Avis. Huit et demi. Fellini / Mastroianni indécis Anouk Aimée, Claudia Cardinale ou Saraghina ? Résumé (1963) 8.5/10

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Décomposée à froid, l’histoire est assez simple. Eh oui !

Fellini est un réalisateur qui sait ce qu’il fait. Il nous raconte un grand moment de doute chez un réalisateur, qui lui ne sait plus trop ce qu’il fait. Et le gars dont on cause, c’est bien entendu un autre lui-même.

Ce metteur en scène incarné par Mastroianni, se perd dans la conception d’un film. Rien n’avance. Pourtant cette étape est indispensable, d’abord pour tous les autres qui dépendent de lui, mais aussi pour lui, parce que ce travail reconstructeur s’adresse avant tout à lui-même.

Cela pourrait mieux l’aider se connaître et à sortir des ses ambiguïtés… et donc à faire ce film. Un vrai cercle vertueux si cette méthode marche.

Une mise en abîme joue au qui suis-je et qui est qui, sur trois dimensions.

Vous suivez ?

Le sujet c’est toujours Fellini, en tant qu’être face à la création. Je me pense, donc je suis et je fais.

Tantôt il est sûr de lui, tantôt il est perdu. Et pour tenter de se recentrer, il énumère ces thèmes personnels qui lui sont chers.

  • Son enfance avec l’importance de la famille.
  • Les conflits entre la sexualité et les interdits religieux.
  • Le rapport avec les femmes ou la Femme. Développé plus loin.
  • L’appartenance et la liberté. De quel droit ce quidam regarde ma femme ?
  • L’absence et la disparition. Dont le père et la mère, qui sortent du cadre, qui se détournent, nous laissant sans réponse.
  • Le polymorphisme des êtres, qui est décuplé chez les artistes.
  • Le sens de la vie… Celui qui est supposé savoir, car il est un cardinal ou car il est un mage ésotérique.
  • L’image que les autres ont de soi. Sommes nous des tricheurs, et en réalité nous n’avons jamais rien à dire.
  • Le sérieux et le comique, dans nos vies.
  • La vieillesse, l’impuissance, le renoncement, l’éviction.
    • Celle qui est chassée et doit monter à l’étage des reléguées.
    • Le vieux beau et sa jeunesse.
    • Cet ancien compagnon de travail, qui se sent tari.
    • Ce Mastroianni de 43 ans qui compte ses cheveux gris !

Mastroianni est Fellini, c’est entendu. Mais pour une fois, sa femme dans le film n’est pas Giulietta Masina, mais Anouk Aimée. Et encore. Car dans le film dans le film, Anouk Aimée observe le casting et bien entendu ce n’est pas elle, l’observatrice, qui se choisit elle-même. Elle sera jouée par une autre. Mais on n’en verra qu’une petite démonstration sur scène. Aucune importance, car là c’est un jeu.

Il y a de nombreuses femmes chez ce héros, interprété par Mastroianni. Sa femme officielle, Anouk Aimée, qui se sent délaissée, sa maîtresse frivole qui assure des intérims (Sandra Milo), les autres femmes de sa vie, dont sa mère (Giuditta Rissone), la Saraghina (Eddra Gale). On voit également toute une clique qui tourne là autour, Rossella Falk, Barbara Steele, Madeleine LeBeau, Caterina Boratto…

Et elles seront présentes dans un fantasme de harem, où il joue du fouet. Mais avant cela, elles seront représentées dans de magnifiques portraits, avec ce qu’il faut de fortes couleurs ou de clair obscur. Ces non-dits, ces explicites, sont intrigants et beaux à la fois.

On avait la maman, l’épouse, la putain et bien d’autres. Mais il manquait surtout la Sainte. Une femme donc les domine toutes. C’est Claudia Cardinale. Il la décrit comme une déesse antique. Et c’est bien cela. Mais c’est aussi une femme accessible pour qui sait y faire. Fellini se satisfait d’un fantasme. La femme de sa vie est qui on sait.

Le film dans le film va droit dans le mur, du fait de l’indécision fondamentale du réalisateur. D’ailleurs il le faut, car son esprit est trop parasité par les contingences et les demandes incessantes et contradictoires de chacun.

Et quand tout est mis par terre, Mastroianni se sent à nouveau le coeur léger.

Tout repart comme il se doit, accompagné de cette divine providence musicale, que l’on doit à Nino Rota. Un onguent sacré qui lubrifie la mécanique assez incompréhensible de l’existence. La création a retrouvé son sens. Et nous aussi nous entrons dans la ronde, car la vie se justifie en grande partie par le mouvement.

C’est un film important car il va bien plus au bout des chose que d’autres. On sent une réelle prise de risque. Deux heures trente de relative indétermination, ce n’est pas de trop. Mais c’est vrai qu’il faut s’accrocher et qu’on gagne à le revoir.

Le fait qu’un cinéaste parle de cinéma et des soucis de la réalisation, n’en fait pas un travail autocentré, ni une œuvre pour cinéphiles. La création dont il est question ici, et sa profonde intrication avec son environnement, est très universelle. Et c’est pour cela que cela nous parle.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Huit_et_demi

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