Avis. Djam. Film Gatlif – Daphné Patakia – Résumé (2017) 6.5/10

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Ah ce Gatlif, comme toujours, il simplifie beaucoup.

C’est un film démonstratif. Et donc notre réalisateur/scénariste choisit ostensiblement un camp et une doxa.

C’est l’apologie d’une jeunesse insouciante et heureuse, avec des belles âmes généreuses, agrémentée de parents proches de la terre et compréhensifs. Le tout bien entendu dans le monde calme et vertueux d’avant, avec une photo de Rousseau et du Che sur les murs (c’est une image).

Pour rendre cela plus moderne, il rajoute qu’il ne veut plus de frontières, et privilégie une infinie tolérance et de grands voyages. Les vrais paysans étaient plus chatouilleux sur ces points.

Comment vit-on dans ce pays de cocagne ? En cueillant ce que la nature nous donne, en buvant de l’Ouzo, en s’aimant, et en dansant et chantant comme une cigale. Le monde des éternelles vacances ou presque.

C’est vite oublier que la paysannerie d’antan, qui respectait presque toutes ces règles, était dans un monde dur où il fallait trimer sans cesse, pour n’avoir presque rien à la fin dans l’assiette. Et toutes ces sortes d’inconvénients, comme une médecine peu efficace et rare, des infrastructures inexistantes, une sécurité dominée par les plus forts, des tyrans domestiques… et ni Internet ni smartphones. Ils en oublient des choses, nos rêveurs privilégiés, quand Gatlif leur tend sa main chaleureuse.

Prenons donc ce film pour ce qu’il est, un doux road-movie musical et multiculturel, à destination des vieux adolescents.

Djam (Daphné Patakia) c’est le personnage central. Elle se laisse guider par son instinct. Cette jolie fille arrondit les angles. « moi je ne m’en fais pas » semble-t-elle dire. Ce qui ne l’empêche pas d’être plutôt vigilante et lucide, surtout si l’on considère son jeune âge.

On peut remarquer que malgré quelques déboires, en voyage, elle a beaucoup de chance. Une jolie pervenche comme cela est en réalité en danger permanent dans ces terres inconnues. Ce périple, qu’elle doit mener de la Grèce de l’Est à Istanbul pour faire forger une bielle de grand bateau, n’est pas de tout repos.

Elle est commanditée par son oncle (Simon Abkarian). Ce personnage entier et sympathique est à la fois méfiant et indulgent. A l’occasion, il nous fera une tirade convenue sur la question de l’expatriation., assortie de trémolos, et bien dans l’air du temps.

Elle s’acquittera plus ou moins bien de sa mission, mais s’encombrera au passage d’une fillette perdue, originaire de la banlieue parisienne (Maryne Caton). Cette rescapée est-elle même majeure ? Elle ne répondra pas à cette question. Elle s’est fait larguer en pleine Turquie, par un copain qui lui a piqué toutes ses économies. Elle n’a rien. Pas un sous, pas un vêtement de rechange. Son passeport est confisqué par un hôtelier.

Djam n’a pas l’intention de se trimbaler ce boulet. Elle a une mission et un budget limité.

Elle cherche même à s’en débarrasser comme on éloigne un petit chien qui colle à vos basque(tte)s.

Elle laisse quand même parler son coeur et poursuivra avec elle jusqu’à sa destination finale, en lui prêtant ce qu’il faut d’assistance.

Les propos sont crus et directs. Seule la musique adoucit les mœurs. Elle revient souvent, sous la forme de petits groupes amicaux ici ou là, avec des instruments traditionnels et où l’héroïne pousse la chansonnette également, en se déhanchant comme il se doit. Ce sont des mélopées gréco-turques du répertoire populaire, qu’on entonne dans les bars et que je vous laisse imaginer.

Il y a pas mal de situations différentes auxquelles les deux routardes sont confrontées. On ne s’ennuie pas.

Comme la fin se passe en Grèce, c’est l’occasion de faire la leçon à la société mondialisée, celle de la finance ! Le mot assassin est lâché.

  • Notre bon peuple hellène s’est fortement endetté sur le dos de l’Europe. Il semble ne pas en avoir profité pour créer les moyens d’un sursaut économique, ce qui était le but initial. Il reproche maintenant vertement à ces « chacals » du grand capital, cette « ingérence ». C’est à dire une fois que la bise fut venue et qu’ils ont fini de grignoter les graines des autres. Je sais, en disant cela, je casse l’ambiance, je fais « allemand ».

La jeune belgo-grecque est une révoltée. Elle va uriner sur la tombe d’un aïeul qui s’est compromis avec les colonels : « je pisse sur ceux qui interdisent la musique et la liberté » dit-elle. Voilà pour la caution historique qui ne manque jamais chez les présumés défenseurs des damnés de la terre.

La banlieusarde, elle, est effarée de voir les montagnes de gilets de sauvetage sur la rive. Ceux qu’ont abandonné des boat-people.

  • J’ai connu une personne qui a fait cette traversée clandestine et cela a été vraiment cruel, des passeurs au rafiot. Je peux comprendre ce que cela signifie.

Le clou c’est bien entendu l’arrivée des huissiers qui veulent chasser la tante grecque de son restaurant, en raison des impayés. Pour mieux faire leur saisie, lesmen in black à la solde des banques, bloquent le passage. Elle veut simplement rejoindre les toilettes. Elle aura une tirade définitive : « vous ne voulez pas aussi confisquer ma merde » et une variation sur le thème en scato mineur « vous nous avez mis dans un monde de merde ».

On a compris, on voudrait entendre ici le chant majestueux des hommes et des femmes, qui ont les pieds dedans, et qui se soulèvent contre l’oppression. Mais le disque révolutionnaire est un peu rayé.

¡Viva la Revolución tranquille ! Les Che passablement plus criminels que la légende le voudrait, on en a soupé. En plus je suis sûr que le rêve de Gatlif n’est pas de confectionner des Havanes à la chaîne. Il veut juste filmer ce qu’il aime et faire de la musique. Où est le mal ?

Je critique, je me moque, mais cela ne doit pas faire oublier ces acteurs. Ils sont bons et attachants. Ce n’était peut être pas la peine de nous montrer ces filles à poils. Mais bon cela ne fait pas de mal.

La musique folklorique, qui puise au plus profond, est intéressante également.

Je rêve d’un Gatlif qui se laisse davantage aller dans la poésie pure, débarrassé de ces foutaises para-politiques. Il en est capable. Lui oui, mais le public ?

https://fr.wikipedia.org/wiki/Djam_(film)

Daphné Patakia
Maryne Cayon
Simon Abkarian

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