Avis : Stranger Than Paradise. Jarmusch New-York Budapest 8/10

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Quel bonheur d’avoir un Jarmusch inconnu à se mettre sous la dent ! Une sensation du temps retrouvé de l’enfance, lorsqu’on découvrait un album de Tintin. L’eau à la bouche.

Le leptosome John Lurie incarne un branleur d’origine hongroise, qui a tourné le dos à son pays d’origine. Il mise tout sur les USA. Il insiste auprès des siens pour qu’on ne parle qu’en anglais.

Lorsque Eszter Balint débarque presque sans prévenir à New-York, au début il ne sait pas quoi faire de cette cousine européenne. Elle dérange ce combinard, tricheur professionnel au poker.

Son acolyte Richard Edson est une sorte de complice / faire-valoir. Lui s’intéresse à la « petite », mais n’ose rien entreprendre.

Et finalement la mutine-coquine-maline est plutôt adoptée. Là, elle se décide à rejoindre une tante à Cleveland. Elle y bosse dans un fast-food mais se lasse de cette région glaciale.

Une année passe. Nos deux compères décident d’aller la visiter. Et là se poursuit un road-movie déjanté mais crédible. On est en deçà des francs délires d’un Jack Kerouac. Et pour cause : l’alcool et leurs rêves leur suffit.

Le passage chez la tante impotente mais madrée est épique. La virée vers la Floride ne l’est pas moins.

Une queue de poisson miraculeuse termine le film. Ce revirement complexe qui envoie les protagonistes dans trois directions différentes est un peu artificiel. Prenons cela pour de la licence poétique.

La prise de vue et les découpes sont intelligentes. On est en 1984 et déjà Jarmusch sait peindre en noir et blanc avec sa caméra. En intérieur, le grand angle est souvent utilisé et il dramatise les scènes. Le brillant réalisateur manie l’ellipse avec élégance.

Chez Jarmusch, il y a pas mal d’essentiel et quasiment aucun remplissage. Chaque scène est dense et calculée, même s’il s’agit paradoxalement de refléter l’ennui. Pour rester dans du Hergé, appelons cela la ligne claire.

Bien sûr que ce milieu crasseux/poisseux des petits tricheurs n’est pas reluisant en soi. Mais ce petit monde parallèle est montré avec un profond réalisme. Un peu comme l’a fait notre génie de la médiocrité qu’est Michel Houellebecq. Les personnages sont pleins ; les personnalités affirmées. Ils sont tous dignes d’intérêt. Pas par leurs actes mais pour qui ils sont. Pas question de faire la morale, même si un semblant de règles existe entre les intervenants.

Les trois acteurs principaux sont vraiment à la hauteur.

Mais ceux qui pensent qu’un film doit être « beau » vont passer à côté.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Stranger_Than_Paradise

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