Quand on a épuisé toutes les variations sur un super-héros, et quand on a même tenté toutes les combinatoires de mix de plusieurs d’entre eux, il ne reste plus que la pirouette parodique à se mettre sous la dent. Et même là, il faut bien s’avouer qu’on en a aussi fait le tour.
Ce qui n’empêche pas la récidive, ou même la récidive aggravée, comme dans ce deuxième opus de Kick-Ass. J’ignore d’ailleurs ce que fut ce premier numéro et clairement je ne veux même pas en entendre parler.
Ce genre cible les gamins qui sont en nous (interdit aux moins de 12 ans) ; avec tous les travers du genre. Ainsi cet océan de connerie est d’abord animé par le flux et reflux collégien du rejet et de l’intégration, ou de l’anonymat et de la popularité si vous préférez. Avec le sempiternel clan des jolies connes pomponnées qui fait la pluie et le beau temps dans l’établissement scolaire. Mais cela se passe aussi de la même manière dans les groupes constitués d’imitateurs de super-héros ou de d’imitateurs de super-anti-héros. Même combat.
C’est fou, parce que ce principe qu’on pourrait penser caricatural, est en fait un des grands fondements des sociétés primitives dont la société tribale américaine dans son ensemble. « Ne me dis pas qui tu es, dis moi à quel groupe tu appartiens ». Caché derrière ce grégarisme à têtes multiples, les individus n’ont pas à faire d’effort. Ils en sont, ou ils n’en sont pas et grattent à la porte, point à la ligne. Rien de nouveau dans ces phénomènes de bandes depuis West Side Story.
Seuls quelques loups solitaires tentent d’y échapper et on en connaît les redoutables conséquences, si par malheur ils sont armés.
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Dans ce film, les loups déjantés du dark-side sortent de l’isolement pour reconstituer une meute. Ils sont regroupés en un clan de déguisés sombres et agressifs. Des sortes de Hell’s Angels en plus dégénérés. Le plus fêlé d’entre eux est un malingre haineux, joué par Christopher Mintz-Plass et qui répond au doux nom transgressif de The Mother Fucker (le niqueur de mère).
Et les gentils déviants, ne sont pas pour autant des brebis. Ce sont autant de paumés, dans des panoplies de super-héros approximatifs. Ceux là canalisent leur violence, toute aussi meurtrière et/ou insupportable, dans une castagne généralisée et illégale mais au service du « bien ».
Certains de ces redresseurs de tort n’ont rien à envier aux machiavéliques auxquels ils s’opposent.
Comme cet ultra-militaire incarné par un Jim Carrey méconnaissable. Ce « gentil » colonel Stars and Stripes, droit dans ces bottes, psychorigide à souhait, d’autant plus dangereux qu’il est ultra-entrainé, et qui ne veut que le bien d’une Amérique bien pensante, impérialiste et bigote. Je suis sûr que des autochtones applaudissent au premier degré ce fantasme en treillis qui est totalement dans l’esprit de American sniper. Une figure de héros monomaniaque, désormais intouchable aux USA.
Il n’y a pas de films grand public sans une ou deux transversales sentimentales.
C’est l’actrice Chloë Grace Moretz qui s’y colle en premier. Elle a un faible pour le dénommé Kick-Ass, le justicier botteur d’arrière train. Plutôt gentille et effacée, elle possède pourtant de « réels » pouvoirs exceptionnels. Une reine du close-combat, mais qui est obligée de jouer à la collégienne bien dans le rang, la plupart du temps, pour ne pas déplaire à son père adoptif. Passe d’abord ton bac, ma mignonne.
Le coup classique de la double casquette. En collant bleu moulant de super girl elle dépote. Bien qu’elle n’ait que 15 ans, elle est tout à fait capable de tuer de sang froid en offrant ses services à cette milice privée. En habit conventionnel, elle redevient la gentille petite fiancée (vierge) de l’Amérique.
Je ne sais pas si l’on peut vraiment qualifier de sentimental, les rencontres dans les toilettes, autant sexuées que furtives, de la bien nommée Night Bitch et je ne sais plus trop lequel des gentils (ils sont masqués et interchangeables, je m’y perds). Mais cela aide à la détente. La leur, et celles de nos neurones si menacés ici.
Il y a toute une tripotée de personnages secondaires, sur lesquels je ne vais pas m’attarder. Les aficionados des comics pourront les identifier. J’ai juste en tête un requin placide puis vorace, en chair et en os arêtes. Les requins, qui dévorent les méchants à la fin, sont eux aussi interchangeables, d’un film à l’autre. Ils ne doivent pas être bien payés vu qu’il n’ont pas trop à se fatiguer. Un peu de mercurochrome dans un aquarium agité suffit à donner le change. Qu’ils continuent à manger tranquillement leurs croquettes de qualité vétérinaire. Oui c’est un personnage secondaire, non mais !
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Je sais qu’on peut ne pas prendre ça trop au sérieux. Mais je me méfie quand même du sens à donner au catharsis à coup de couteaux transfixiants, même pour rigoler.
Pour une fois une partie de la critique française « sérieuse » a vu clair dans les mauvaises intentions belliqueuses et conservatrices du film. Il y a de la haine primale dans tout cela. Mais d’autres sont tombés dans le panneau et ont gobé tout cru cette ode à la vengeance stupide, sans limite et jouissive. Décidément, la société est prète à basculer dans le n’importe quoi irréversible.
Si ça continue, je vais me tailler sur une île presque déserte. Appel à de jolies candidates pour m’y rejoindre. C’est nous qui allons régénérer l’humanité en fondant une nouvelle espèce pleine de nous-mêmes ! Méfiez vous, si je parviens à être le maître du monde.
Tiens voilà que cela me prend moi aussi. Comprenez-vous maintenant que ce film est dangereux ?
https://fr.wikipedia.org/wiki/Kick-Ass_2
Aaron Taylor-Johnson
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Lyndsy Fonseca