Indignez-vous ! écrivait le sympathique et diplomate Stéphane Hessel.
Et si l’indignation était parfois mauvaise conseillère ?
Ce mouvement d’émotion permet des sursauts salutaires, en secouant nos vieilles habitudes. Et dieu sait qu’on bouge rarement sans passion.
Il y a des passions tristes, il y a des passions gaies. Certaines entraînent les foules dans le bon chemin et d’autres dans l’ornière. On a vu cela à travers les âges.
Seuls d’honnêtes chefs d’orchestre savent mettre cela en musique. Les tyrans s’en servent également. La nuit de cristal a été possible, car on avait préparé psychologiquement une grande partie de la population au sacrifice du bouc émissaire. La passion était bien présente à ce rendez-vous malfaisant.
Une fois qu’on a dit que l’indignation est la meilleure et la pire des choses, il faut quand même avancer « raisonnablement ».
Neil Young trimbale sa musique à fleur de peau, comme ses mouvements d’humeur. On sent cette tension permanente ; cette conviction profonde. On aurait du mal avec un Neil Young indécis avec des états d’âmes.
Il lui faut être vainqueur, donc il a besoin d’un combat. La vie lui en a fourni plusieurs, dont il se serait bien passé, avant que cela devienne une raison d’être.
Ce fut le cas avec cette affreuse poliomyélite en 1951. Il avait 6 ans. Il en souffrira toute sa vie. Assurément c’est déjà une cause en moins à défendre, celle des antivax. Qui sait, dans la mouvance dans laquelle il était, il aurait pu être tenté. En janvier 2022, il fait retirer sa musique de Spotify car la plateforme fait la part belle à Joe Rogan champion d’une désinformation dangereuse au sujet de la Covid-19 (lobby antivax). Quand on part soi-même d’une situation concrète, il y a des chances qu’on soit constant. J’en ai vu des antivax qui retournaient leur veste après avoir contracté la maladie.
La polio donnera rétrospectivement Helpless.
Sa mère est dépressive, et il a le mal du pays. Sa carrière débutante ne marche pas fort, dans son pays de naissance, le Canada.
La Californie lui sourit. C’est le right man, in the right place. Il arrive en 1966 juste au bon moment.
Cela donne Buffalo Springfield avec entre autre Stephen Stills. Il est dans le circuit céleste du Whisky A Go-Go et de Laurel Canyon. Le voilà lancé.
Il fréquentera le gratin avec les Beach Boys, The Byrds et les Rolling Stones. Il sera au festival international de musique pop de Monterey en 1967.
Cet homme à la fois maudit et béni dieux, sera secoué par des crises d’épilepsie. Retour de bâton, en plein sur la tête.
N’écoutant que son coeur et son indignation, le Loner écrira d’une traite le fameux Ohio, en hommage des quatre étudiants tués par « Nixon » sur le campus. Un hymne de la contreculture, mille fois chanté depuis.
J’ai le souvenir précis de l’admiration que lui portaient les hippies sur la route, à cette époque. Il était pour eux plus qu’un modèle, un demi dieu.
Certains le connaissent surtout parce qu’il a rejoint les Crosby, Stills and Nash. Il sera au festival de Woodstock. Cette fusion donnera l’abum Déjà Vu (1970). Il dirigera seul son disque hyper célèbre l’album Harvest
Le mauvais destin frappe encore deux fois à sa porte. Il aura deux enfants sérieusement handicapés IMC. Il fera de l’éducation de ces pauvres êtres un combat personnel, qu’il tentera d’amplifier par les médias. C’est l’époque des concerts caritatifs. Il réunira sur son nom de grands artistes pour le Bridge School Benefit.
Cet homme adore la nature et la défendra toute sa vie bec et ongles. On lui connaît son immense propriété de la Flèche Brisée à Redwood. Nom qu’il a donné car il se sent proche des indiens natifs.Il défendra leur cause en s’opposant à l’oléoduc XL Keystone nord sud du Canada aux USA, qu’il voit comme le grand serpent honni des légendes amérindiennes. Chacun voit midi à sa porte et je ne suis pas sur que ce minuscule trait invisible sur la carte, vecteur de progrès, soit si dangereux que cela.
Il aime également la paysannerie traditionnelle, dont il pensera défendre la cause en s’opposant aux OGM et à Monsanto. Il se cristallise sur « ces paysans n’ont même pas le droit de choisir leurs graines » – Il chantera son voisin avec le grand classique Old Man.
Il prendre fait et cause contre une immense exploitation de gaz de schiste au Canada. Il aura également des positions anti-corruption.
Des activistes lui reprocheront son choix pro-nucléaire et son soutien militariste à Reagan. Plus tard il sera anti-Bush et contre la guerre en Irak. Il sera aussi pro Bernie Sanders. Il a visiblement ses têtes et c’est assez brouillon. C’est toujours compliqué d’agir avec comme seul moteur l’indignation. De telles positions peuvent varier considérablement. D’ailleurs, il a lui même souvent changé de point de vue.
Keep on rockin’ in the free world a été utilisé par Donald Trump en campagne électorale, sans sa permission. Du coup le chanteur a pris la mouche.
Mais cet américain d’adoption a eu tort, car il partage les valeurs du conservatisme, de la défense des petites gens contre la mondialisation et d’un certain retour à la terre. Il a une âme populiste et réactionnaire, mais sans doute ne le sait-il pas lui-même. Il croit en « l’Amérique ». Il est attaché à ses valeurs traditionnelles.
S’il a défendu au début des thèses qu’on peut penser de gauche, c’était plutôt en raison d’un individualisme libertaire, profondément enraciné chez aux USA. Cette conception n’est pas liée à un parti. On peut retrouver cela aussi chez tous les John Wayne.
- Peter Staudenmaier (*) : L’écologie, mouvement conservateur par essence, l’écologie s’est d’emblée positionnée comme un mouvement profondément réactionnaire, adoptant tous les thèmes régressifs liés à la paysannerie traditionnelle, à la résistance au changement, aux racines terriennes des peuples, et à l’anticosmopolitisme, ce qui, à l’époque, était pratiquement toujours synonyme de racisme.
- Riehl, élève d’Arndt, est un autre exemple d’un activisme environnemental ouvertement nationaliste et antisémite. Auteur d’un essai intitulé Field and Forest, Arndt appelait à se battre pour « les droits des étendues sauvages »
- Alain Cohen-Dumouchel
Il est séduit par la messianique Greta Thunberg, c’est à nouveau l’émotion plus que la raison. Je ne suis pas emballé par cette Cassandre de pacotille.
Il n’aime pas trop Starbucks, Coca et Pepsi… Mais MTV ne voudra pas s’en faire le relais et ne diffusera pas sa chanson anticapitaliste. Il en fera tout un plat. Dans ce cirque, il importe que l’adversaire réagisse.
Il se lance dans la curieuse aventure du Pono, un baladeur numérique qui aurait un son plus chaud que le modèle de la pomme.
Toujours à la recherche de nouveautés surprenantes, cet amateur de vieilles bagnoles américaines modifiera sa Lincoln en un machin électrique alimenté par la biomasse, la Lincvolt. C’est une voie de lutte contre la pollution (2010).
https://en.wikipedia.org/wiki/LincVolt
https://fr.wikipedia.org/wiki/Neil_Young
(*)