Avis. Pulp fiction. Thurman. Travolta. Meilleur Tarantino – Résumé. (1994) 8.5/10

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Film de gangster revisité par un intellectuel passionné de cinéma.

Dans ce genre éculé, Tarantino va plus loin que les autres. Il innove. Il brise des conventions. Il s’intéresse aux détails utiles qu’avaient délaissés les anciens.

Comme les temps morts des gangsters. Qui s’en souciait jusque là ? Cela semblait bizarre que ces gars se reposent dans les films dit d’action.

  • Voilà des professionnels, qui entre deux meurtres, se laissent aller à des propos de comptoir.
  • Des mystiques, des bavards, de vrais gamins par moment… C’est sans doute ainsi dans le quotidien de cette sinistre réalité. Plus de small talk et d’attente, que de mitraillage.
  • C’est bien mené et loin d’être du simple remplissage. Grâce à ces habiles dérivatifs, alors que se prépare le cœur de l’action, du coup on ne les voit pas venir. Cela contraste utilement le film.

L’œuvre a très peu vieilli grâce à ses paris novateurs, sur la forme, la prise de vue et le montage.

Les dialogues sont bons. Les acteurs sont en forme. Il y a du rythme et de l’humour.

Un bémol peut-être, pour l’exposition un peu trop « sympa » et complaisante aux différentes scènes de drogues dures. Les clients ont l’air de fin amateurs de grands crus. On ne ferait plus cela maintenant.

  • Cela dit, on échappe aux sempiternelles images de dealers caricaturaux. Eric Stoltz incarne ainsi un « commerçant » assez sympathique et efficace. Ce personnage civil et compréhensif est bien interprété. C’est bien de massacrer les clichés.
  • D’ailleurs, la morale est quasi sauve si l’on considère l’incroyable scène d’overdose d’Uma Thurman. Une plongée chirurgicale et vertigineuse aux limites de la vie. La drogue ce n’est vraiment pas drôle. Ces images dissuasives se suffisent à elles-mêmes. Elles pourraient même être projetées dans les écoles. Pas besoin de pesante morale pour filer la pétoche !

La consommation d’alcool est aussi excessive, mais ce travers est partagé par d’innombrables scénarios d’alors, et même de maintenant.

A bien y regarder, le film est monté comme un film à sketches. Différents chapitres sont bien délimités par un plan titre comme au cinéma muet. Et bien sûr, tous sont liés. Cela peut sembler décousu parfois, car nous, on n’a pas d’emblée le plan complet dans la tête.

Un découpage audacieux.

Par exemple, prenez en compte que John Travolta est déjà une vedette bien connue alors.

  • Or, il est exécuté assez rapidement dans le film. D’habitude, on ne tue pas un acteur célèbre et coûteux trop rapidement.
  • Le spectateur le sait et est donc habilement surpris ici.
  • Mais le malin réalisateur fait un long flash back après qui vaut continuation normale du film. Ainsi, quasi ressuscité, Travolta bénéficie d’un temps d’exposition complet. La production est rassurée économiquement parlant.
  • Et comme il est aussi connu comme danseur, il nous fera aussi un tour de piste d’anthologie avec la vibrante Uma (*)

Il y a plusieurs pirouettes temporelles comme cela.

La scène initiale où un curieux couple braque une sorte de mac-do s’arrête à un moment clé. Mais beaucoup plus tard elle reprendra intégralement, mais en partant d’un autre point de vue pour se poursuivre jusqu’au bout. C’est un timing inédit et intéressant.

  • Cette scène est un morceau d’anthologie. Une construction spatio-temporelle de grande envergure et servie par des acteurs compétents. Tim Roth en leader amoureux et lucide. Amanda Plummer en fille d’apparence rangée et qui se déchaîne. Ça va loin. La prise de vue est multiple et riche, jusqu’à cette contre-plongée qui privilégie le plafond. Là encore on va au-delà du cadre traditionnel.

Le grand Bruce Willis est ici quasi à l’opposé de ses rôles habituels de grande gueule. Il incarne un boxeur de seconde zone qui doit se coucher dans un pari truqué. Bon d’accord, il n’en fera qu’à sa tête quand même.

Autre scène mythique et iconoclaste. Christopher Walken campe un vétéran protocolaire en mission familiale. Il vient expliquer avec ses mots à lui, son père mort au combat à un petit. C’est costaud et antidogmatique.

Bien vu aussi, Harvey Keitel en nettoyeur de scène de crime méticuleux, au profit des méchants. Un petit boulot méconnu et qui tend vers le plus grand professionnalisme. Un maître « respectable » dans sa catégorie.

Il y a plein d’acteurs intéressants servis par des trouvailles comme cela. On ne peut pas les détailler tous.

Il y a de la violence partout. C’est bien la marque de fabrique de Tarantino.

N’ayons pas peur de le dire, les situations sont le plus souvent totalement « gore ». Du genre, sang partout et bouts de cervelles.

Mais notre écœurement est soit tempéré par le sang froid des criminels, soit exacerbé par la panique. Tarantino nous balade comme il veut. Il ne se gène pas.

Il y a aussi une perversité assumée et quasi « jubilatoire » du réalisateur.

Dans une scène ultra-chaudasse, la jolie conductrice de taxi Angela Jones en Esmarelda Villalobos est le désir absolu. Elle presse Bruce Willis de lui dire quel « plaisir » il a ressenti quand il a tué son adversaire dans le combat de boxe. N’ayons pas peur des mots, c’est de la sexualité pure. D’ailleurs Bruce lui demande si elle est « excitée ». Ce qui ne se voit que trop.

C’est aussi clair quand deux brigands se retrouvent prisonniers de deux vrais sadiques. Une des victimes se fera clairement torturer et sodomiser. Suit une scène de revanche cathartique au Katana. C’est sans filtre.

On n’est pas loin de tout cela quand Samuel L. Jackson joue au chat et à la souris avec trois adolescents, qu’il va descendre à la fin. Sur fond de versets bibliques. C’est totalement pervers.

Assurément, Tarantino se fait « plaisir » avec la caméra et ses acteurs.

A l’écran, on peut mettre en scène des fantasmes de meurtre, de viol et d’extrême sauvagerie sans encourir le moindre risque pénal. Après tout ce n’est que du cinéma !

Ce n’est pas le seul délinquant virtuel qui profite de cette liberté illimitée.

Dans un registre moins gai, il faudrait voir aussi du côté de Lars Von trier.

Il y en a bien d’autres. Amis thésards, à vos claviers !

Ah oui, pour ceux qui veulent tirer sur l’ambulance, il y aussi Weinstein là derrière.

Qu’on aime ou on n’aime pas, vraiment on ne s’ennuie pas avec Pulp Fiction. On en a pour son argent.

Le film a été encensé par une palme d’or polémique à Cannes. Et pour cause, voilà dix films pour le prix d’un.

  • J’ai interrogé le “camarade” Tavernier lors d’une de ses visites en province. Il a une grande admiration pour Tarantino qui est comme lui un grand historien du cinéma et un réalisateur sincère et authentique.

Il est clair que ce lutin provocateur est un grand.

(*) Uma Thurman, une femme fatale qui a à la fois juste ce qu’il faut finesse fragile et d’arrogance somptueuse. De quoi revivifier le mythe de celles à qui on déposerait une fortune à leurs pieds. Un bon investissement car on peut constater, 25 ans après, qu’elle a bien vieilli.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pulp_Fiction

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