La comédie, c’est du sérieux. Et quand on s’attaque à ce monument de Goscinny et Uderzo, il vaut mieux être bien équipé. Déjà que tous les fans éclairés de la BD de 1963, vous attendent au tournant. Et les Français en général, n’aimeraient pas qu’on détruise ce qu’ils considèrent comme un patrimoine national.
Pour réussir cette entreprise la production n’a pas lésiné sur les moyens.
– D’abord, les 50 millions d’euros nécessaires à ces tournages dispendieux, ont bien été utilisés. Ce fut le plus gros budget cinématographique français jusque là. Ça se voit sur tous les plans… sauf peut-être pour ces sangliers cuits qui sont manifestement en plastique. On peut pardonner cette faute de goût.
– Et puis il y a une distribution de premier ordre :
- Gérard Depardieu nous fait une incarnation parfaite d’Obélix. Criant de vérité. Ce gars sait tout faire.
- Christian Clavier est évident en Astérix.
- Claude Rich réussit un Panoramix de premier plan, à la fois sympathique et malin.
- Jamel Debbouze (Numérobis) a un rôle difficile, mais ne s’en sort pas si mal. Il est quand même un peu empêtré dans les approximations verbales. Mais c’est de la faute du dialoguiste, je suppose.
- Monica Bellucci (Cléopâtre) est souveraine… Qui d’autre qu’elle aurait pu faire la belle égyptienne ? Contrairement au monacal Tintin, chez Astérix il y a du désir. C’est quand même mieux comme cela.
- Gérard Darmon (Amonbofis) est un méchant salopard, délicieusement puant. Il y en a toujours un comme cela dans les BD. En se débarrassant de lui, on gagne sa place au banquet final.
- Édouard Baer (Otis) nous donne une belle démonstration de ce que signifie s’écouter parler. Un monologue pseudo-intello qui aurait été improvisé et qui est devenu culte. Bien joué !
… et j’en passe (des pires comme Dieudonné et sans doute des aussi bons, à défaut de meilleurs)
– A noter aussi un Alain Chabat particulièrement en forme, tant au scénario qu’à la réalisation… que comme acteur. Il a compris l’esprit du chef d’œuvre initial. Il a aussi su comment ajouter un étage supplémentaire comique, qui lui est propre, à cette glorieuse pièce montée. Et il n’y a pas d’incompatibilité notoire entre les deux types d’humour. La soudure en sucre tient.
Ce qui est particulièrement étonnant. Surtout quand on voit que sur le papier, feu Goscinny n’a pas vraiment été remplacé. Il n’y a pas que les pirates qui galèrent désormais.
A noter que l’album de 1966 parodie le Cléopâtre cinémascope de Joseph L. Mankiewicz (Elizabeth Taylor et Richard Burton). Et qu’à présent le film de Chabat s’amuse aimablement de la BD en retournant au grand spectacle filmé des origines, avec des personnages impériaux qui sont dans une sorte d’ordinaire. C’est plaisant.
La bande son est savamment décalée avec de gros clins d’oeil comme pour le Alexandrie Alexandra de Claude François. Bien sûr tout n’est pas parfait et il y a quelques facilités. Mais dans l’ensemble c’est vraiment plaisant et assez équilibré.
Il y a de la joie, de la dérision acceptable, de l’intelligence, du savoir-faire et de la bonne humeur là derrière. Cela se sent et ça fait du bien.
https://www.erudit.org/en/journals/ethno/1900-v1-n1-ethno06881/1087814ar.pdf étude de l’humour chez Astérix :
… l’humour astérixien se fonde en fait sur un anachronisme généralisé, la superposition de deux univers : la Gaule antique et la France contemporaine. Cet anachronisme est comique parce qu’il est intentionnel, fondé sur un jeu permanent d’allusions et de reconnaissances qui met en scène des stéréotypes contemporains pour les ridiculiser. Le ressort humoristique est donc double ; il implique d’une part la connivence des lecteurs et des auteurs dans la supériorité (par rapport à la victime du gag) et d’autre part une distanciation critique qui crée le doute sur nos façons de penser et de percevoir.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ast%C3%A9rix_et_Ob%C3%A9lix_:_Mission_Cl%C3%A9op%C3%A2tre
Gérard Depardieu
Christian Clavier
Claude Rich
Jamel Debbouze
Monica Bellucci
