Qui aurait voulu chercher à briser cette idole des baby-boomers, ce mythe d’inspiration Canal+ ? Qui pouvait à l’époque, se permettre de ne pas être indulgent, avec les créations de Frédéric Beigbeder ?
Et puis, d’une certaine manière, ce type était le Mister Hide de notre génération, ou peu s’en faut. Il représentait une partie de nous-mêmes. Pas forcément la meilleure. Pas forcément la plus importante. Gainsbarre était sur le même terrain, mais pour la période antérieure.
Bien sûr, cet ex-publicitaire a tout fait pour nous plaire. Et quand cela ne suffisait pas, il était assez malin pour se recroqueviller dans une position d’autocritique permanente. Ce qui n’est pas mal pour attirer la sympathie. L’animal blessé mais rusé, inclinait sa tête en signe de soumission. Attendant patiemment notre « redresse-toi l’ami ».
Mais les modes ont changé. On n’aspire plus vraiment à être cette resucée de Dandy, mi dix-neuvième mi vingt-neuvième. Qui croit encore à ce faux poète maudit, à cet « Oscar Wilde le petit », sans réel génie ?
Le sujet est l’Amour.
Sa relation avec les femmes était assez typique de notre classe d’âge. Notre liberté assumée de néo-citadin, et une bonne dose de relativisme, nous donnaient une certaine insouciance. On a parlé d’égoïsme pour cette tribu.
Toutes les déclinaisons des « sex and the city » le confirment, tant ils ont envahi les écrans, alors.
Cette frivolité affichée des cœurs d’artichaut, à de quoi alimenter l’antienne facile de « l’amour ne dure que trois ans… ou moins ».
Comme s’il s’agissait d’une fatalité biologico-sociétale. Et donc, une bonne excuse.
On ne peut pas nier que la passion s’émousse avec le temps. En amour, comme ailleurs. Les relations durables ne seraient alors qu’une sorte de transmutation en tendresse affective, avec quelques soubresauts. Ou les bases d’un projet « sérieux », enfant, maison, entreprise. Pourquoi pas.
Reste que l’amour est pour partie la chasse. Le chasseur-cueilleur finit tôt ou tard par se sédentarisé. Hormis quelques peuplades irréductibles.
Pour nous « expliquer » cette problématique, dans le film, même les philosophes Bruckner et Finkielkraut sont appelés à la rescousse, par le biais d’un écran télé, comme le ferait Woody Allen. Le problème c’est que, ce sujet d’une vie, est bâclé en quelques secondes. Ce qui est conforme aux capacités d’attention réduites de nos concitoyens les plus zappeurs. Le public de Beigbeder ?
Il y a des belles petites trouvailles par ci par là. Et quelques traitements regardables de « caractères ». Ce n’est quand même pas du La Bruyère.
L’auteur aime bien nous montrer qu’il connaît du monde. Tactique de défense ? Si on prend le risque de le critiquer, il faut être conscient qu’il a quelques divisions derrière lui.
Comme acteurs, Gaspard Proust, Jonathan Lambert, Bernard Menez et Nicolas Bedos, font le job sans plus.
Louise Bourgoin en semi-emmerdeuse est égale à elle-même. Toujours ce sourire crispant de miss météo et pas grand-chose derrière. Et il y en a franchement marre de cette injonction à la trouver jolie. Je ne suis pas le seul à le penser. D’ailleurs désormais, elle n’enchaîne plus les rôles à la même vitesse. Finie la belle époque.
Anny Duperey etValérie Lemercier sont toujours les bienvenues. Quelle amplitude ! C’est autre chose.
Dans ce film consanguin, on retrouve aussi Frédérique Bel et Michel Denisot, autres produits de Canal+ – A citer aussi, dans cette tentative de nous impressionner, en rajoutant d’autres habitués connus de notre petit écran, Marc Lévy, Thierry Ardisson, Alain Riou et Philippe Vandel. Une bande de riens et presque riens, qui a acquis facilement de la notoriété.
Le rien qui fait boule de neige, façon famille Kardashian.
Michel Legrand a une place à part. Sa musique à contre-courant, structure une partie du scénario. Sa pâle prestation finale est censée nous éblouir.
Un salut respectueux et très convenu à ces présumés « intemporels », qui est devenu un autre tic de cette pseudo-contre-culture. Il est de bon ton maintenant d’aimer Johnny ou Claude François. Alors qu’ils étaient méprisés par les mêmes, des années auparavant.
L’impensable mariage gay de Joe Star, et les justifications qu’il énonce, sont assez drôles.
L’amour insensé que se porte cette génération, dure incroyablement plus longtemps que trois ans.
Fort heureusement, on commence à échapper à l’obligation d’admirer ces prétentieux égos. Surtout les trissotins les plus caricaturaux, avec leurs ricanements permanents, comme on peut les observer dans le vivier saumâtre de Canal+
- Je n’ai jamais été abonné et ne le serai jamais.
Ce film qu’on peut qualifier maintenant de bling-blingoïde, c’était il y a huit ans. Mais que cela a mal vieilli.
Beigbeder est un indéniable tricheur professionnel, comme le sont les fils de pub. Il sait donc bien nous manipuler, pour « vendre » son concept. Déjà le titre nous titille.
Mais la morale facile de la fin, tue le produit. Que penser après tout cela, de cette ode sirupeuse au couple conventionnel. Surtout quand l’espérance de survie cette chimère repose uniquement sur l’intuition « qu’on s’aime» ? La chute est brutale. Il n’y avait pas besoin de tant de théories, pour finir par se vautrer dans de l’eau de rose.
Le produit est décevant.
On s’est fait avoir une fois, on sera plus prudent à l’avenir.
https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27amour_dure_trois_ans_(film)
Gaspard Proust
Louise Bourgoin
JoeyStarr
Jonathan Lambert
Nicolas Bedos
Anny Duperey
Valérie Lemercier