Avis. Chef ! – Jon Favreau – Résumé. (2014) 7.5/10

Temps de lecture : 4 minutes

Les films de bouffe sont souvent indigestes.

Mais là, on tient un très agréable sujet culinaro-sociétal.

Une fois n’est pas coutume, la réalisation a trouvé les bons ingrédients.

A la base une histoire simple.

Un chef renommé et talentueux, pratique de la haute cuisine à la française.

Ce chef imposant est une sorte de gros ours. Il est vraiment très impressionnant par son embonpoint et il est foncièrement sympathique. Il dirige sa clique avec autorité, mais aussi avec empathie et chaleur.

Il vise l’excellence. Pas nécessairement pour obtenir des médailles, mais parce qu’il ressent profondément la qualité de ses préparations. C’est viscéral et communicatif. Belle manière de diriger.

Les hiérarchies du métier, mais aussi les alliances, et peut-être les petits compromis pour gravir les échelons, sont exposées avec la finesse nécessaire, ici. Que c’est beau cet ordre « naturel » des corporations. Un des rares endroits hors de l’enfer administratif, où l’on vous laisse encore vivre un peu, chacun à sa place.

Ce rôle complexe, et qui demande indéniablement de fortes qualités humaines, est remarquablement interprété par Jon Favreau. A noter qu’il est aussi le scénariste et le réalisateur. Respect !

Jon a aussi réalisé Iron Man 1, 2 et 3, dans lesquels il a su insuffler une certaine humanité. Mais il a commis bien d’autres films.

Tout semble aller pour le mieux. Mais patatras, un éminent/influent critique/blogueur, Oliver Platt, descend le maestro en flamme, pour ne pas s’être renouvelé. De plus il n’apprécie pas certains de ses plats, en soi.

C’est injuste pour deux raisons.

D’abord la cuisine qui est proposée est excellente. Dans ce domaine ce n’est pas le renouvellement permanent qui compte. Il y a aussi de l’intemporel, n’en déplaise à la modernité.

Et ce critique aussi pertinent soit-il, n’a peut-être pas compris toute la finesse de certains des mets. D’ailleurs, on ne pas dire que la cuisine ne soit pas une affaire de goût personnel… Et il y a sans doute aussi de la fatigue et de la facilité. Comme dans tous les métiers, on a le risque d’être un jour ou l’autre, gavé / blasé.

Le cuisinier a une autre excuse. Il est aussi bridé dans son désir de changement, sa créativité. La carte ne dépend pas de lui. Le propriétaire des locaux et du fond est borné. C’est Dustin Hoffmann qui joue ce petit rôle.

Le chef ne va pas se gêner pour asséner au critique gastro, ses quatre vérités, sur l’air bien connu, mais qu’ici est tellement vrai, de la critique est aisée mais l’art est difficile. Il s’emporte. Il a raison, il a tort. Après tout la critique est multiple, comme les cuisines…

Ces images de violence verbale font le tour du web. Les internautes étant assoiffés d’émotions « vraies ».

A l’heure d’aujourd’hui, le virus le plus redouté est celui de la vidéo virale. Le mal est profond.

Et comme désormais le chef mis à terre, déboussolé, ne veut plus accepter les diktats du proprio, il rend son tablier. Il est quasi à la rue maintenant.

Le grand cuisinier est divorcé d’une bomba latina. Interprétée par la colombienne Sofía Vergara, une actrice régulièrement primée. Le réalisateur/scénariste/acteur s’est accordé un petit plaisir.

Les deux se respectent encore. Ce n’est pas trop conflictuel. La mère garde l’enfant la plupart du temps.

Ils ont un fils de 11 ans. Ce gosse vit mal la sur-occupation de son père, surtout dans les rares instants qui les réunissent.

Ce dernier l’aime bien sûr, mais le délaisse, ou ne lui accorde qu’une attention minimale et factice.

Les circonstances vont les amener à mieux se connaître et à s’apprécier vraiment.

Ce « petit ours » à la fois timide et plein de ressources, joue très bien, il s’agit de l’acteur Emjay Anthony. On est loin du pathos habituel, qui démolit l’intérêt pour ces configurations familiales complexes.

Il y a là vraiment une sorte de quête initiatique, pleine d’enseignements, dans l’édification des sobres rapports père / fils. Il n’y a rien de convenu. Tout est là, dans ces approches fermes et subtiles, de l’un vers l’autre. Ils sont à quasi à égalité, dans les petits interstices de temps libre, mais surtout dans ce motivant « faire ensemble ». On voit rarement au cinéma, aussi bien exposée, cette problématique directe de la relation pudique fils/père, père/fils.


Le petit bout de chou, mine de rien, apporte sa culture smartphone avec ses outils modernes au service de la notoriété, le grand lui enseigne l’excellence, la passion, la dextérité.

Les grands laisseront filtrer une partie de leur univers secret, comme pour ces chansons coquines chantées à tue tête. Ce n’est pas rien. Comme chacun le sait, ces entrevues précoces des valeurs des adultes, laissent des traces à jamais.

Le rite est accompli quand le père adoubera le fils, en lui offrant de manière cérémonieuse un véritable couteau de chef. C’est le grand art dans les petites choses. On avait un peu oublié cela, dans les surenchères du cinéma grand spectacle.

La plupart des émotions seront véhiculées au travers du langage culinaire, ou celui du web. Ce n’est pas un truc de cinéma, mais la réalité des métiers et des expériences de maintenant. Surtout si comme ici, l’un et l’autre, sont pratiquées avec conviction.

A partir du moment où le chef déchu s’embarque dans l’aventure d’un food truc à tacos, le film devient un bon road movie. Et bien entendu l’excellence se retrouvera jusque dans le camion à nachos… et au-delà. C’est la métaphore brillante, de ce que les qualités de l’homme s’expriment jusque dans les plus humbles détails. L’Essence est aussi dans le moindre grain de maïs. Yumtaax, le dieu maya du maïs, ou son équivalent aztèque Centeotl, sont certainement de mon avis.

Le film est truffé de bonnes idées.

Plusieurs acteurs de qualité interviennent dans des petits rôles intéressants et parfois judicieusement décalés.John Leguizamo, Scarlett Johansson, Robert Downey Jr.

Les choses se terminent bien. Mais on ne peut pas parler ici d’un film feel good. C’est bien plus profond que cela. C’est une belle leçon de vie. Mérite assurément le détour.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Chef_(film)

Jon Favreau
Sofía Vergara
John Leguizamo
Scarlett Johansson
Robert Downey Jr.
Dustin Hoffman

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