Ce film russe de cape et d’épée ne manque pas de qualités. Le titre reste un peu lourd. (Слуга государев)
Cette saga se place sur une vraie toile de fond historique, principalement dans les pays du nord.
Place à la petite histoire.
A Versailles, à l’époque du grand Louis, un marquis et un comte se prennent en grippe. Ces deux jeunes gens en viennent aux armes. C’est mal vu dans cet univers ultra-polissé qui cultive la bienséance. On règle ici ses comptes à fleuret moucheté, à coup de phrases assassines et de bons mots.
- Cette rivalité jusqu’au-boutiste fait inévitablement penser au film Les Duellistes (The Duellists) de Ridley Scott de 1977. Mais bien que l’envie d’en découdre soit également très forte entre nos deux escrimeurs français au sang chaud, il y a ici nettement moins de folie.
Louis XIV ne peut accepter que ces deux bretteurs continuent leurs bêtises. Il les envoie en mission des deux côtés d’un front à naître. Pour ne pas déplaire au roi de France, ils se rendent l’un chez les Suédois et l’autre chez les Russes. D’ailleurs ils n’ont pas le choix.
Un message doit être transmis à chaque monarque. Un autre concerne les encadrements étrangers. Ils ont la consigne de mater ces « parisiens » en leur proposant de dures missions. Mais cela, ils ne le savent pas encore.
Il faut dire qu’en plus, le vieux Louis est fâché, car le chevalier Charles de Brézé lorgne sur une de ses maîtresses. Il y a outrage. L’actrice/mannequin Ksenia Kniazeva est une très jolie fille d’ailleurs, ce qui rend la crispation convaincante. La belle n’est pas insensible au jeune homme. Un peu d’éloignement ne fera pas de mal. Loin des yeux, loin du coeur.
Le réalisateur Oleg Riaskov a très bien restitué l’ambiance de la Cour du roi soleil. Très étonnant. On aurait pu penser que le pari était impossible. Le récit de la France légendaire serait-il réservé aux Français ? Cet exploit parait d’autant plus méritant, quand on compare à la plupart des adaptations grotesques d’outre-Atlantique ou même d’outre-Manche. Elles donnent l’impression que l’on y mâche en permanence du chewing-gum et/ou qu’on met les pieds sur la table.
Ce qui tend à prouver que les Russes sont plus proches de nous que les Anglo-Américains. Ils ont les manières. Ce dont je ne doutais pas pour avoir visité les deux côtés.
On ne fait plus trop ce genre de films de nos jours, en tout cas avec cette intensité, ce plaisir manifeste de tourner et cette relative absence de trucages 3D.
Ici les bagarres sont bien restituées, avec d’habiles chorégraphies qui renouvellent un peu le genre, tout en maintenant la tradition.
Certes les deux protagonistes sont curieusement assez invincibles, malgré les coups, les entailles profondes et les coups de fusil. Mais cela c’est un peu toujours la règle.
Il y a du courage, de la combativité et de très belles filles. De quoi retenir l’attention. Ces petites (ou grandes) russes sont vraiment intéressantes et craquantes. Je pense par exemple à Olga Artngoltz, en marquise Gretchen von Schomberg. Cela change des sempiternelles vedettes US, toujours les mêmes, qui squattent à jamais le box-office jusque dans nos chaumières.
Il ne manque pas d’injustice, de coups tordus et de vengeance. Encore des clefs habituelles.
On s’étripe, on se tue, mais le tout est servi avec assez de délicatesse finalement.
On sent bien cette compréhension dans l’approche prudente et progressive de ces mondes étrangers et bien dangereux, par nos deux voyageurs. C’est crédible. En tout cas ce n’est pas Rambo dans un magasin de porcelaine.
Un autre trait qui me semble très russe, c’est cet amour de la forêt et des grands paysages. Une vision vraiment vibrante et communicative. Je dois être slave quelque part. Le cinémascope respire à pleins poumons. J’aime cela.
Voilà un film bien charpenté et qui ne manque pas de souffle. De quoi tenir plus de 2 heures sans s’ennuyer.
Le coup de l’énigmatique cavalier noir, qui se surajoute, me semble cependant un peu téléphoné et inutile.
Le happy end (comment dit-on en russe ?) est classique. Tout est bien qui finit bien, si l’on a pris soin de passer par les péripéties les plus extrêmes. Et l’amour bien entendu triomphe.
Le cinéma post-soviétique est bien adulte. Qui donc nous a mis dans la tête que ce n’était pas le cas ? Suivez mon regard vers l’Ouest.
Les Français ne voient l’histoire que par leur côté de la lorgnette, voire avec des œillères en plus. Ils ne savent même pas que la grande bataille de Poltava a existé. Elle a fait se confronter rudement, en 1709, Pierre Ier de Russie et Charles XII de Suède. Les Russes ont gagné. Ce n’était pas de la gnognotte et cela a contribué à scinder le continent. Si on veut vraiment être européen, il faudrait commencer par s’informer et cesser notre stupide hexagono-centrisme.
- Dmitri Miller (ru) : le chevalier Charles de Brézé
- Alexandre Boukharov : Grigori Voronov
- Alexeï Tchadov : Angie
- Ksenia Kniazeva (ru) : Charlotte de Monterras
- Daria Semenova (ru) : Anka
- Valeri Malikov : le comte Antoine de La Bouche
- Andreï Soukhov : le tsar Pierre le Grand
- Vladislav Demtchenko : le prince Philippe
- Dmitri Chiliaïev (ru) : le roi de France Louis XIV
- Andreï Rykline (ru) : Alexandre Danilovitch Menchikov
- Rodion Yourine (ru) : le comte Antoine V de Gramont
- Nikolaï Chindiaïkine (en) : l’aubergiste polonais
- Elena Plaksina (ru) : Praskovia
- Ivan Chibanov : le marquis von Schomberg
- Olga Artngoltz (ru) : la marquise Gretchen von Schomberg
- Edouard Fliorov (ru) : Le roi Charles XII
- Maria Kojevnikova : dame à la cour