Avis. Mon oncle Frank. Alan Ball, Paul Bettany, Sophia Lillis, Peter Macdissi 7/10

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Dans les années 70, dans certains états reculés des USA, certaines mœurs étaient condamnées et pourchassées cruellement. La lecture littérale de la pensée religieuse y était pour quelque chose. Les croyances étaient telles qu’on pouvait sans complexe agiter le spectre de l’enfer et faire peur avec cela.

Face à cette brutalité, le film Mon oncle Frank s’avère subtil. La jeune actrice Sophia Lillis (18 ans) découvre peu à peu la situation, comme nous autres les spectateurs. On peut presque dire qu’on utilise ses yeux et son intelligence. Et qu’on est « à l’abri » sous son hétérosexualité très probable.

Dans la famille Bledsoe on est plutôt conventionnel, direct et peu instruit. Le patriarche est particulièrement bourru, voire dictatorial. Mais on accepte ses règles.

Elle a remarqué qu’elle n’est pas comme les autres. Et elle est donc attirée par cet atypique oncle Frank. Lui sort franchement du lot. Il est professeur d’université à New-York. Il est libéral et enjoint la jeune à s’émanciper en poursuivant ses études dans cette ville en effervescence intellectuelle permanente.


Elle ne comprend pas que celui qui a le mieux réussi, soit rejeté ostensiblement par son père. Il y a là un grand mystère qu’elle va devoir découvrir. D’autres se seraient arrêter à un rejet ordinaire, sans forcément qu’il y ait une cause précise.

En mettant la nécessaire pression et avec l’aide active de cet oncle franc-tireur, elle va s’inscrire à cette université renommé. Dans la grande pomme, sur place, elle va progressivement comprendre la situation.

Les petites touches de dévoilement sont bien posées et franchement on se laisse guider avec plaisir. La psychologie s’avère de qualité. L’exposé est bien amené avec une belle découpe.

Paul Bettany, 49 ans, se doit de cacher son homosexualité auprès des siens, qui ne le comprendraient pas. En tout cas, il l’imagine comme cela.

De plus, il porte un lourd fardeau. Son père l’a surpris jadis en fâcheuse posture avec un congénère masculin. Suite à cela, le vieux lui a mis une pression considérable, l’obligeant à fustiger immédiatement son ami « tapette », à renier sa « maladie » et le menaçant de la géhenne. Le camarade anéanti s’est suicidé suite à cette charge farouche.

La blessure est profonde et il est en porte-à-faux avec tout cela.

A New-York, il s’expose sans complexe avec son ami de coeur et de corps, qui vient officiellement d’Arabie. Il vit avec lui depuis plusieurs années. L’un et l’autre sont incapables de faire leur coming-out auprès des leurs. Peine de mort d’un côté, rejet familial de l’autre.

Dans son petit village natal, il dissimule, au contraire. Une amie complice lui sert « d’alibi » hétérosexuel. Ce climat de mensonge est lourd.

Le père qui l’a martyrisé mentalement décède. Il rapplique pour les funérailles. Son ami Peter Macdissi ne veut pas le laisser y aller seul, et malgré l’interdiction que Paul Bettany lui a signifié, il le suit. Il redoute qu’avec ses failles, il craque et reprenne la boisson. Ce qui qui arrive lorsque le testament publiquement l’enfonce en révélant son homosexualité de manière grossière. Dernier coup de pique de ce père devenu haineux.

Peter Macdissi joue très bien ce rôle complexe d’homosexuel super protecteur et à l’enthousiasme communicatif, pour qui sait briser ces barrières artificielles. Il est en réalité d’origine libanaise. Effectivement gay il entretient dans la vraie vie une relation solide avec Alan Ball, le réalisateur avisé de cette entreprise. Le fauve Macdissi est lâché. Bien qu’à la lisière de la fofolle parfois, il joue admirablement.

Paul Bettany est lui le « vrai » mari de Jennifer Connelly et je ne pense pas que ce soit une union paravent. Sa prestation homo indécis dans la twilight zone reste crédible.

Sophia Lillis est promise à une belle et longue carrière. Elle en a l’étoffe.

Les acteurs seconds rôles jouent leur partition avec sérieux.

Une fois la famille avertie, ses membres manifestent tous les degrés possibles de la compréhension et/ou de l’indulgence. Et comme il est dit même la vieille qui continue à parler d’enfer, « fait ce qu’elle peut » dans cette acceptation du bout des lèvres. Ces maladresses reflètent la grande méconnaissance de cette orientation sexuelle courante. On a fait bien des progrès depuis.

Je ne suis pas un client régulier des films à thèmes comme ceux-ci. L’homosexualité reste du domaine personnel et en l’exposant maladroitement, on tombe vite dans une certaine forme de militantisme provoquant. Le romantisme sirupeux est un autre écueil. Il est très difficile de trouver le juste milieu.

Mais ici, grâce à tous ces talents, nous avons à faire à un vrai film. La structure est classique mais l’exécution est de niveau supérieur. Le long-métrage n’est pas excessivement linéaire. Il sort même des sentiers battus. Comme par exemple quand un jeune giton trop sûr de lui, propose une « pipe » à l’universitaire. Les répliques sont bien conçues. Désormais, en 2020, on va plus loin.

L’amour entre hommes, avec une certaine forme de conformité, comme le montre les serments éternels. Certes le thème est bien présent et central. Mais le sujet majeur de l’obéissance « aveugle » au système de valeurs du géniteur, ne l’est pas moins.

Cette histoire complexe de dévoilement est universelle.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mon_oncle_Frank

https://en.wikipedia.org/wiki/Peter_Macdissi

https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Bettany

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