Théâtral, hors sol et surjoué.
Ce scénario se déroule principalement dans une lugubre prison château fort, au bord d’une mer glaciale. Difficile de faire plus sinistre, tant dans les lieux, que dans les âmes. On aimait ces « douleurs exquises » dans ce temps là. Et les acteurs étaient flattés de pleurnicher avec Strindberg.
La violence du noir et blanc sert bien cette cause désespérante.
Stroheim y est le chef du camp. Il incarne un capitaine intransigeant, très « prussien », autant dur avec les siens, qu’avec sa troupe, ou envers sa hiérarchie. Il est le premier à affirmer qu’il a un très mauvais caractère. Forte tête, il va être bloqué, sans promotion, pendant 25 ans, dans ces lieux sinistres. Son prédécesseur s’y est suicidé ; c’est dire l’ambiance « mélo ».
Les rêves de grandeur de sa femme vont vite s’évanouir. Cette épouse dolorosa jouée par Denise Vernac a choisi le mauvais cheval. Elle se mord les doigts d’avoir réprimé jadis un penchant pour un autre soupirant, Kurt (Jean Servais) le médecin.
Au bout de tant de temps, le couple est à la dérive, sans respect aucun l’un pour l’autre. Il tente d’obtenir d’elle qu’elle maintienne au moins quelques apparences. Il ira jusqu’à la fouetter pour cela. August Strindberg et le réalisateur Marcel Cravenne, nous soulignent en long et en large que ce sont ces deux là les vrais prisonniers. Nos créateurs semblent s’amuser à faire des gammes sur les affres matrimoniales et ses cercles viciés.
La « fête » désastreuse, organisée pour les noces d’argent, sera l’occasion d’en rajouter une couche, bien poisseuse.
Seule leur fille apporte un peu de fraîcheur. C’est une sorte d’oie blanche, comme on les aimait à l’époque. Elle s’entiche d’un taulard anarchiste, tout aussi idéaliste qu’elle, et va favoriser son évasion. Sa mère, qui craint plus que tout qu’elle finisse comme elle, va la soutenir.
Mais la « vieille » ira très loin dans l’abject, en dénonçant à la hiérarchie la manipulation des comptes de la garnison, par son mari ; ce qui va déclencher une inspection.
Entre temps, « miraculeusement », Kurt est muté juste à côté. Malgré les années, il a gardé un béguin respectueux pour la femme de son ami militaire. Elle voit en lui une bouée de sauvetage. Elle tentera d’assassiner son homme en le faisant danser un rythme effréné qu’elle va dicter par du piano endiablé. La « danse de la mort » n’achèvera pas complètement le bonhomme, en tout cas pas tout de suite. Faut dire que c’est assez grotesque comme argument.
En apprenant que son ancienne dulcinée a fomenté la trahison infâme de son mari, Kurt finira par se détourner d’elle complètement. Il signifiera clairement son mépris à cette femme qu’il a aimé platoniquement si longtemps.
Mais le mari, qui est le principal responsable du naufrage du couple, ne sera pas épargné par ses reproches. D’ailleurs il lui a fait un sale tour en lui empruntant plus d’argent qu’un petit toubib pouvait donner, au point de mettre le créancier au caducée dans l’illégalité. Du coup le chef de corps s’en sort et peut masquer ses détournements. De plus, il tient maintenant le médecin qui a convoité sa moitié. C’est assez salaud.
Mais il y a une justice et ce couple déprimant retrouvera ses chaînes. Strindberg et Cravenne, s’en sorte curieusement assez bien auprès des critiques. Leur étonnant statut d’intouchables fait qu’ils ne sont pas mis au fer comme ils le devraient.
La lumière se rallume. Combien de spectateurs se sont suicidés ?
- Erich von Stroheim nous fait son numéro habituel en militaire corseté. Il est droit dans ses bottes jusqu’à l’absurde. Un rôle qui semble taillé sur mesure. Si le film s’était contenté de ses monologues, dans un one-man-show, cela aurait donné quelque chose d’original.
- Denise Vernac nous fait une sorte de canari aristocratique en décomposition, enfermé dans une de ces cruelles poupées de Nuremberg. Cela ne marche pas si bien. On sait depuis belle lurette que ce qui est excessif est insignifiant.
- Jean Servais, même en médecin charitable, est toujours aussi froid et inexpressif. Je n’arrive vraiment pas à me faire à cet acteur. Là aussi, je vous recommande de tirer sur l’ambulance.
- La « belle » Marie Olivier ou Wanda Kosakiewicz (en ukrainien : Ванда Козакевич), a été une importante maîtresse de Jean-Paul Sartre ; sa sœur Olga Kosakiewicz a fait de même, d’ailleurs dans un trio célèbre avec la Beauvoir. Marie aurait aussi couché avec le brave Albert Camus. Elle semble avoir plus aidé les lettres que le cinéma.
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Danse_de_mort_(film,_1948)
Erich von Stroheim
Denise Vernac
Pierre Palau