Avis. American sniper – Clint Eastwood Chris Kyle – Résumé (2014) 5/10

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C’est évidemment un film de guerre bien réalisé et qui correspond à ce que le grand public attend généralement.

Un tireur d’élite, simple mais « habité », vient à bout des missions extrêmement dangereuses en Irak. Il a existé réellement sous le nom de Chris Kyle. Il se prétendait, sans rire, un « croisé de Dieu ».

A son retour au pays, notre bienheureux a été assassiné par un vétéran totalement frappé, alors qu’il tentait de lui apporter un secours spirituel. Cela a fait de lui un martyr christique. Ce qui est bien cerné par la « procession » finale.

Tel le Baron Rouge en son temps dans les airs, notre terrien finira avec le plus grand palmarès de l’histoire des USA, de gars descendus un par un avec un fusil à lunette. Ce dernier prétend en avoir tué plus de 250 ! L’armée en reconnaît 160. L’analogie entre ces deux grandes figures, n’est ni fausse ni anachronique, puisque l’un et l’autre ont autant de signes distinctifs sur eux ou leur carlingue que de morts à leur actif.

  • En sortant d’active, se pensant investi d’une mission, ce bon père de famille a continué à faire justice lui-même, tel un cow-boy. Il prétend avoir exécuté de nombreux pillards lors de l’ouragan Katrina, en toute illégalité. Et il ne s’est pas arrêté là. Mais cela, on ne le dit pas dans le film évidemment.

Notre bonhomme, qui pourrait bien être un grand paranoïaque, a bien entendu l’étoffe d’un héros de cinéma.

Et si les faits ne suffisent pas, il n’y a pas de difficulté à lui façonner une parfaite légende. Les humiliés de 2001 ne demandent que cela. C’est Clint Eastwood qui s’en charge. Ce pédagogue excelle dans la vulgarisation efficace. Il sait enfoncer la mèche de la perceuse dans l’endroit du cerveau où cela fait le plus mal. Le vieux réalisateur mêlera habilement les réalités choisies, les convictions et les doutes, le privé et le « travail », dans un récit qui mène obligatoirement à la béatification.

Toute guerre est atroce. Ici, on se rend rapidement compte qu’on n’est pas dans le récit édulcoré des « frappes chirurgicales ». C’est une guerre sale de fantassins trappés dans une guérilla jusqu’au-boutiste. En mission, ces hommes s’attendent en permanence au pire. Et le pire leur tombe dessus dès qu’ils baissent un peu la garde. Là, il n’y a que des urgences, avec la nécessité de prise de décisions de vie ou de mort, dans l’instant. Gare aux erreurs d’appréciations dans un sens comme dans l’autre. Si tu minimises t’es mort ou mutilé, si tu en fais trop, c’est la « bavure » et le procès.

Malgré ce cadre infernal, notre Bradley Cooper, au physique boosté de GI d’élite, arrive à faire preuve d’une certaine humanité. En tout cas dans le film.

Alors qu’il est dressé pour tuer sans se poser de question, il peut être habité par quelques millisecondes d’état d’âme.

Ces militaires parlent de « dépucelage » pour son premier mort. Le sien le fut par un enfant porteur de bombe (dans le film, pas dans le livre).

Et dans une autre circonstance, il aura à nouveau ce pénible choix de tirer ou non sur un petit. Mais comme on en fait une belle âme, il saura attendre le tout dernier moment et faire le bon choix. Ce gamin là, qui repose finalement la roquette, sera épargné. Beau moment, avec un acteur totalement pris par le sujet et qui aura besoin de temps pour s’en remettre.

Les images d’horreur, il y en a tellement qu’elles peuvent faire perdre la raison. Confer l’épisode du « restaurant » avec ces têtes coupées sur l’étagère. La raison des protagonistes vacille et on ne se prive pas de nous montrer les conséquences psychiatriques. Mais aussi la raison du spectateur et là c’est plus pervers.

Dans ce climat vengeur, où l’on chasse des « sauvages » (Chris Kyle dixit), on est pratiquement sans défense nous-mêmes. La cruauté des combattants irakiens, supposé du mauvais côté, fait que l’on est sommé de choisir l’autre bord, celui des Américains. Et bien entendu on ne parle pas ici Abou Ghraib, de l’arbitraire de Guantánamo et de tout le reste.

En réalité cette guerre en Irak, qui démarré sous les faux prétextes d’armes de destruction massive et de lutte contre les assassins des 2 tours, a fini par s’autojustifier.

Et ce n’est pas pour rien qu’on parle de « sauvages ». C’est la même pirouette mentale, qui faisait jadis que ces colons ont trucidé les Indiens autochtones. Ce peuple a oublié rapidement qu’ils étaient des envahisseurs, des voleurs, pour ne retenir qu’une sorte de combat civilisationnel contre des « primitifs » coupeurs de scalp et violeurs de blanches. Bien commode comme posture. On rencontre cet argument ici où là encore aujourd’hui.

Les Français qui sont tentés d’applaudir le final patriotique criard, feraient bien de se souvenir du discours de notre ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, le 14 février 2003, devant le Conseil de sécurité des Nations unies. Discours qui alimentera la francophobie. De grâce n’ayons pas la mémoire courte et surtout apprenons des manipulations de l’histoire. Celles que pour une fois on a su si bien comprendre.

Bien entendu on ne peut pas dire que l’on regrette le dictateur Saddam Hussein.

Mais quel est le bilan de cette « guerre préventive » ? Le renforcement d’une sorte d’orgueil national guerrier d’un côté, avec la prise de guerre symbolique de Saddam. Une certaine vassalisation des membres de la coalition, de l’opinion et des médias, grâce à une parfaite maîtrise de la guerre psychologique. Certains parlent aussi de mainmise sur le pétrole. Et la paix ? Non, des morts, des attentats, la guerre civile et le chaos persistant sur le terrain.

Et ça, notre bon Clint Eastwood le met sous le tapis.

L’académie des Oscars, qui privilégie toujours l’émotion primaire et les bons sentiments, adore ces récits. Ne voulant pas passer pour des antipatriotes, ils se sentent même une obligation morale à privilégier ces courants là.

  • Meilleur film.
  • Meilleur acteur pour Bradley Cooper.
  • Meilleur scénario adapté.
  • Meilleur montage.
  • Meilleur mixage de son.

Et un succès au box office effarant ! Ce film de propagande militariste est le plus grand succès de Clint.

Pourtant celui-ci prétend devant le public français « Je n’étais pas un grand partisan de la guerre en Irak » et « J’ai toujours eu des doutes sur l’idée d’apporter la démocratie dans les autres pays » et estime même que son film à des côtés anti-guerre. Notre vieux rusé, de 84 ans alors, sait non seulement jouer avec les images mais aussi avec les mots.

https://fr.wikipedia.org/wiki/American_Sniper

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