Avis. Autopsie d’un meurtre. Preminger, James Stewart, Lee Remick – Résumé. (1959) 8.5/10

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« Anatomy of a Murder » est un récit américain réaliste, habilement mis en scène par Otto Preminger. Bien qu’il dure quand même trois heures, il ne déçoit pas ceux qui arrivent à suivre.

A la base, il y a un meurtre réel perpétré par un soldat, devant tout le monde dans un bar. Ce fait divers attesté est plus complexe qu’il n’en a l’air. L’histoire a été racontée dans un livre. Et là elle a fini par se transformer en un film fidèle, dans de les très bonnes mains de notre cinéaste des plus méticuleux. Il revendique de coller aux faits.

Le coupable est connu, il est intelligemment interprété par Ben Gazzara. Il ne nie pas ce pour quoi on le poursuit. Il a tué celui qui considère comme le violeur de sa femme. En tant qu’accusé, il se montre plus rusé que sincère. Il sait qu’il joue gros.

Il n’est pas passé à l’acte immédiatement. Il a pris son temps et s’est muni d’un pistolet avant d’aller régler son compte à ce tenancier de bar. L’argument passionnel se délite ici avec le temps nécessaire à la préparation. On peut donc évoquer une basse vengeance ayant conduit à un assassinat avec préméditation. On ne doit pas se faire justice soi même. C’est mal barré !

L’avocat joué par James Stewart n’apprécie pas trop la personnalité du criminel. Mais il finit par être convaincu de prendre l’affaire, par Lee Remick qui incarne la femme légère de l’embastillé. Celle qui aurait été « violée ». Elle lui fait du charme, il ne cède pas physiquement parlant, mais il éprouve quand même quelque chose pour elle.

L’avocat ne voit qu’une possibilité pour que son client s’en sorte, avec un « plaidé non-coupable ». Il faut essayer de faire passer son acte pour un moment de folie passager.

Une entité recevable si elle correspond à une maladie psychiatrique de type « impulsion irrésistible », une sorte de psychose aiguë.

Ce n’est pas un film policier. C’est un long-métrage subtil et psychologique qui montre d’abord les arcanes d’un procès. George C. Scott prête main forte à l’avocat général Brooks West. Il mène très finement ses interrogatoires. Le juge, interprété par Joseph N. Welch, est incroyable lui aussi. Il sait mener le débat, en étant à la fois humain à ses heures et tranchant quand il le faut. Et c’est en grande partie grâce à lui que l’affaire est en mesure d’être dénouée. Mais le sera-t-elle vraiment ?

Toute la mécanique judiciaire américaine est exposée en long et en large.

On s’est habitué depuis longtemps à ces incessants « I object », lorsque le sujet est hors de propos et/ou tendancieux. Et dans le film, pour une fois, il est rajouté ce truisme, qu’une fois que le mal est fait, cela reste quand même dans les têtes, même si on demande aux jurés d’effacer cela de leur mémoire.

On a le droit aussi aux multiples « Your Honor », au point qu’il y a des prévenus en France qui donnent du « Votre Honneur » au président du tribunal. On me l’a rapporté.

En cela, c’est un film de procès. Mais contrairement aux classiques du genre, ce n’est pas juste une joute finaude entre la défense et l’accusation. En réalité, ici il y a trois ou quatre parties aux exigences divergentes.

– L’accusé a un double jeu. Un de ses camarades de prison préventive prétendra même qu’il lui a soutenu qu’il avait embobiné tout le monde et que dès sa sortie il infligera une correction à sa salope de femme.

– Sa femme semble bien avoir été violée comme en témoigne une histoire de slip arraché. Mais elle fréquente assidûment les bars et cherchent toujours vouloir capter l’attention des hommes. Elle reste une belle énigme. Son mari ne la croit qu’à moitié. Et on ne sait pas finalement qui lui a infligé coups et cocard.

– L’avocat préférerait défendre une cause juste et rentrer dans son argent. Mais l’accusé n’est pas franc du collier. Ce Ben bernera même notre bon James à la fin, en fuyant plutôt que de payer les honoraires. Il lui laisse un mot, comme quoi, en détalant il a obéi à une « impulsion irrésistible ». Ironie qui en dit long.

– L’avocat général et son aide sont persuadés de la responsabilité du prévenu. Et ils finissent par en faire une affaire personnelle.

Mais ils se prendront les pieds dans le tapis en imaginant qu’une jeune femme témoin n’est pas fiable ayant été la maîtresse du défunt. Pas de bol, c’était sa fille ! Ce n’est pas forcément l’argument le plus logique pour faire capoter les charges, mais c’est un échec émotionnel suffisamment cuisant pour tout remettre en cause.

« Autant que je puisse en juger », ce film est remarquable de précision. Les tenants et les aboutissants sont amenés avec soin tout particulier. Le découpage est savant. Tout s’emboîte à merveille. Et pourtant le verdict reste imprévisible. Et ce n’est pas pour autant un suspense artificiel. De plus on a le sentiment de participer nous-mêmes à l’analyse et à l’élucidation. C’est du très grand art.

A noter la présence de Duke Ellington comme co-pianiste avec James Stewart. Notre musicien noir surdoué assure la bande sonore originale.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Autopsie_d%27un_meurtre

https://www.lemonde.fr/archives/article/1959/10/19/autopsie-d-un-meurtre_2149317_1819218.html

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