Par chance ce n’est pas tout à fait un de ces pénibles films qui font l’éloge d’une certaine paysannerie militante.
On échappe de peu à l’habituelle complainte de l’éleveur individualiste et quasi autarcique. Il ne s’agit pas ici du combat du petit péquenaud vertueux, apparenté à la sphère écologique décroissante, contre la grosse exploitation productiviste ; façon mille vaches et Bové. Il n’est pas question non plus d’en découdre avec les grands trusts capitalistes.
Dans une lande islandaise assez sinistre, un couple entre deux âges est à la tête d’une petite exploitation assez modernisée. Les trayeuses de vache sont automatiques et partent elles-mêmes à la recherche du pie. Un automate assure une partie du nettoyage des allées salies par les déjections. Il y a des ordinateurs et on sait utiliser Internet.
Ils paraissent très fatigués. Ils n’arrivent pas à sortir la tête de l’eau. Les dettes s’accumulent. Ils sont sous la dépendance de la petite coopérative locale. Tout s’achète à ce niveau et ce groupement local monopolisitique est chargé de récupérer le lait de ses adhérents. Hors de ce système captif point de salut.
Pour assurer sa place de camionneur de la coop, le mari est contraint à faire de la délation. Il dénonce à la direction ceux qui se fournissent ailleurs. Sa femme ne le sait pas.
Un pauvre peintre se voit interdit sur la zone car il trouvait de la peinture ailleurs à meilleur compte.
Un jour le mari-chauffeur décide de ne pas s’arrêter face à un précipice.
Sa veuve, jouée sobrement par Arndis Hrönn Egilsdottir, va devoir faire tourner la boutique toute seule désormais. C’est quasi impossible. La coop l’aide pendant la phase de transition. Mais cette femme volontaire a le malheur d’acheter de l’engrais bien moins cher en dehors du circuit.
Les dirigeants lui tombent dessus. Elle ne se laisse pas faire. Elle publie un texte sur une page Internet dénonçant la corruption de cette « mafia ». La télévision locale lui donnera la parole.
La situation se tend. Les menaces pleuvent. Elle semble lâchée par les autres, qui font profil bas.
Après une confrontation intéressante lors d’une AG elle finira par faire passer la motion permettant la création d’une autre coopérative, partant sur des bases saines.
Mais elle sera quand même expulsée de sa ferme.
Le générique finale l’a montrera en partance et semble-t-il libérée d’un gros poids.
Les acteurs sont bons, les dialogues équilibrés et bien adaptés, le scénario est tout sauf linéaire, l’intrigue est intelligente, tout ceci donne un film certes étouffant par son sujet mais qui respire.
Ce n’est donc pas le récit anticapitaliste classique du petit David désargenté qui gagne contre le ploutocrate Goliath, mais plutôt le combat de deux petites structures collectives intermédiaires.
A noter que ces éleveurs là jouent le jeu, et ils ne semblent pas vouloir revendiquer un blocage des prix à la hausse, qui leur assurerait une subsistance, quoiqu’il arrive. Ils ne sont pas contre une saine concurrence et des économies d’échelle. On n’est pas devenu complètement débile en Islande.
Ce qui n’empêche pas Arte de tomber dans ses travers et d’y voir, comme nombre de nos bobos des villes, « l’impact du néolibéralisme sur le monde paysan »
https://www.arte.tv/fr/videos/080488-000-A/mjolk-la-guerre-du-lait/
Thomas Sotinel est plus clairvoyant dans le monde :
cinema-mjolk-la-guerre-du-lait-raconte-la-lutte-d-une-fermiere-contre-une-puissante-cooperative
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