Autant le dire tout de suite, c’est du très bon cinéma.
Les acteurs sont concernés et efficaces. Ils font passer un tas de nuances. Et ce film d’amour ne tombe pas dans le sentimentalisme gnangnan. Bien au contraire, il renouvelle intelligemment le genre.
Cédric Klapisch nous donne à voir une thèse illustrée, avec de multiples situations de couples, qui sont liés entre eux par l’épisode précédent.
Je ne pense pas que le fin mot de l’histoire soit dans la métaphore des poupées gigognes. La femme idéale n’est pas cachée dans la dernière pelure de l’oignon laqué russe. Le réalisateur a juste voulu boucler la boucle, en liant par la locution bien connue, ces femmes multiples et ce séjour tardif à Moscou. C’est un « bon mot » en quelque sorte.
Non, l’idée qu’il a des relations homme/femme est plus fuyante encore. On voit le fond de sa pensée dans le monologue désabusé de Romain Duris. Pour résumé, il n’y a pas de solution à cette question, pas de “femme de sa vie”. Et le mariage est une imposture, quand il promet la félicité éternelle avec les mêmes personnes.
Ce qu’on voit ici, c’est l’émancipation des jeunes citadins (trentenaires ou moins). Ils se donnent le temps d’explorer un maximum de pistes. Il y a du cosmopolitisme universaliste (dont Aïssa Maïga), de la métrosexualité et bien d’autres tendances (dont Cécile de France toujours convaincante).
Mais attention, ici le moteur n’est pas l’exploration à tout prix de toutes ces variantes. Rien à voir avec la collectionnite. C’est plutôt un passage de branche en branche, sans déterminisme, dicté par les circonstances. Selon les accointances, les voyages en commun dureront plus ou moins.
Les gens de l’ancien monde diront que ces nouveaux comportements labiles, qu’ils assimilent à de simples coucheries, traduisent de l’immaturité et du manque d’investissement dans le couple.
- Lequel devrait tenir du pari pascalien. Mettez vous à genou devant l’institution et vous comprendrez. Vous avez tout à gagner. Et au pire les nouvelles règles vous permettent de divorcer. Résultat la moitié des couples vivent séparés à Paris.
D’ailleurs c’est l’Anglais, le sympathique gros lourd de l’équipe (électricien de spectacle,comme le fut Klapisch), qui cède le premier à cette injonction matrimoniale. Il faut dire que la danseuse du Mariinsky (Evguenia Obraztsova) est incroyablement belle, charmante et douce.
- On ne voit plus de telles aubaines dans l’hexagone. Ici les promises se doivent de faire la gueule et veulent établir des rapports de force intéressés. Tant pis pour elles, on ira voir ailleurs.
Mais en réalité ces nouvelles conduites sont bien plus profondes que cela, tout en restant difficiles à cataloguer.
Je pense qu’ils faudrait mettre toutes les sciences humaines à contribution et y rajouter les neurosciences et bien d’autres choses. Les nécessités de perpétuation de l’espèce jouent un grand rôle dans nos choix. On est en grande partie sujet à ces obligations là. Mais une couche civilisée fait qu’on peut s’en abstraire un peu, beaucoup… En passant du collectif à l’individu en couple, la donne est bien différente. Surtout s’il peut se passer du regard critique du plus grand nombre.
Klapisch (*) nous raconte cela très bien ; à travers les nombreuses situations qu’il relate méthodiquement. Plus encore il nous laisse deviner. Et le récit choral garde une belle harmonie générale.
L’idée que Duris apparaisse comme un scénariste de mauvais sitcoms est un beau pied de nez. On a ainsi un gap vertigineux, entre l’eau de rose canalisée de l’écrit et les parfums musqués de l’imprévisible réalité.
Une certaine indécision – inhérente au concept – peut faire penser – à tort – que ce film est moins structuré que le premier : L’Auberge espagnole (2002) – En réalité, ici il y a beaucoup plus à dire.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Poup%C3%A9es_russes_(film)
Romain Duris
Kelly Reilly
Audrey Tautou
Cécile de France
Kevin Bishop
Evguenia Obraztsova
Le critique Mendelbaum n’aime pas trop qu’on badine avec l’amour. Il n’a pas apprécié cette nouvelle manière de se comporter qu’il considère comme une “fuite en avant”. Il s’occupe plus de cette nouvelle donne sociologique, que du film lui-même – sans doute une question de générations : les-poupees-russes-comedie-euro-sentimentale-pour-trentenaires-post-adolescents
- “… cette comédie euro-sentimentale, dont il est loisible de refuser, sous ses oripeaux de modernité, le modèle rassis qu’elle propose de l’union”.
(*) Klapisch mari fidèle de Lola Doillon et bon père de famille ? S’il est amant dans l’âme, c’est plus par esthétisme que par une véritable pratique de terrain. En tout cas maintenant. Mais en fait il faudrait se renseigner.