Avis. Mon oncle Archimède. Tchécoslovaquie communiste – Résumé (2018) 7/10

Temps de lecture : 4 minutes

Les Tchèques ont un sacré contentieux à régler avec le communisme (*) (Můj strýček Archimedes)

Mais comme c’est un peuple prudent, résilient et intelligent, il le fait souvent avec humour et subtilité (**)

L’intrigue de ce film est inhabituelle.

En 1949, un groupe de jeunes résistants grecques communistes trouve asile en Tchécoslovaquie. Ils ne parlent pas un mot de la langue et ont les poches vides. Au début les autorités seront un peu désemparées. Une partie sera hébergée avec d’anciennes pensionnaires d’un bordel de Brno.

  • Ce qui créera des liens. L’assimilation la plus sûre se fait toujours par ces mélanges.

L’un de ses hommes, Archimède, est particulièrement confiant dans l’avènement d’une authentique « démocratie socialiste ».

Il est heureux de partager avec ses nouveaux « frères », des instants de piété devant un portrait de Staline, les « honneur au travail », et autres vigoureux saluts sonores entre camarades. Il pense avoir trouvé ici, un lieu de la réalisation de son idéal. Il se retrouvera même au tableau d’honneur pour avoir réalisé 120% des objectifs.

Grâce à son mariage « socialiste », on lui attribue un « appartement lumineux » – en réalité une pièce – qu’il doit partager avec sa nouvelle épouse, imprégnée de culture grecque classique, et son très jeune neveu orphelin.

  • Ce dernier est la voix off qui relate l’aventure de son oncle.

La séculaire solidarité tchèque fait qu’on leur donnera un peu de quoi survivre et un piston pour un travail dans une ferme d’état. Pour le charbon, il devra en « glaner » quelques morceaux oubliés sur les rails.

Il se lie avec un voisin direct, Karel, qui est a-politique, lucide et pragmatique. Lui, il n’a rien à faire avec les rituels d’appartenance aux idéaux marxistes. A « honneur au travail », il répond en douce « … si cela me rapporte des sous »

Progressivement, Archimède va découvrir certaines désagréables réalités du socialisme en marche.

Quand le vieil épicier du quartier va être condamné à 10 ans de prison, pour son manque d’entrain politique, Archimède va faire du foin au commissariat. Il exige sa libération et menace d’écrire à Staline. Heureusement Karel le calme. Ils croiseront dans les escaliers des « politiques », qui viennent d’être affreusement tabassés, façon rue Lauriston. Ce qui va ouvrir les yeux du Grec.

L’hiver arrive, avec la nostalgie de la Méditerranée. Dès lors, il n’aura de cesse que de vouloir s’échapper de ce pays « politiquement » lugubre. Le vieux Karel, qui est devenu son ami pour toujours, l’aidera tant qu’il peut. De nombreuses tentatives, plus ou moins loufoques, échoueront.

Et par un mauvais concours de circonstances, c’est le pauvre Karel, à deux ans de sa retraite et qui ne demandait rien, qui va finir par se retrouver lui, dans le wagon à bestiaux qui le mène tout droit en Grèce.

Ce ne sera quand 1968, que tous pourront rejoindre Karel, qui se la coule douce, dans ce beau pays du soleil et de la mer.

La conclusion sera amère, puisque c’est précisément cette année où les « colonels » instaurent une sinistre dictature en Grèce (film « Z ») et celle de la honteuse remise au pas des Tchécoslovaques, par les soviétiques (film « l’Aveu »).

  • Au même moment, des petits Français qui s’ennuyaient, jouaient en lançant des pavés dans les rues, sans prêter la moindre attention au drame tchécoslovaque, et tout en glorifiant la meurtrière « révolution culturelle » chinoise. Vive les humiliations envers les instruits et la répression sanglante, vive Mao ! Que l’on peut être bête parfois.

La réalisation et le déroulé du film sont un peu pépères. On pourrait parler d’un certain self contrôle. Mais cela ne nuit pas beaucoup à l’œuvre. Car celle-ci doit se déguster dans le calme. Une vertu si caractéristique de ce peuple, que je connais bien.

Certaines invraisemblances qui se veulent sans doute « poétiques », me semblent par contre un peu ridicules. Comme cette demande de fabrication d’ailes d’Icare à l’ingénieur déclassé, à partir de duvet d’oie.

Les acteurs jouent bien, mezzo voce. Ils gardent une belle retenue qui sied au scénario. Ils entraînent la sympathie.

(*) La « libération » de la Tchécoslovaquie par les Russes ?

  • En ce qui me concerne, je persiste à penser qu’en ce qui touche la Tchécoslovaquie, cela a été plus qu’une “libération”, carrément un vol. Les soviétiques ont bel et bien “occupé” ce pays. D’ailleurs, confer les évènements de 68, cela n’a pas été simple de s’en débarrasser. Les Tchèques de 68 n’ont toujours compris que l’esprit de 68 dans le monde “libre” d’alors ait été en grande partie d’inspiration maoïste, guévariste etc
  • Il faut plutôt laisser la parole à nos frères Tchèques dans ce cas.
  • Ma très grande amie Tchèque, avait un grand père qui a passé dix ans dans les geôles tchéco-soviétiques (façon l’Aveu pour les cinéphiles) – Il est mort en 2020, couvert d’honneurs officiels mais avec un grand délabrement physique dû aux tortures et aux mauvais traitements. Ayant discuté avec cet homme de grande culture, et qui a servi dans la résistance française, j’ai bien compris qu’il ne partageait pas grand choses avec ces « libérateurs ». Doux euphémisme.
  • Et comme il a toujours régné là-bas un certain fatalisme, doublé d’un vernis kafkaïen, tous ces “évènements” occasionnés par le puissant « grand frère », ont également conforté le grand humour de ce peuple martyrisé, alors (et pas du tout communiste à l’origine). D’où par exemple de jolies pages de Kundera.
  • Mais je comprends bien que certains puissent avoir envie de préserver l’idéal para-chrétien qu’est le communisme. Idem pour les idéaux révolutionnaires (89) qui eux se sont traduits aussi par des avancée énormes (outre les dégâts… on peut rester chatouilleux sur certains personnages, dont l’illustre Robespierre).
  • C’est diablement séduisant à première vue. Nous avons plus ou moins tous donné dans ces rêves communautaires, lors de notre jeunesse. Et ce n’est pas une comptabilité macabre, qui à elle seule permet de juger une idée. Mais quand même…

(**) On se souvient des premières œuvres de Milos Forman, comme l’As de pique, Au feu, les pompiers ! … Quel talent, quand il s’agit de porter ces critiques politico-sociales sur un plan décalé et de déjouer ainsi la censure.

Il n’est pas inutile de rappeler, pour comprendre la puissance contenue de ce grand bon libérateur, qui reste tout en finesse, que le père de Milos Forman est mort à Buchenwald et sa mère à Auschwitz, et qu’il a du lui-même s’enfuir au Printemps de Prague en 1968.

https://www.imdb.com/title/tt7797760/

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