Avis. En toute bonne foi – Steve Martin – Résumé (1992) 7/10

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Les 3/4 de ce film sont intelligents, bien interprétés et très bien réalisés. Mais surtout son sujet, l’escroquerie religieuse, est passionnant. (Leap of Faith)

L’essentiel de ce long métrage présente le grand intérêt de nous éclairer sur des techniques perverses, développées grâce à la connaissance de la psychologie des foules. On y expose avec clarté les techniques d’embobinage.

Steve Martin incarne un prédicateur efficace et très manipulateur. Il connaît toutes les méthodes d’exploitation de la naïveté. Le but est d’engranger des quêtes importantes en sillonnant les USA en caravane. Ce n’est pas la petite roulotte du vendeur de panacée, non là c’est quasi industriel avec plusieurs immenses camions, des remorques pleines, de l’électronique, un grand chapiteau…

Il est à la tête d’une grosse machine de traitement de l’information. Pas de place pour l’amateurisme. Il s’agit d’abord très bien connaître le terrain. Des enquêteurs étudient les problèmes généraux d’une communauté et tendent l’oreille pour être informés précisément des soucis des individus.

La ville manque d’eau ? Va-t-il pleuvoir ? Untel a des ennuis avec la clôture mitoyenne, un autre un mal de dos non résolu, le troisième vient de se faire renvoyer etc.

Chacun sera localisé précisément sous le chapiteau, Chaise D12, A27 et repérable immédiatement. Un émetteur HF informera en temps réel du sujet de préoccupation de la personne assise, avec précision. Des mots clefs cachés dissimulées dans les question de la personne qui fait circuler le micro dans la salle compléteront l’arnaque. Le gourou donnera l’impression de lire dans les pensées. Et de toute façon, les prédictions seront suffisamment vagues ou emmailloté dans un galimatias biblique pour ne pas prendre trop de risques.

D’autres ficelles sont utilisées. Comme d’aider une vieille dame qui est venue à pied, mais qui marche difficilement, en l’amenant près de la scène sur une chaise roulante. Le mage pourra susciter un lève-toi et marche. La scène est pré-inscrite dans l’inconscient collectif, on a donc envie d’y croire. Dans le brouhaha, les gens identifieront à un miracle.

Tout est basé sur la maîtrise de l’information, une intégration à de scènes mythiques primordiales, la suggestibilité et le besoin pour les gens perdus de croire à l’impossible.

  • Comme le démontage est très sérieux, on ne peut pas s’empêcher de penser au travail de notre Majax, le défaiseur de miracles.

Vu du bon côté, on pourrait dire que cette machinerie a un rôle de renforçateur psychologique sur des cibles suggestibles et totalement dans le pétrin. Il faut être à bout pour céder à cette dangereuse tentation d’une supposée intervention divine.

On peut assimiler ce secours psychologique passager à une sorte de coup de pied aux fesses, pour redonner du courage et remettre les forces vives en marche. C’est inspiré de l’aide que propose les désorceleurs.

  • Confer les travaux sérieux de Jeanne Favret-Saada sur la Sorcellerie dans le bocage de l’Ouest de la France. Les sorciers ne sont jamais identifiables mais l’ennemi est toujours proche. C’est lui qui est la cause de la perte. Un rituel permettra de libérer la victime du mauvais sort. En réalité, sous la pression de la famille, il s’agit juste de redonner confiance, par une vigoureuse psychothérapie, au travailleur principal, qui se laissait aller.
  • On pourrait citer aussi certaines dérives de la psychanalyse.

Et bien entendu, dans tous les cas, si cela ne marche pas c’est en raison du manque de foi du plaignant. Cette excuse marche à tous les coups et c’est bien souligné dans le film.

Et la technique est parfaitement rodée et efficace. La chorégraphie du grand maître, accompagné par une musique ad-hoc, guide aussi sûrement les esprits que l’orchestre violoneux d’un blockbuster

C’est un rôle parfait pour un acteur cabot, trop souriant, limité et très physique. C’est pourquoi, pour une fois, Steve Martin est parfait.

La problématique se situe dans la limite qu’il existe entre l’escroquerie, l’aide psychologique ou le spectacle. Et même pour nous spectateur, le point de vue peut changer. D’autant plus que les héros sont par essence sympathiques.

Et si le personnage central de cette Église tiroir-caisse a un gros casier judiciaire, qui démontre son passé d’escroc, ce n’est pas forcément un handicap. Il peut même s’en vanter, pour mieux montrer qu’il serait un reborn. Saint Augustin avait beaucoup fauté avant de devenir un grand personnage de la chrétienté. Le prédicateur sait jouer de toutes ces cordes.

Il faut dire qu’on est sur le terreau fertile d’un peuple, qui n’hésite pas à afficher son credo, le « in god we trust », jusque sur ses billets de banque, et qui renvoie dos à dos, le créationnisme et le darwinisme.

Les institutions protègent, sans doute exagérément, le moindre organisme qui se revendique religieux. Là bas la Scientologie est inattaquable, contrairement à chez nous. Et le statut fiscal avantageux favorise la pullulation des sectes de tous genres.

Les héros sont fatigués. Ils ont l’habitude de détrousser les riches des grandes villes. Et là accidentellement ils se retrouvent dans un village déshérité. Ce n’est pas bon pour le moral de voler les pauvres.

Un grain de sable se glisse dans la machine. L’assistante très douée de l’illusionniste, se met à envisager de se poser. C’est l’actrice de talent Debra Winger qui s’y colle. Le chef de la police, interprété avec nuance par Liam Neeson, est un septique profond. Il cherche à préserver la population de cette escroquerie.

La belle tente de le séduire subtilement, d’abord pour le neutraliser. Elle et lui ne croient pas aux miracles. Elle joue avec cette matière sensible, en entrant dans son jeu. Et finalement elle n’est pas indifférente au courage de cet homme.

Steve Martin profite de ses talents pour amener dans son lit, à chaque étape, telle ou telle modeste employée rencontré au passage. Ici, malgré sa prestance et son bagout, il se prend un râteau avec Lolita Davidovich. Le frère de la serveuse a eu un accident et est handicapé moteur. Ils ont déjà été confronté à un sagouin que a essayé de leur vendre une guérison miraculeuse. Ils ont déjà donné.

Le film se perd après dans un possible vrai miracle. Le frère de la serveuse remarche dès lors qu’il a touché la croix miraculeuse. Le jeune est-il un escroc plus rusé que le professionnel de l’entourloupe, ou bien s’agit-il réellement d’une intervention divine. Cette posture de l’entre deux fait baisser l’intérêt qu’on pourrait avoir pour ce scénario qu’on espérant surtout démystificateur et rationnel. Sans doute que la production a manqué de courage.

Mais bon, ce n’est que du cinéma après tout.

https://fr.wikipedia.org/wiki/En_toute_bonne_foi

Steve Martin
Debra Winger
Lolita Davidovich

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