Avis. Grande Bellezza. Film Sorrentino. bad Trippa alla Romana – Résumé (2013) 5.5/10

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Autocentrage

Un scénario qui s’étale sur un écrivain, ou un acteur, est d’emblée suspect de paresse. Cela ne s’arrange pas quand le thème est celui d’un auteur dont la cervelle tourne à vide. Les deux manques d’imagination copulent entre eux, pour engendrer encore plus de néant.

Et en effet notre réalisateur/co-scénariste Sorrentino finit par rendre une copie presque blanche, en ne misant que sur sa propre panne à lui. Il voudrait croire, et nous faire croire, que cette double insignifiance a de l’importance.

Pour parachever le tout, ce fond de superficialité mondaine, exposé en long et en large, fait écho à la faillite des deux écrivains, celui qui projette le film et celui qui est dans le film.

Il y en a un peu marre de ces spleens complaisants et autosatisfaits. Surtout quand ils se permettent d’organiser leur propre critique.

Comédie humaine et musicale

Le début de ce trop long métrage, est outrageusement chargé en fêtes de la nuit. Il y a là trop de clinquant, trop d’exhibitionnisme, trop de danses primaires et trop de musique binaire. Trop de trop.

Cette saturation est sans doute voulue. Mais on du mal à se débarrasser de cette mauvaise impression de s’être égaré dans une comédie musicale, à la sauce techno.

Ecce homo

Un personnage de 65 ans finit par se distinguer du fond. Il domine ses semblables tout en feignant l’humilité. Il dicte le bon ton, sans que l’on sache trop pourquoi il se permet de regarder de si haut les autres oiseaux de nuit.

Il a des amourettes précaires, des doutes et sa libido est en train de foutre le camp. Il s’adonne au botox comme tous ses congénères. Ceux qui en sont à 700 euros la dose administrée par un gourou, et qui se donnent régulièrement en spectacle. Il ne sait pas ce que c’est que le matin. Ce caractère est joué par un Toni Servillo qui ne me convainc pas.

C’est ici un auteur et peut être même l’auteur virtuel de ce récit. Il a écrit un livre jadis, qui a été fortement applaudi.

Beauté conceptuelle et réelle

Depuis il ne produit plus rien, car il n’a plus rencontré cette nécessaire beauté (bellezza). La belle qualité s’est échappée.

Elle est devenue moralement inaccessible, puisqu’il n’est qu’un viveur de plus, qui pérégrine d’invitation en invitation, sans but autre que le paraître.

  • Comme si d’autres n’avaient pas justement profité de leurs errances, de leurs nuits fauves, pour produire des chefs d’oeuvre. On pourrait même se demander si à l’inverse un artiste heureux n’a pas tendance à se reposer.

Si l’on accepte cette thèse pompier de “la panne du au manque de bonheur”, il n’y a donc plus grand chose pour l’inciter à reprendre la plume (le stylo, le dictaphone, le clavier…). A part de mettre en scène sa mise dans la voie de garage. CQFD.

D’après les flash-back, cette beauté essentielle qui lui fait tant défaut, aurait à voir avec les émois profonds d’un premier amour, ou un truc du genre. On flirte ouvertement avec la bluette là. Ce genre de déterminisme gnangnan met en joie Hollywood (*)

Pour enfoncer le clou, un mystérieux porteur de clefs nous amène à visiter les créations cachées des grands artistes italiens de la période classique. La beauté existe mais elle est sous les verrous. Elle est gardée par de vieilles princesses et ne saurait être démocratique.

Et ce n’est pas la machine à créer de la modernité sans fin, qui va nous sauver.

La mondaine

Ce premier bouquin, d’il y a si longtemps, lui a donné un sésame pour participer au « tourbillon des mondanités ». Il dit les détester, mais s’y précipite pour faire le beau.

Ici tout n’est que prétention, richesse, vacuité, cynisme et snobisme. On a vite compris la leçon. Il le dit et on vérifie sans problème.

  • Les amateurs des Kardashians, ou des clips “enrichis” de rappeurs célèbres, ne sont sans doute pas d’accord. Pour eux il existe un attrait de la notoriété pour la notoriété.

Ces belles maisons, ces appartements luxueux et tout ce qui va avec, tombent tout simplement du ciel. Ce qui est une vision assez convenue de ce milieu qui a réussi.

  • Il faut pourtant à la base pas mal d’intelligence pour constituer ces fortunes. Des Gatsby de maintenant, qui ont réussi à l’ancienne ou dans le numérique, il n’en parle pas.
  • Si notre contempteur avait voulu s’en donner la peine, il aurait pu mettre quelque chose de l’autre côté de la balance. Mais il n’a pas voulu voir plus loin que le bout de son nez.
  • L’intelligence existe mais c’est trop fatiguant d’en parler. Et puis il faut être à la hauteur.
  • Alors que descendre en flamme les gloires artificielles, notre vieux dandy sait y faire.
  • Il règle son compte ainsi à une « amie » qui joue à la femme intellectuelle qui serait néanmoins ancrée dans le réel. Il bousille ce nouveau prototype composé de rêves et de concret.

Des plus aveugles que lui, portent notre borgne sur le trône. Un règne qui dure depuis des décennies. Il a sans doute de la concurrence, mais de cela aussi, il ne dit rien. Il se met en scène comme le « roi des mondains ». De dire que cette posture est vide, ne disculpe pas notre vieil arbitre des nouvelles élégances.

Sauf à penser que la bêtise est un sport en commun, on ne voit pas pourquoi, si les uns et les autres dénigrent autant leur milieu, ils continuent à se montrer ensemble. Et pourquoi nous, on devrait les regarder, alors que pour eux nous sommes juste des excréments.

Et si finalement, l’auteur pouvait être juste complaisant de ce milieu élitiste qu’il critique si fort. Et que par sa prétendue distance, il nous faisait le coup des raisins verts. Il en veut plus encore.

Il semble aussi vide et désespéré que ses personnages. Et par ce verbiage stérile, longuet et incessant, il démontre qu’il n’a pas plus à dire que les marionnettes qu’il nous présente. Ni lui, ni son alter égo le scénariste.

Et quand on arrive au bout de ces deux heures trente, on ne sait plus trop si le film rejette les clinquantes mondanités, comme il le prétend, ou si au contraire il s’y complaît. On a plutôt l’impression qu’il s’y sent bien. Nous on s’ennuie.

La scène finale est en forme de message.

Notre anti-héros, mais qui se pense héros, reçoit du gratin ecclésiastique. Cela se passe le soir, dans son appartement de haut standing. On bavarde sur cette belle terrasse, qui donne directement sur le Colisée. L’invitée de marque est une « sainte » non encore officielle. C’est une « mère Thérésa » de plus de 100 ans, dont on ne sait pas dans un premier temps, si elle n’est pas simplement gâteuse. Elle ne veut pas parler. L’actrice trop visiblement grimée joue très mal.

  • On aurait pu nous épargner sa grotesque montée de marche de Latran (Scala_Santa) – Nietzsche aurait été furax envers cet ascétisme terminal.

On sait qu’elle a lu le premier livre du sexagénaire. Elle finit par lâcher quelques mots en aparté. Elle lui demande pourquoi il a arrêté d’écrire. Après réflexion, il lui répond qu’il lui manquait la « grande bellezza ».

Il se produit un quasi miracle. Des flamands (?) occupent majestueusement toute la terrasse et la « sainte » semble en mesure de communiquer avec ces bestioles.

Une parodie de Fellini.

Et l’on voudrait par dessus le marché que ces oisifs prétentieux soient sauvés par des manifestations divines. La coupe est pleine. Un peu de “in god we trust” ne déplaît pas au marché US (**)

Le film montre Rome. Il imite maladroitement par moment des scènes du Roma de Fellini.

(*) (**) En dehors de ces facilités, on a du mal à comprendre pourquoi on lui a donné l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. C’est assez quelconque et sans pensée profonde, comme on l’a vu. Et avec cette statuette/amulette les responsables vont être encore plus poseurs qu’avant !

Paolo Sorrentino a fait Youth en 2015, deux ans plus tard, et cela a été bien meilleur. Youth – film (2015)

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_grande_bellezza

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