Alec Guinness est un curieux comédien. Il s’est illustré par une interprétation souvent très personnelle dans de nombreux films. Il semble toujours avoir quelque chose derrière la tête, avec son étrange sourire. (The Lavender Hill Mob)
Au delà des rôles qu’il a choisi, sa façon d’être en scène est non dénuée d’ambiguïté. On se souvient de son jeu remarquable pour ce colonel borné dans Le Pont de la rivière Kwaï (1957). Il a raté de peu l’Oscar. On le voit également dans Lawrence d’Arabie (1962) et dans Le Docteur Jivago (1965).
Après avoir été un excellent Hitler en 1977 – le rôle qu’il a le plus aimé -, il opère un revirement intersidéral en Obi-Wan Kenobi, un sage bienveillant dans Star Wars dès 1999 – le rôle qu’il a le plus détesté.
Ceux qui aiment bien ancrer la psychologie dans le passé familial, peuvent noter qu’il est né d’un père inconnu. Et on n’a jamais pu dire clairement qui était ce géniteur qui a détalé devant ses responsabilités.
Quoi qu’il en soit, Sir Alec Guinness a toujours aimé brouiller les pistes. Dès ses vingt ans, il a choisi d’ habiter de nombreux personnages, comme en témoignent ses débuts précoces au théâtre.
Sa bisexualité sera cachée elle aussi, et ce pratiquement jusqu’à sa mort.
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C’est lui qui tient le film, d’un bout à l’autre. Cela se passe en grande partie dans cette Angleterre en noir et blanc et en chapeaux melon.
Il est d’abord présenté comme un richissime expatrié qui vit en Amérique du sud. Il y mène grand train. Il a un excellent crédit et distribue des pourboires princiers et autres gratifications. Pratiquement tout le monde y a droit. Audrey Hepburn, qu’on ne verra que quelques secondes, va remercier ce protecteur généreux par un chaleureux baiser. Les grands personnages de la ville le saluent bien bas. On se demande bien qui il peut être et pourquoi il agit avec tant de prodigalité. Il en fait manifestement un peu trop.
L’étrange bonhomme incarné par Guinness va à présent raconter toute son histoire, depuis une table de ce grand restaurant au Brésil (*)
Alors qu’il n’était qu’un tout petit employé chargé de suivre la fonderie et le transport de l’or de sa banque à Londres, il a mûri un projet de vol de grande envergure.
- Tiens, c’est quand même étrange et imprudent qu’il raconte ce grand secret, aussi ouvertement, à une nouvelle connaissance !
Pour nous fair plonger dans l’action, je passe en mode « présent » :
Apparemment, il n’y a pas dans cette entreprise de personnes plus honnêtes que lui. Son abnégation, doublée d’insignifiance, sont presque devenues gênantes. Au point que la hiérarchie va le « forcer » à accepter une augmentation. Il a su se forger patiemment une image au dessus de tout soupçon. Ça vaut de l’or.
Le plan consiste à faire voler par des complices un fourgon plein de lingots. Lui et deux de ses sbires, vont parvenir à envoyer balader, un court moment, le chauffeur et son assistant. Une histoire de prétendu pneu crevé pour l’un. Et pour l’autre une incitation à sortir pour faire des vérifications quant à un véhicule supposé les suivre. Alec, qui est dans le véhicule, sera faussement agressé et ficelé, de manière à conforter son « innocence ».
Il s’est acoquiné avec deux malfrats confirmés et un artisan qui fabrique des objets artistiques en métal. Ce sont de petits souvenirs destinés au marché français. Son atelier va être mis à contribution pour transformer leur grande masse d’or, en petites Tour Eiffel. Puis ils enverront ces objets anodins à Paris. Une façon habile de faire sortir le magot de Grande-Bretagne.
Mais bien entendu, tout ne se passe pas exactement comme prévu et de nombreux problèmes vont devoir être résolus dans l’urgence. Ce sont ces poursuites haletantes, ces imprévus multiples qui sont chargés de donner du piment au film. Pas question d’en dire plus.
Mais comme on sait que le héros sera in fine à distance au Brésil, a priori on ne s’en fait pas trop pour lui.
Ne soyez pas rassurés trop vite, vous qui aimez que les combinards réussissent. A cette époque, il était obligatoire que les mauvais garnements soient punis. La production avait juste la possibilité de retarder cela jusqu’au dernier moment. Or comme le dernier moment est ici le premier dans la chronologie du film…
Un film qui semble juste destiné à ceux qui à l’époque rêvaient d’argent facile, et qui préféraient oublier que bien mal acquis ne profite jamais. Des réalisations de ce genre, il y en a eu des tas, preuve qu’il y avait un vrai besoin du tout venant.
Mais en soi, cela a passablement mal vieilli. Et l’intérêt pour les détournements et la cambriole s’est singulièrement estompé.
- (*) Le flash-back, en tant que pirouette intégrale, faisait ses débuts au cinéma. Il consistait à commencer tout bonnement par la fin. Ce film utilise ce procédé à fond. Ceci, combiné à une intrigue particulièrement riche, lui a permis d’obtenir l’Oscar du meilleur scénario original. Je ne suis pas persuadé que ce film le méritait tant.
https://fr.wikipedia.org/wiki/De_l%27or_en_barre