Avis. Ted Bundy, Tête d’un tête serial killer pervers, psychiatrie (2019) – Résumé.

Temps de lecture : 6 minutes

Ce documentaire tente de mettre en parallèle, le récit des enquêteurs, de proches, d’une victime qui a pu s’échapper et les 36 heures de « confessions » enregistrées du tueur prolifique.

L’effort est méritant et se lit comme un livre d’histoire. Mais il ne parvient pas à nous mettre dans la tête du tueur. Des pudeurs font que des parties très obscènes ne sont pas vraiment abordées. Et puis on en reste au « psychologisme » des explications par les soucis pendant l’enfance.

En cela l’émission ne mérite qu’un petit 6.5/10. Mais les tentatives de cerner le personnage par l’approche psychologique clinique et/ou psychiatrique peuvent nous mener plus loin. C’est pourquoi on va dépasser cette approche télévisée pour rechercher au-delà des apparences et de la linéarité de son histoire. Mais vous verrez que malgré cela on n’a toujours pas les vraies clefs de ce personnage pervers et joueur.

Ce tueur en série fascine les Américains. Le verbe n’est pas trop fort. Et pourtant il n’y a rien de malsain dans ce goût macabre. C’est au contraire le reflet d’une interrogation fondamentale.

Ted Bundy est une énigme que personne n’est parfaitement en mesure de résoudre.

On peut chercher des clefs dans son enfance. Il a été ballotté de droite à gauche et souvent maltraité. Son grand-père serait son père. Et bien d’autres choses. Déjà gamin, il se délectait à faire souffrir ses camarades. Il a volontairement supplicié un chat en l’aspergeant d’essence et en y mettant le feu. Mais bon, tout cela ne nous dit pas ce qu’il se passe vraiment dans sa tête.

Il a quand même réussi à s’acheter une bonne conduite et à entreprendre des études de droit. Il a même fait de la politique. Il s’est montré aimable et séducteur. Il a eu des relations suivies sans histoires. Au points que ces véritables amis, sa compagne ont eu le plus grand mal à le croire coupable.

Il n’a démarré sa série de crimes qu’assez tard et là il s’est déchaîné, tuant sans arrêt. Il y a une connotation sexuelle, avec des femmes attirantes de même profil dont on sait que certaines furent violées.

Il s’est montré très habile, parvenant à contrôler l’audience aux procès. Il a réussi à s’échapper à plusieurs reprises, d’une manière presque « héroïque ». Il a même annoncé la couleur à un de ses amis qui n’a pas cru bon prévenir les autorités. Il a joué avec son entourage en disant qu’il était coupable et en expliquant comment ne pas se faire coincer. Et ce n’était pas une sorte d’appel à l’aide pour qu’on le contre, mais un exposé de ses talents.

Et il n’y a pas vraiment de cas clinique de double personnalité de type Docteur Jekyll et M. Hyde. Ce n’est qu’une invention d’écrivain. Et puis cela n’explique pas grand-chose, à part le fait de pouvoir conduire une vie normale tout en faisant le pire à côté.

Certains parlent de psychopathie, surtout pour cette absence de remords et de prise de conscience dans le crime. Mais c’est quand même un concept faible pour cerner le personnage. D’ailleurs il n’en a pas toutes les caractéristiques. Il ne mentait pas à tout bout de champ, mais juste pour se protéger et il le faisait de manière intelligente. Sa personnalité n’était pas si déséquilibrée que cela. En tout cas en apparence.

Widiger lance le concept de « psychopathe qui réussit » (successful psychopath), car il voit chez Bundy une forte conscience de ses actes.

Ces enlèvements sont clairement prémédités et calculés. Il se déguise en infirme qui a besoin d’aide, pour attirer les innocentes victimes. Il manie un badge de policier pour endormir les soupçons. On voit bien qu’il a pris le temps de réfléchir et qu’il n’obéit pas directement à une pulsion impérieuse. C’est bien la paradoxe.

L’intelligence de ce criminel et la possible intégration étaient si nettes que le juge qui l’a condamné à mort a dit publiquement ses regrets qu’il n’ait pas choisi le bon côté. Il aurait fait selon lui un excellent avocat ! C’est dire le regard non psychiatrique qu’on peut porter sur lui.

Intelligence encore quand il a gardé le récit de nombreux crimes (on parle d’une centaine) pour tenter de retarder son exécution. Cela n’a pas marché. Mais il a quand même livré 36 heures de confessions inédites. Et encore là, il se donne le beau rôle de généreux donateur. Il prétend ouvertement que ceci aidera à comprendre des serial killer comme lui. Le pire c’est qu’il n’a pas tort !

Widiger souligne des traits de sa personnalité :

  • Il est menteur, manipulateur, insensible, profiteur et arrogant mais sous des dehors engageants et affirmés. Il se montre très conscient de ses actes. En passant à l’acte il est qualifié, compétent, réfléchi, organisé et diligent. Il n’est pas sujet à l’anxiété ou à la labilité émotionnelle. Il montre du charme, de la désinvolture et de l’intrépidité.

Un groupe de 73 psychologues arrivent à un consensus : ce serait une personnalité antisociale, un psychopathe et une personnalité narcissique.

  • Antisocial : Égocentrisme. Action centrée sur la gratification personnelle (par opposition à la loi et aux normes sociétales). Manque d’empathie et de remords. Incapacité à entretenir des relations mutuellement intimes (utilisant souvent la coercition et l’intimidation pour contrôler les autres). Antagonisme (manipulateur, trompeur, insensible et hostile). “Désinhibition” (irresponsable, compulsif et prenant des risques)
  • Psychopathe : Le charme superficiel, le mensonge et l’insincérité, le manque de nervosité, un comportement antisocial insuffisamment motivé, l’égocentrisme pathologique, l’absence de remords et de honte, l’incapacité de suivre un plan de vie, etc.
  • Narcissique : Référence excessive aux autres pour la régulation de l’estime de soi et/ou l’établissement d’objectifs basés sur l’approbation des autres. Capacité altérée à reconnaître les besoins et les émotions des autres. Relations largement superficielles qui n’existent que pour la régulation de l’estime de soi ou le gain personnel. Sentiments de bon droit et de supériorité. Tentatives excessives d’attirer l’attention des autres.

Tout cela est sans doute vrai, mais n’explique pas grand-chose. A noter que toutes ses caractéristiques de « psychologues » peuvent se retrouver chez des gens qui ne sont pas des tueurs fous.

Des psychiatres ont tenté d’en faire un bipolaire et/ou une personnalité borderline. On a parlé aussi de schizophrénie. C’est dire que rien ne tenait parfaitement la route dans les catégorisations psychiatriques classiques.

Il faut donc en rajouter une sérieuse couche. Il y a indiscutablement chez lui de la perversité avec de la nécrophilie, de la paraphilie et du sadisme. Il torturait. Il coupait les têtes après les avoir défoncé de manière inimaginable. Il a mordu sauvagement ses proies. Il revenait même pour avoir des relations sexuelles avec leur cadavre en décomposition. On n’en parle pas assez dans l’émission. C’était un sex addict, mais au-delà du cadre habituel.

Voilà ses propres déclarations :

  • Les types de pornographie les plus dommageables, et encore une fois je parle d’une expérience personnelle, d’une expérience personnelle réelle et solide, sont ceux qui impliquent la violence et la violence sexuelle. Parce que l’union de ces deux forces – et je ne le sais que trop bien – entraîne un comportement qui est juste trop terrible à décrire
  • Une fois que vous en devenez accro, et je considère cela comme une sorte de dépendance, comme d’autres types de dépendance, et vous continuez. Je continuais à chercher des types des stimuli plus puissants, plus explicites et plus visuels. Comme une dépendance, vous vous êtes pris par une envie de quelque chose qui est de plus en plus « hard ». Ce qui vous donne un plus grand sentiment d’excitation, jusqu’à ce que vous atteigniez le point où la pornographie ne va pas assez loin. Vous atteignez ce point de non retour, où vous vous demandez si de le faire réellement ne vous donnera quelque chose qui dépasse le simple fait de le lire ou de le regarder.

Certains parlent d’une dose de machiavélisme. Ce qui étonnamment nous ramène à une certaine « réalité ». Il y a un côté « cérébral » dans sa façon d’agir.

  • Il dit : « Le fantasme qui accompagne et génère l’anticipation qui précède le crime est toujours plus stimulant que les conséquences immédiates du crime lui-même »
  • Pour conforter son côté consciencieux, il précise pourquoi il a gardé des trophées et fait des Polaroïd : «  Quand vous travaillez dur pour faire quelque chose de bien, vous ne voulez pas l’oublier »
  • Son jeu pervers se complique quand il donne un bijou volé à sa compagne : « Si seulement elle savait que le collier qu’elle porte venait de quelqu’un que j’ai assassiné »

On voit bien que le sujet n’est pas épuisé avec les outils classiques. Les neurosciences éclairciront sans doute le phénomène. Mais en ce qui concerne Bundy, il est dans la tombe depuis 30 ans. C’est trop tard. Le cerveau de Ted Bundy a bien été retiré après son exécution pour être étudié… mais cela ne marche pas comme cela ! D’ailleurs on n’en a pas parlé depuis.

https://uknow.uky.edu/research/uk-researcher-unravels-serial-killer-ted-bundys-mental-health

https://www.psychologytoday.com/intl/blog/wicked-deeds/201912/examining-serial-killer-ted-bundy

https://www.rtbf.be/article/le-cerveau-de-ted-bundy-a-ete-retire-apres-son-execution-pour-etre-etudie-10425424

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