L’omniprésent sourire gourmand de Linda Lorin, me crispe tout particulièrement. Il faut bien comprendre que de sourire tout le temps, revient en fait à ne sourire sincèrement jamais. Et puis les sujets peuvent être graves. Heureusement, une fois le documentaire commencé, elle s’efface… mais elle revient. Inutile de dire que ce n’est pas elle personnellement qui fait les reportages. Ne lui attribuons pas de médaille pour cela.
- Et le compte rendu Arte n’a pas peur d’écrire « Linda Lorin nous offre un supplément d’évasion ». C’est vraiment n’importe quoi ce copier-coller de pigiste endormi. Où est l’évasion dans ces lieux qui prêtent plutôt à la réflexion.
Bien qu’ayant été plusieurs fois à Rome, je n’avais pas remarqué beaucoup d’ouvrages mussoliniens. En tout cas, je ne les avais pas tous sourcé.
Le commentaire 2022 parle d’une modernisation de la capitale. Elle a été planifiée à partir de 1925, mais c’était dans la tête du Duce dès 1920. On peut noter déjà, la création en 8 ans de cette grande voie « royale », qui va au Colisée.
Nos analystes brouillons s’empressent de rajouter que cela aurait été au détriment des habitants des taudis. Comme si ce geste haussmannien était forcément une mauvaise chose. Ce n’est que plus tard, qu’on apprend qu’ils avaient été plutôt bien relogés vers l’extérieur.
Le documentaire ne dit pas toute la vérité sur ce relogement :
- « Pour l’indemnisation des expulsés et leur relogement, des sources encore très peu utilisées ont été dépouillées à l’Archivio Capitolino dans le fonds Assistanza. Le montant moyen d’indemnisation par habitant s’élève à 500 lires de 1936.
- Dans ce fonds, il n’y a pas de traces d’éventuel favoritisme en faveur d’encartés au PNF. Les archives nous renseignent également sur la composition sociale des quartiers avant rénovation. La population de ces zones n’était pas si pauvre et homogène comme il est communément admis (BERLINGUER et al., 1976 ; CEDERNA, 1979). »
Que dire du style des nouveaux édifices ? Au risque de ne pas être politiquement correct, je trouve que certains sont très beaux (cf quartier de L’EUR) – Des tableaux néoclassiques et métaphysiques, de Giorgio De Chirico, ne montrent pas autre chose vers 1913, tout en soulignant l’étrangeté et une certaine déshumanisation de ces lieux, si ressemblants. Et en 1913 cela ne pouvait pas être fasciste, bien entendu.
La statuaire italienne n’est pas si moche. Hitler a fait bien pire dans le kitsch.
On devrait parler là plus sérieusement de l’influence du futurisme. Nos apprentis n’en disent pas un mot pas.
La volonté de se ré-ancrer dans l’antique et dans les fastes de l’Empire, est bien entendu plus politique. Duce = le nouvel Auguste ? Tous les peuples civilisés spéculent sur leur histoire enjolivée. Ici on entre dans le mythe de la romanité. Les péplums ont fait bien pire. Et Barthes doit sourire dans sa tombe suite à son texte « Les Romains au cinéma ».
Le commentateur ne voit là, que l’occasion de tirer ses salves anti-fascistes archi-conventionnelles. Il se sent dédouané autant que conscientisé. La belle affaire. On ne vote pas pour lui, on attend juste un compte-rendu équilibré et informatif.
Eux, comme bien d’autres, n’ont toujours pas compris la trouble fascination, engendrée par la « modernité du fascisme ». Qu’ils relisent Jorge Semprún qui a lancé cet intelligent concept là cela, et qui n’est absolument pas soupçonnable de collusion. Le pauvre a failli maintes fois laisser sa peau dans l’univers abject de Dora et d’autres camps nazis comme Buchenwald. Respect !
- Confer ce lien où j’en parle : https://librecritique.fr/les-damnes-visconti-avis-politique-helmut-berger-dirk-bogarde-ingrid-thulin-8-10/
Et puis, il y a d’autres préoccupations sous-jacentes, que la politique, que l’esthétique ou le désengorgement. Ces rénovations sont au centre d’un vaste enrichissement économique et de la création d’emplois. Il y a eu de vrais promoteurs. De plus, il a été créé de nombreux bureaux.
Pour ceux qui ne sont pas convaincus, il faut rappeler que certains plans de rénovation urbaine datent de 1900. Mais le dictatorial Mussolini avait lui toute les cartes en main et il a pu avancer dans la réalisation. Financièrement la ville ne pouvait pas suivre seule, l’État et le privé sont venus à son secours.
Mitterrand a aussi donné dans l’urbanisme monumental. Qui le blâme pour cela de nos jours ?
Certaines créations sont moches.
Certains lieux antiques ont été mis en valeur, une fois débarrassés de leur carcan de gravats. Il y a eu quelques destructions « archéologiques » malencontreuses.
Non, les architectes n’ont pas tous été dans le regret, après coup, à la chute du Duce. Mais malgré le tout petit format du reportage, nos gaillards s’empressent d’en citer un qui dit le contraire.
- Les architectes choisis par le Gouvernorat de Rome : Arnaldo FOSCHINI pour l’ouverture du Corso del Rinascimento, Vittorio BALLIO MORPURGO (architecte romain d’origine juive) pour la zone du Mausolée d’AUGUSTE, Marcello PIACENTINI et Attilio SPACCARELLI pour la rénovation des Borghi. Ces professionnels font partie d’un groupe étroit d’architectes et d’entreprises de construction (Elia FEDERICI, ADRIANI, Romolo VASELI, TUDINI e TALENTI, etc.) monopolisant les appels d’offres de l’administration fasciste de la capitale.
A l’heure du Wokisme déboulonneur de statues, nos transalpins ont su préserver ce patrimoine, sans tomber dans le règlement de compte et la bêtise pure. Même si des fresques ont été rhabillées pour l’hiver.
Si Lorin m’énerve, ce n’est pas une raison de ne pas saluer une partie de la réalisation et la bonne prise de vue.






https://www.lhistoire.fr/la-rome-de-mussolini
https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2014-5-page-905.htm
