Certains prétendent que ce 50e roman d’Agatha Christie « Un meurtre sera commis le… », serait le meilleur script mettant en scène la futée Miss Marple.
Nous parlons ici de l’épisode 4 de 2005 de la première saison « meurtre annoncé » avec l’excellente Geraldine McEwan en Miss Marple. Joan Hickson l’a fait aussi en 1985, mais j’aime moins son interprétation. La coquine Margaret Rutherford reste ma Marple préférée. Mais je ne crois pas qu’elle ait fait cette enquête là.
Quel que soit le héros, Miss Marple ou Hercule Poirot, il y a un problème à la base, avec les intrigues mouvementées d’Agatha Christie. On sent que ses affaires de meurtres, qui sont toujours trop complexes, sont avant tout un jeu de rôle sur du papier.
Le parti pris visant à rendre pratiquement chaque protagoniste suspect à tour de rôle a ses limites.
L’auteure est obligée de se contorsionner avec des filiations cachées, des personnes qui ne sont pas qui ont croit, des testaments discutables et/ou faux, des séjours à l’étranger ambigus, des propos entre deux portes mal interprétés et toutes ces sortes d’artifices.
Il y a bien entendu une cohérence absolue de l’ensemble. Elle y tient. Et elle arrive à retomber sur ses pieds. Mais à quel prix ! La vraisemblance en souffre énormément. Je ne suis donc pas un admirateur inconditionnel. Et je ne la trouve pas si géniale que cela dans ses constructions mentales. Mais c’est une distrayante écrivaine, qui sait faire des romans agréables.
Ce qui n’empêche pas quelques très bonnes idées.
Dans cet épisode, on retrouve tout l’attirail précité. Mais notre bonne dame a la très bonne idée d’y adjoindre quelque chose de nouveau. Il s’agit du coup de la lampe de poche.
Dans une pièce non éclairée, ceux qui y font face sont éblouis et tendent à regarder la source de lumière. Ils ne peuvent donc pas voir ce qui se passe.
Par contre celui ou celle qui est décalée et plus en amont est un témoin potentiel. Or il apparaît rapidement que la personne absente est possiblement le meurtrier. C’est très malin. Comme on connaît la propension d’Agatha d’en rajouter, on se doute bien que le témoin va être liquidé. C’est presque une loi d’airain chez elle. Ce petit tic occasionne donc un biais.
Le meurtre lui même est une construction très audacieuse et finalement plausible en soi. On invite les amis à une « murder party » où un crime doit avoir lieu à une heure déterminée.
C’est un jeu qu’affectionne les Anglais.
Un meurtre a effectivement lieu, mais on lui donne les apparences d’un accident.
Pour ce faire, il faut que tout le monde envisagé viennent à la fête. C’est le cas. Cependant personne n’est vraiment l’organisateur de cet évènement. Ce qui est bizarre. Comment la maîtresse des lieux peut accepter qu’on fasse cela chez elle sans qu’elle soit informée directement. C’est une faille dans l’histoire qui devrait nous mettre la puce à l’oreille.
Il faut que la lumière s’éteigne au bon moment. Là encore c’est malin, puisqu’il s’agit de verser un liquide conducteur sur des fils électriques en bon état. Petit problème, cela désigne quand même quelqu’un de proche de la lampe en question et qui est potentiellement porteur du liquide.
Il faut un pistolet. Agatha envisage un village très ouvert où personne ne ferme les portes. Et donc l’arme du Colonel, moutarde de circonstance, fera l’affaire. A part que tout cela nécessite déjà pas mal de « si » et que se pose la question des empreintes incriminantes ou de l’absence d’empreintes qui démontrent la fausseté de la scène. Mme Christie, c’est raté !
Si le roman est alambiqué, le passage à la télé apporte son lot de questions supplémentaires.
Il y en a une qui est flagrante. A moins que je ne me sois assoupi, je n’ai pas noté que notre Miss Marple se soit servie d’un indice essentiel à la fin. Il s’agit de la cigarette qui a brûlé la table en bois. C’est souligné et cela suggère que le coupable, qui avait un timing extrêmement serré, qui naviguait à la seconde près, ait posé sa clope en catastrophe pour la reprendre une fois son méfait terminé. Il s’agirait donc d’un fumeur. Ce qui élimine plusieurs personnes d’emblée. Pif paf pour cet oubli.
Je ne vais bien entendu pas tout dévoiler. J’en ai d’ailleurs déjà trop dit. Mais il faut quand même noter que le hasard fait bien les choses. Ce jeune Suisse Rudi Scherz qui en sait long se trouve là où il faut quand il faut. C’est quand même étonnant qu’il arrive pile poil dans le village anglais où il faudrait surtout pas qu’il soit.
Autre béquille. Les participants ont la mémoire sélective. Les réminiscences arrivent juste quand il faut, histoire de ménager le suspense. On sent le “truc”.
Dernier point, qui est méta-cinématographique cette fois. On a vraiment l’habitude que Zoë Wanamaker soit la gentille Ariadne Oliver qui seconde souvent Hercule Poirot. D’où notre réticence à la voir en une éventuelle meurtrière. C’est de la triche ! C’est un peu comme si Geraldine McEwan devenait un redoutable assassin dans une autre série. Dur à avaler !
On peut se demander finalement si l’essentiel n’est pas dans ces portraits psychologiques. L’intrigue pourrait être secondaire finalement. C’est le même syndrome d’ailleurs dans les Maigret. Et c’est bien pour cette gravité qu’on les aime. Et avec Geraldine McEwan on a l’humour et la légèreté en prime.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Un_meurtre_sera_commis_le…
https://fr.wikipedia.org/wiki/Saison_1_de_Miss_Marple#%C3%89pisode_4_:_Un_meurtre_sera_commis_le…
https://fr.wikipedia.org/wiki/Miss_Marple