Blackthorn, la dernière chevauchée de Butch Cassidy (2011) 6/10

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Ah, je les imagine les producteurs, tout frétillant, contents de ce qu’ils pensent être une jolie martingale cinématographique !

Butch Cassidy et le Kid ont été une légende à l’écran, grâce surtout à Paul Newman et Robert Redford. Eh bien qu’on invente une suite !

Cet affreux jojo, dans la vraie vie a été magnifiée, va ressusciter de son exil bolivien. Selon les relevés historiques, l’incorrigible truand serait mort là bas, pendant ses frasques. Mais il y a une part de doute, dans laquelle vont s’engouffrer les auteurs. Ils vont donc aller jusqu’à broder un retour aux USA, avec un bonus de 20 ans de vie supplémentaire !

Pour ce faire, il l’exhume de sa vieille tombe… qu’il n’aurait jamais occupé !

Il faut vraiment se torturer l’esprit pour imaginer que ce grand bonhomme patibulaire et bruyant, soucieux de l’image de sa petite personne, se soit fait invisible pendant vingt ans de plus en Amérique du Sud et puis lors de son come back aux States.

On assiste donc à une longue chevauchée semée de péripéties. Un genre précurseur des road movies.

D’abord le revenant perd son cheval et son pécule par la faute d’un cadre voleur qui s’était cru suivi. Qu’à cela ne tienne, on fait du maladroit un ami. Cerise sur le gâteau, l’ingénieur en fuite a mis la main sur une fortune. Pour ce couple improbable l’entraide signifie la survie. Ils vont donc s’épauler et partager le magot. On aura droit à une petite dissertation sur l’amitié. Ce n’est ici qu’un pacte de non agression. On a compris l’appel du pied, le nouveau venu est supposé incarné le Sundance Kid II.

  • Accessoirement on peut rajouter que le fameux Kid I, qui n’est pas de cette expédition mais qui les regarde du ciel de l’enfer, n’aurait pas été si ami-ami que cela avec Butch. Mais ça c’est une autre histoire.

Ce scénario cousu de fils blancs, n’est là que pour fournir des rebondissements classiques de western. Ce qui signifie, traques, attaques perfides suivies de vengeance, épreuves diverses dans lesquelles on tartine de manifestations de courage, suées et coups de feu. Du tout venant de cinéma.

Bien entendu les « héros » eux s’en sortent à chaque fois. Il faut bien finir le film en temps et en heures, pas question d’en faire un honteux court-métrage. Leurs plaies les humanisent et atténuent un peu l’excès de gloriole. Mais ils guérissent assez facilement, même de blessures presque mortels. De quoi en faire quand même des martyrs voire des Saints.

Sam qui s’approche dangereusement des 70 ans, incarne un intrépide Butch qui aurait eu 60 ans.

Pour l’équilibre du film, il faut qu’on lui invente une belle romance avec une jeune Bolivienne. Cela conforte l’idée d’une certaine virilité. Et puis cela permet d’hypothétiques attendrissements de spectateurs quand la belle (hum) se fera descendre. Enfin cette relation décomplexée blanc-rouge leur permet de cocher une case, en ce qui concerne l’obligatoire coup de pouce aux minorités (Charte des Oscars).

On lui adjoint aussi un fils caché qu’il se doit de voir au moins une fois en Californie. C’est motivant.

Et comme cela ne suffit toujours pas on rajoute les états d’âme d’un enquêteur de chez Pinkerton, qui a voué sa vie à tenter de le coincer. Du remplissage. Et surtout une caution de l’agence bien connue pour valider l’idée que le bandit ne serait pas mort.

Le compagnon de route est moins clean qu’il ne le prétend. Il n’a pas volé un méchant possédant plein aux as, mais de pauvres Indiens. Ce qui complique un peu l’amitié, car Butch Cassidy se prend à avoir des pudeurs désormais.

Il faut dire que le très droit et presque chevaleresque Sam Shepard, en Butch, a du mal à rendre la grossièreté de l’original. Mais c’est sans doute plus vendeur d’en faire un bandit au grand coeur et redistributeur qu’une sous-m…

Finalement cela n’a plus rien à voir avec Butch Cassidy, on aurait très bien pu écrire une suite avec Al Capone ou je ne sais qui. Il s’agit juste d’un buzz qui se veut vendeur.

La réalisation est consciente de cette faiblesse, et tente d’y remédier en truffant le récit fantasmé d’après, de quelques flash back. L’histoire de nous remettre dans le bain d’avant la date présumée de sa mort. Et même là, les aventures boliviennes d’avant n’ont guère de consistance. Ce n’est pas plus crédible.

Ce film a une vertu, elle tient à ce qu’on appelle la photographie. La plupart des plans cinémascope en extérieur sont magnifiques par leur graphisme et par leurs couleurs. On tient là un très beau livre d’images.

La réalisation de Mateo Gil est plutôt habile. Des indices et des ellipses nous poussent à comprendre l’action par petites touches. S’il n’y avait que cela, on pourrait dire qu’on ne nous prend pas pour des imbéciles. Mais le peu de consistance de l’intrigue et ce conventionnel de films de poursuites chevalines à pistolet dans l’Ouest sauvage, tuent à peu près tout l’intérêt.

Je ne suis pas si admiratif que cela de Sheppard en monolithe taiseux qui ne dévie pas d’un pouce dans la trajectoire qu’il s’est fixé. C’est une interprétation classique, qui tend à la facilité, et qui se révèle finalement assez vieillotte. Depuis on a fait mieux, avec des personnalités bien plus complexes et bien plus réalistes que cette psychorigidité que l’on assimile à tort au fait d’avoir du caractère. Les quelques attendrissements de cette vieille carne, ne seront que circonstanciels et limités.

  • Je ne développe pas ici les quelques sentences dont il nous gratifiera quand même et qui seraient moquées au plus humble des comptoirs psychologiques.
  • Par exemple : « il n’y a que deux moments importants dans la vie d’un homme, quand il quitte sa maison et quand vient enfin le moment d’y retourner ».
  • Vous voyez le niveau ! Vous remplacez le mot « maison » par ce que vous voulez et cela marche quand même… « femme », « bouteille », « bagnole », « bouquin », « télé », « facebook » etc.
  • Mais les locutions définitives de vieux sage, sont des tics filmiques obligés, en tout cas dans ce genre. Ils auraient pu faire le petit effort d’emprunter à Lao-Tseu, c’est libre de droits (*) !

Eduardo Noriega en pseudo-Kid semble une sorte de faire-valoir. Il ne joue pas mal, mais il doit se débrouiller avec le peu d’amplitude qu’on lui a laissé.

Au final c’est un film assez inutile. Sans doute ont-ils tous gâché leur talent.

  1. (*) Lao-Tseu
  2. « La vie est un départ et la mort un retour. »
  3. « Un voyage de mille lieues commence par un pas. »
  4. « L’homme qui ne tente rien ne se trompe qu’une fois. »
  5. « Le but n’est pas seulement le but, mais le chemin qui y conduit. »
  6. « Un ennemi que tu vaincs reste ton ennemi. Un ennemi que tu convaincs devient ton ami. »

https://fr.wikipedia.org/wiki/Blackthorn

Sam Shepard
Eduardo Noriega
Stephen Rea
Magaly Solier
Nikolaj Coster-Waldau

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