laissé seul, reprendra un travail et retrouvera une sorte de sourire et un peu de chaleur humaine, avec ces jeunes sympathiques sur le chantier. L’humanité tisse des liens au delà du cercle familial.

On ne peut qu’apprécier la délicatesse du récit, alors qu’on y traite des choses les plus graves. Sous des dehors de la vie de tous les jours, on y expose ce qui n’est rien de moins que la banalité du mal, un concept si intéressant que l’on doit à Hannah Arendt . De plus, c’est décliné en famille et donc avec un jugement détourné ou occulté sur le fond, ce qui rend le sujet encore plus tangible et perturbant.

Les ambiances de passeurs et de lieux inhospitaliers sont très bien rendues. Ce qui sont passés par ces étapes douloureuses, s’y reconnaîtront.

Ce qui est aussi au fond une étude des rapports père fils aux limites de la compréhension et de l’incompréhension, nous est servi sans pathos. Le mauvais cinéma français actuel se serait perdu dans la recherche de causes. Il se serait lui embourbé dans le psychologisme. Alors qu’on est là dans le factuel allié aux émotions acceptables.

De multiples touches dans les détails, et autant de pistes secondaires, achèvent de rendre l’histoire on ne peut plus réaliste. Et c’est ce qui fait que finalement, il faut s’y résoudre, on est bien dans du grand cinéma. Ce film est d’autant plus intelligent que jamais il nous permet de voir, chemin faisant, où il veut en venir. Il nous accompagne dans nos réflexion et c’est très bien comme cela.

A noter que Luc et Jean-Pierre Dardenne ont participé à la levée de fonds (coproducteurs). Heureusement qu’ils n’ont pas déteints sur le film, avec leurs lourds partis pris.

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Hannah_Arendt

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mon_cher_enfant

https://www.lemonde.fr/cinema/article/2018/11/14/mon-cher-enfant-l-amour-parental-a-l-epreuve-du-djihad_5383257_3476.html

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