Avis. Histoire de détective. Film Kirk Douglas, William Wyler Mulhousien – Résumé (1951) 8/10

Temps de lecture : 4 minutes

Film américain réalisé par le Mulhousien (*) William Wyler, à 49 ans. (Detective Story)

Quel mauvais titre, surtout en français ou le mot détective signifie autre chose que policier !

Il faudrait trouver un équivalent à « Quai des orfèvres » le film noir de 1947, «  Police squad 21 » ?

Nous assistons à une sorte de huis clos, qui se passe dans la pièce principale d’un commissariat de police. Ce vaste open space sans cesse en ébullition, est encombré de bureaux. On est sous un flux incessant d’inspecteurs, de plaignants, de délinquants, de criminels, d’avocats… qui vont et viennent.

De cette masse grouillante et bruyante, émergent peu à peu des histoires singulières.

La plupart des milieux sociaux se côtoient. A dessein. Les barrières sociales sont là mais elles peuvent être vite franchies, car elles ne séparent les uns des autres que de quelques centimètres. A portée de main, à portée de coup.

Chacun scrute l’autre et certains destins vont finir par s’emmêler les uns aux autres.

La petite voleuse occasionnelle qui assiste incrédule à ces vertigineux renversements de situation, c’est un peu nous.

Mais d’autres pourraient se retrouver dans ces grands voleurs madrés qui se bouffent entre eux, ou cet employé de bureau qui a perdu les pédales juste une fois et pour lequel tout le monde, sauf un, voudrait de l’indulgence, ou ce médecin avorteur protégé par un avocat de première, ou ses victimes innocentes, ou ce panel d’inspecteurs plus ou moins charismatiques et si différents les uns des autres… le choix est vaste dans la condition humaine.

Ces personnages qui interagissent et sont si proches physiquement les uns des autres, nous offrent plusieurs niveaux de lecture, chacun un autre regard. Rien n’est figé. Il n’y a pas les bons et les méchants. Il y a des protagonistes, qui a des degrés divers, cherchent tout simplement à sauver la face ou à garder leur peau.

Si nos petites histoires à nous ne sont pas si mélodramatiques, nos vies ont souvent ces mêmes niveaux d’incertitude et de tension. Cela nous parle donc au-delà de ce cadre bien spécifique.

Grâce à la maîtrise remarquable du scénario (primé) et à des acteurs de très haut niveau (dont une primée), le récit et les évolutions de ces destins croisés vont nous tenir en haleine tout au long du film.

Les glissements sont fins et rien n’est jamais totalement joué. Tout est en devenir, comme dans la vraie vie.


Bien qu’il y ait un concentré très inhabituel de destins peu ordinaires, on y croit à tout cela. Car ce sont des mythes et mythologies, des grands thèmes de l’humanité. Pas besoin de vraisemblance absolue, plutôt de belles ellipses. Comme dans la tragédie antique.

Par certains côtés, dont la castagne, cela pourrait ressembler à un film de cow-boys des villes. Mais le jeu intense et profond des acteurs, la mise en place subtile et complexe des intrigues, l’unité de temps et de lieu, font de ce film une grande pièce de théâtre.

C’est efficace, car graduel, bien construit, savamment maîtrisé et très bien filmé. Il en faut du métier et du talent pour parvenir à un tel résultat. Un si petit vase clos transformé en scène d’orchestre symphonique !

Une savante psychologie – voire une philosophie – domine le tout. Beaucoup d’humanité là dedans. Des faiblesses et des grandeurs. Des sentiments qui vont de la tiédeur à l’extrême.

Au centre un policier efficace, mais trop à cheval sur certains principes.

C’est Kirk Douglas. Il est immense dans ce film. Il sort ses tripes, il donne le maximum.

Armé de ses certitudes, il croit pouvoir tout maîtriser, tout obtenir. Mais ses convictions le pousse à aller bien trop loin, là où au contraire il risque de tout perdre. Dans son travail, comme dans sa vie privée.

Ce flic tente en vain de lutter contre la violence qui le ronge. Le lion dévore et finit par être dévoré.

Tous les acteurs sont bons ou excellents. Les seconds rôles ont de la classe.

Le tout sur le fond d’une histoire d’avortement, bien sûr illégal. C’est un thème qui a vieilli, certes. Mais il ne faut le prendre que comme un prétexte. Prétexte au déballage de violents tourments de l’âme. Une affaire éternelle de Surmoi, de Moi et de Ça, sur fond de contingences.

Il y a un travail magnifique de la photo. Le noir et blanc est profond et bien dosé. Les scènes complexes avec tant de personnages sont habilement filmées et montées. Le rythme est très bon.

Une pensée particulière pour cette scène d’explication entre Kirk Douglas et l’attendrissante Eleanor Parker, avec de très beaux gros plans intrusifs.

Il y a là derrière un travail considérable. Et grâce à l’économie de moyens et à la « propreté » du scénario, on est sur l’essentiel. On assiste à une grande leçon de cinéma. Bien sûr tout n’est pas parfait. Mais qui l’est ?

William Wyler est intelligent et il aime les gens et les acteurs. Et cela se voit.

Il analyse en profondeur, estime, juge, mais ne condamne pas. Ils nous laissent à nous ce travail, quand bien même nous nous en sentirions capables.

Quand apparaît le mot « Fin », il nous faut reprendre la respiration, car on a depuis un moment le souffle coupé.

Ce n’est pas la catharsis habituelle, bien au contraire, le réalisateur nous laisse avec pas mal de points de suspension et de points d’interrogation.

On ne sait pas très bien ce qui vient de nous arriver.

Un ouragan est passé. Sommes nous indemnes ? Où sont nos proches ? Qu’avons nous fait de notre vie ?

  • (*) Eh oui le grand William Wyler, celui entre autre de Ben Hur, de Vacances romaines, est né à Mulhouse, mais ce n’est pas la seule célébrité locale. On y compte aussi le capitaine Dreyfus. Mais aussi le Pr Karl Brandt, médecin personnel d’Hitler et ordonnateur du programme d’euthanasie T4…

https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_d%C3%A9tective

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