Damien Chazelle, est un réalisateur, scénariste et producteur, qu’on dit franco-américain. Né et éduqué aux USA, il est pourtant plus américain que réellement français. Mais ceci n’a guère d’importance.
Ses origines et son bagage culturel le prédisposent à une lecture carrée de cet exploit, qu’a été l’arrivée du premier homme sur la lune. Il ne veut pas trop s’embarrasser de détails. Le récit doit être linéaire et lisible par le premier venu. Quitte à friser une certaine vulgarisation, dans tous les sens du terme.
Comment pourrait-il en être autrement ? On ne peut pas écorner le mythe. Ce fut un évènement extraordinaire. Il n’y avait pas là, juste le dépassement d’un seul homme, Neil Amstrong, ni même celui de toute l’équipe de la Nasa, ni celle d’un seul pays, mais ce fut le big step de l’humanité toute entière.
Et c’est pour cela que je conteste la personnalisation un peu trop poussée de ce film. Mais bon, tout miser sur un personnage central, ici Neil, est une vieille ficelle aguicheuse de cinématographe.
- J’ai eu l’occasion de voir la scène « en direct » dans une vitrine de magasin de téléviseurs, en plein Mexico, ce fameux 21 juillet 1969. J’ai été ému comme tout le monde. Et ce tout le monde n’est pas une métaphore ici. Et je n’avais rien à faire que cela soit un Neil ou un Buzz ou qui que ce soit d’autre.
Une lecture plus critique de Chazelle aurait été malvenue, dans ce pays qui a acceuilli si favorablement sa famille. Et puis le rêve américain, c’est quelque chose qui existe pour de vrai. On peut difficilement lutter contre cette doxa.
Ce qui n’empêche pas notre Damien de faire une petite incise, en mettant en scène, un court moment, des contestataires d’alors. Il nous montre qu’ils auraient préféré qu’on bascule ce budget prodigieux en faveur de nécessiteux. Dans une vision statique des choses, cela peut se discuter.
Pourtant, on peut dire rétrospectivement que l’intérêt de l’entreprise n’a pas juste consisté à ramener quelques cailloux, ou à conforter l’égo national face à des soviétiques entreprenants ; mais de faire progresser la science toute entière. Ce qui nous a ouvert la porte de pas mal de nouvelles technologies. Kennedy, dans le discours inaugural sur ce Manhattan de moins de dix ans, avait pressenti cela aussi.
Le réalisateur de La La Land sait comment manipuler l’émotion, dans un storytelling. Il ne s’en prive pas ici non plus. Je n’aime pas trop cela en général.
Le coup de l’enfant mort de cancer et du bracelet jeté sur la Lune est quand même un peu trop présent à mon goût. Bien sûr je compatis et j’admire le courage de cet Amstrong qui a surmonté cette épreuve, en même temps que les difficultés redoutables de sa formation d’astronaute. Mais quand même, l’histoire B est un peu envahissante. Et puis on nous refait le coup ultra classique du conflit entre les devoirs affectifs et ceux de sa charge professionnelle. L’épisode de la mère à bout de nerfs, face à cette tâche « astronomique » fait un peu concombre. Même si cette perspective se veut humaine et équilibrée.
Pour le reste, cette longue saga nous montre pas mal des segments essentiels. Cela reste parcellaire forcément. Les choix sont parfois discutables. On passe sous silence plein d’épisodes clefs des Gemini et des Apollo. Et pourtant cela dure quand même déjà 2h20 !
Et l’ambiance générale, faite de discrète compétition et d’amitié, n’est pas sans rappeler le canevas de L’étoffe des héros, le grand classique de la première partie de la conquête spatiale. D’où un léger parfum de déjà-vu.
Ce qui m’a semblé particulièrement intéressant, ce sont ces reconstitutions méticuleuses des éléments des vaisseaux utilisés. Ces immersions nous permettent de vraiment mieux comprendre le ressenti de ces pionniers, si minuscules face à ces immensités.
Grâce à cela, la vision de l’alunissage devient bien plus générale et plus précise, que ce que permettait les pauvres vidéos, qui nous sont parvenues alors. D’où l’Oscar des meilleurs effets visuels – Le réalisateur a eu l’intelligence de nous montrer cela dans toute sa pureté, sans les agaçantes musiques qui viennent habituellement sur-souligner le propos.
Gosling est un bon acteur qui joue dans les pastels. Je ne sais pas si c’est exactement comme cela qu’était Neil Amstrong, mais ce choix d’un être taiseux, sans aspérités mais dans la nuance, est assez prenant.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Damien_Chazelle
https://fr.wikipedia.org/wiki/First_Man_:_Le_Premier_Homme_sur_la_Lune