Avis. Howl. Film. Allen Ginsberg – James Franco – Résumé. (2010) 7/10

Temps de lecture : 3 minutes

Je sais que ce 7/10 aura du mal à passer. J’ai moi même de sérieux doute.

Mettre en film cette œuvre mythique est une entreprise difficile !

Une tentative méritante du cinéma, de rendre compréhensible ou du moins approchable, un long poème abscons du jeune Allen Ginsberg (1955-1957).

Un texte dadaïste dans l’esprit de l’écriture automatique. Une œuvre détraquée, impossible et fortement impudique.

En fouillant on y trouve aussi un hymne à peine crypté à l’homosexualité.

Un texte thérapeutique qui a contribué à libérer le jeune auteur de ses angoisses.

On est dans une Amérique où lui et certains de ses amis ont été enfermés dans des hôpitaux psychiatriques pour les « guérir » de leur « mauvaise » attirance sexuelle. Parfois avec des solutions violentes.

Allen Ginsberg est l’ami de Kerouac, Ferlinghetti, Burroughs et donc de la plupart de ces personnages cultes de la beat generation.

Il a réalisé, il y a plus de 60 ans, ce vagabondage libertaire qui a marqué l’époque. Mais ce périple est moins ancré dans le réel et accessible, que celui de Kerouac dans « on the road ».

Ce n’est pas une œuvre militante structurée, mais c’est à proprement parlé, un hurlement d’animal humain, the Howl.

Comment s’y sont pris les scénaristes ?

Ils nous proposent quatre niveaux de lecture qui s’entremêlent tout au long du film :

– La lecture à haute voix du texte par Ginsberg qui a réellement eu lieu à la Six Gallery de San Francisco. Cet acte fondateur auquel a assisté Kérouac aurait été un évènement magique et foudroyant. Une transe collective.

C’est interprété avec bonheur par James Franco. Parfois sobre, parfois étincelant. Il introduit une scansion habile dans cette prose. Cela nous rapproche sans doute de l’authenticité de l’évènement initial. En tout cas il aura fait son possible.

On a donc l’intégralité du texte à l’écran.

L’entreprise est périlleuse. Car la lecture publique du texte poétique ne peut jamais être à la hauteur de la lecture privée de tout un chacun. Mais pouvait-il en être autrement ?

– Des dessins animés inspirés illustrent directement le propos. Le feu est omniprésent.

Même si cette vision onirique est assez bien réalisée, la méthode est obligatoirement réductrice.

Cela ne va pas nous conduire forcément là où les esprits libres voudraient voler. On perd une dimension dans ce qui serait autrement une libre interprétation poétique. On ne peut « fixer » ainsi ad aeterna notre imagination.

En procédant par analogie, c’est comme si on nous lisait le Bâteau Ivre en nous le montrant en dessin animé « des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles, Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs ». Ou Fantasia de Disney et la musique classique.

Ni le Léviathan de Rimbaud, ni le Moloch de Ginsberg ne gagne à être représenté.

Plus intéressant sans doute, c’est ce tableau de Cézanne et ce massif provençal coloré qui mange l’écran et l’auteur à un moment. L’Impressionnisme n’est pas loin et les Nabis non plus.

– Le procès pour obscénité de Howl en 1957.

Le dernier niveau proposé par le film est une interview de Ginsberg longtemps après la bataille et qui nous livre ce niveau d’interprétation rétrospective. Toujours utile.

Tous ces niveaux cohabitent, ce qui en fait un « happening » au sens large. On voit bien que c’est un objet vivant qui dépasse son propre cadre, qui intègre aussi toute la glose et toutes les études qu’on lui consacre.

Le projet est copieux. Mais on arrive au bout de ce « Festin nu ».

On a vu par la suite d’autres happening significatifs, comme ceux du Living Theater qui faisaient sortir nu les acteurs de la scène et les faisaient s’asseoir sur les genoux des spectateurs.

La temporalité et l’intemporalité du texte.

Bien entendu le texte libre, provocateur et révolutionnaire existait déjà dans le dadaïsme (1916) et le surréalisme (peu après).

Le cri sincère et provocateur de Ginsberg correspond à ce dont avait besoin son époque. Ginsberg n’est qu’un nouveau messager. Et bien entendu il n’y a donc pas de redite artistique ou de simple évolution d’un genre.

Cela tend à démontrer qu’une bombe dadaïste est possible à toutes les époques. Par exemple, on peut rêver, elle aurait encore un sens dans l’Iran des mollahs ou la Corée du Nord de Kim Jong-un. Mais l’Oeuvre d’Art n’est pas prévisible par essence. Et si on l’attend d’un pied ferme, elle a tout intérêt à ne pas se montrer.

Par contre, paradoxalement cette gribouille se doit être géniale et elle doit avoir un sens. Elle est vitale ou elle n’est pas.

Et en cela, il ne peut s’agir des énièmes singeries artisanales de la Modernité.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Howl

https://fr.wikipedia.org/wiki/Howl_(film,_2010)

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