En fait cela mérite moins que 7/10, mais je me dois de saluer ces grands acteurs.
Burt Lancaster fait un grand numéro d’escroc magicien blanc. Il est supposé avoir le pouvoir de faire venir la pluie, lors de grandes sécheresses.
L’acteur, qui ne demande que cela, y va fort. Il est dans l’excès, mais l’excès habilement calculé. Suffisamment, à la manière d’un prédicateur, pour que son entraînante conviction paraisse venir d’en haut. Et pas trop quand même, pour ne pas semer le doute chez ses victimes potentielles.
Katharine Hepburn a 49 ans à l’époque. Elle joue une célibataire sans concession, en passe de devenir une vieille fille.
Comme nous, elle ne croit pas un mot de ce brigand.
Elle recherche désespérément un bon mari. Le shérif du coin est sa dernière chance. Elle est dans l’attente du beau prince sur son cheval blanc. Cette androgyne, qui aurait été homosexuelle dans la vraie vie, ne rend pas les choses faciles.
« Miss Kate » s’adapte vraiment bien à toutes les nuances de ce personnage. Cela va de, froide et triste, à faisant semblant d’être insouciante et guillerette.
Et ce n’est sans doute pas facile à une actrice, de jouer une femme vieillissante et mise sur la touche (*)
Burt Lancaster a beau jeu d’exploiter les failles de cette rationaliste incrédule. Les escrocs adorent se frotter à ces cas là. Ils exploitent de toutes les nuances du doute, pour déstabiliser ce genre bien circonscrit d’adversaire. S’ils obtiennent publiquement la mise à mort symbolique des fortes têtes, on les croira davantage (**) .
Avec un chariot astral, un habit de lumière, un sourire éclatant et des aphorismes prophétiques, « Starbuck » arrive habilement, à soutirer l’argent des gens honnêtes.
Ceux-ci, ne croient qu’à moitié aux bénéfices espérés. Mais à l’instar de Pascal, ils font le pari. Chez Pascal cela ne coûte rien de s’agenouiller et prier. Et c’est tout bénéfice, si Dieu existe. Au far-west, on doit quand même donner 100 dollars d’avance.
L’idée n’est pas de savoir si le supposé sorcier blanc, Burt Lancaster, va faire tomber la pluie ou non. Il s’agit plutôt de se demander quand la pluie arrivera de façon opportune, pour lui sauver la face. C’est en quelque sorte de la magie au deuxième degré (***)
Et bien entendu, Burt cache aussi un coeur gros comme ça.
La distribution est prodigieuse. Du coup, cette affaire prend un tour considérable. Ce ne sont pas de petites personnalités qui tournent en rond dans une farce. Ce sont de grandes pointures qui montent le sujet à la dimension d’une tragi-comédie antique.
Burt en rajoute, mais c’est voulu par son rôle. Katharine Hepburn nous fait un grand numéro d’acteur en jouant sur toute la gamme de l’interprétation. C’est sans doute un peu « too much ». Mais le jury des Oscars l’a pourtant nominé comme meilleure actrice.
La prise de vue contient quelques trouvailles. Le film est plus mobile et plus tridimensionnel que les films de cow-boys classiques. Il y a déjà quelques voitures, on est dans une autre époque.
L’intrigue se termine par un happy end très téléphoné.
Au total, on s’en voudrait presque de regarder un film sur un « faiseur de pluie » et une vieille fille coincée et un brin midinette. Mais il faut considérer qu’il s’agit plutôt de belles figures imposées où excellent les acteurs. Et que tout est au second degré. Et aussi bizarre que ça paraisse, cela peut même faire penser !
- (*) Kate : cette curieuse actrice, n’a pas enchaîné que des succès. Au point qu’elle est parfois surnommée « le poison du box-office ». Bien qu’elle ait vécu jusqu’à 96 ans, elle souffrira pendant de longues années, d’une forme très déficitaire de la maladie de Parkinson.
- (**) On voit des cas comme cela dans la vraie vie. Lors de dîners en ville, il y a souvent un amuseur qui se prend au sérieux et qui professe l’antithèse de tout ce qui est possible. Il s’est entraîné. Il attend son effet. Et plus il aura de contradictions, plus il se sentira valorisé. Le seul moyen de s’en débarrasser, c’est de passer ostensiblement à autre chose.
- (***) En médecine, on a interstice du même genre pour des « prédicateurs », que cette pluie qui arrive tôt ou tard. Un espace où s’immiscent quelques charlatans institutionnels.
- Ce sont les infections virales saisonnières. Elles se résolvent le plus souvent spontanément en quelques jours. Mais les vendeurs de perlimpinpin vont vanter les mérites de leur pseudo-médicaments, «à prendre aussitôt qu’il y a les symptômes ». Il n’est pas question d’arriver après la bataille, le trucage serait trop voyant. Et bien entendu prendre ou ne pas prendre ces dilutions à l’infini, qui correspondent à une absence de molécules, ne changera rien. Mais le crédule sera persuadé que cela a aidé la « guérison ».
https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Faiseur_de_pluie
Katharine Hepburn
Burt Lancaster