Ils arrivent que les amuseurs institutionnels de télévision tentent de faire un film en spéculant sur leur notoriété. Encore maintenant.
Les Nuls ont fait leur show sur Canal Plus pendant de nombreuses années (1987-1992). Leur humour potache était souvent amusant. Mais pas autant qu’on le dit. Ils ont surfé sur la vague de dérision post soixante-huitarde. Ils ont participé à une certaine auto-suffisance de l’appartenance à une « marque ». Le « système » était ainsi fait qu’on ne pouvait pas vraiment critiquer les Canal Plus, sans passer pour un ringard. Et les « abonnés » se sentaient une caste à part. C’est un peu comme pour les adorateurs d’Apple ou de Nike.
Et à un moment tout le monde en a eu marre de ces ricanements grinçants qui ne volaient pas très haut. Canal Plus a eu beaucoup de mal à dépasser cette période. Et je me demande quels ados retardés regardent encore cela.
On retrouve dans le film le cocktail que la bande des quatre nous a servi si longtemps. Mais comme cela dure bien davantage qu’un sketch l’ensemble se révèle encore plus chaotique. On additionne les incohérences.
La mise en abîme consistant à mettre le film dans le film (Cité de la peur / Red is dead) est une vieille ficelle qui n’apporte rien. Simplement le manque d’imagination est multiplié par deux
On a donc un scénario paresseux ou l’on ne s’embarrasse pas de vraisemblance, et qui part dans tous les sens. Il y a visiblement des gags rajoutés ici ou là pour tenter de masquer l’incurie.
- L’humour pipi-caca-prout-vomi passant pour une courageuse provocation. Un gage à la mouvance anti-système qui consomme avec appétit ces matières là.
- Pourtant le comique troupier avait exploré cela il y a bien longtemps.
- L’ironie et une pseudo dénonciation de bizarreries de nos contemporains n’a pas une grande portée ici. Dont le tralala sur l’incommunicabilité et ses paradoxes.
- Le show-biz parle au show-biz. Et alors ? Mise en abîme II avec Gérard Darmon la vedette qui joue le flic qui se prend pour une vedette.
- Nos farceurs utilisent une recette facile de l’absurde. Elle consiste à prendre au pied de la lettre une expression et de nous la développer in extenso dans ces derniers retranchements. Mais comme ces détournements sont faits plusieurs fois, cela devient lassant.
- On a aussi ces transpositions de scènes passionnées, de manière à nous en montrer une certaine animalité. Rire facile.
- Et bien entendu ils ne font qu’emprunter ici ou là, en copiant servilement de scènes d’autres films ou des situations classiques. Tout le monde a fait cela. Et quelques uns ont réussi à transcender l’original (Mel Brooks par exemple) – Eux au contraire, ils ont même réussi à massacrer Pretty Woman ou Basic Instinct, en prétendant s’en inspirer. Les scènes sont plates à pleurer.
Ils ont fait du sous-Hara-Kiri (journal bête et méchant) en cherchant à être bien commercial.
Alain Chabat s’est révélé par la suite un acteur pas si mauvais que cela. Ici il ne fait pas grand-chose.
Dominique Farrugia joue à l’idiot extrême. Et l’on devrait rire qu’un acteur qui aspire à la célébrité en soit là. De nos jours des ligues de protection des faibles d’esprit s’insurgeraient. Ça cela me ferait rire. On nous ressert un grand nombre de fois le fait qu’il vomisse quand il est content. Du coup on a vraiment envie qu’il disparaisse de l’écran.
Chantal Lauby nous fait la semi-bourge, un peu coincée, un peu libérée, comme il y en a eu tant d’autres à l’époque. Du genre pétard qui attend son allumette.
Dans ce même registre Valérie Lemercier a un petit rôle ici. On est encore dans la dénonciation du petit bourgeois et des « manières ». Mon dieu que c’est daté !
Il y a une foultitude d’acteurs et personnages célèbres qui sont venus à la rescousse et qui se forcent au contre emploi, parce qu’ils n’ont rien à faire et parc que cela doit faire rire. Mouais, du remplissage d’affiche facile avec des rien-du -out scénaristiquement parlant. On sent le truc improvisé de dernière minute.
Le film n’a pas plu au grand public. Et donc forcément, certains critiques se sont empressés de le trouver « culte » et génial. Un contre-pied facile typique de happy-fews de cette ère.
A décharge j’ai connu une jeune pas bête du tout, qui faisait de la Cité de la peur, son film de chevet. Comme quoi…
Heureusement notre époque a surmonté ce terrorisme du rire facile. Et on peut dire ouvertement que ce nanar est une sous-m… (fallait pas commencer!) – On peut rire de tout, presque avec n’importe qui… à condition que cela soit drôle (*)
(*) « On peut tromper mille fois mille personnes, non, on peut tromper une fois mille personnes, mais on ne peut pas tromper mille fois mille personnes. Non, on peut tromper une fois mille personne mais on peut pas tromper mille fois une personne. Non. »
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Cit%C3%A9_de_la_peur_(film,_1994)
Alain Chabat
Dominique Farrugia
Chantal Lauby
Gérard Darmon
Sam Karmann