Bien entendu, le but n’est pas de refaire le procès du maréchal déchu. Mais de se servir de ce canevas pour comprendre ce qu’il s’est passé.
Il s’agit ici de la première partie, celle qui concerne la débâcle et la passation des pleins pouvoirs au héros de Verdun. On voit bien comment en si peu de temps des esprits tétanisés ont laissé passer l’essentiel.
Pourtant on a à faire à des grandes pointures.
Mais en réalité se sont surtout des habitués des compromis et des compromissions, comme le permettait la fin de la troisième république.
Ces hommes d’état et de gouvernements, qui défilent à la barre, montrent la situation d’alors de leur point de vue, et à leur avantage. Certains marchent sur des œufs. Laval jouera sa peau… et perdra.
Il est intéressant de voir le regard critique porté par le reportage. Il n’a si fréquent que cela, de voir Léon Blum traité de la sorte. Le grand gaillard s’en sort bien quand il expose lui-même la distance qu’il met avec Pétain. Il manie pas mal de rhétorique. Ce qui éblouit Kessel à ce moment. Mais on rappelle en voix off certains de ses errements. Il passe ainsi pour une sorte de Salvador Allende ambigu qui n’a autant aidé le pays qu’on ne l’imagine dans le folklore de gauche. Mais pas au point d’en faire LE responsable de la défaite.
Défilent également Edouard Daladier, Albert Lebrun, Paul Reynaud et Pierre Laval.
Le récit montre les biais dans les choix des jurés et leur intrication avec le nouveau pouvoir d’après-guerre. Ce qui en dit long sur la neutralité. On n’est plus dans la justice stricto sensu, mais dans la pédagogie.
C’est très intéressant de nous montrer cela, à l’heure où l’on voit ressortir la théorie du bouclier et la tentation de réhabilitation de Pétain qui va avec.
https://madelen.ina.fr/serie-documentaire/juger-petain
https://librecritique.fr/epee-bouclier-texte-du-discours-petain-1944/