Vu objectivement aujourd’hui, il ne devrait pas y avoir trop de difficultés à comprendre, que ce n’est pas un bon film.
Pourtant, comme c’est badgé Sautet, certains feignent de ne pas le voir. D’autres sont tétanisés. Et puis, c’est un sport pratiqué par de nombreux critiques, versus doxa, que de tenter de faire passer les nombreux défauts de ce film passablement glacial et « intellichiant », pour des qualités. Un contre-pied qui se pense élitiste et qui continue à être pratiqué couramment de nos jours. Mais peut-être ne sont-ils que bêtement bernés. Cela vaut pour les plus limités, qui sont bien plus nombreux et plus inamovibles qu’on le croit.
Ce n’est pas rendre service au cinéma de continuer à encenser sans modération de telles œuvres, si mineures. Si on se perd en louanges pour ce cinéma là, les jeunes générations et/ou les cinéphiles en herbe, ne vont plus rien comprendre.
Sans méchanceté aucune, je pense qu’il est temps de faire un sort à ce genre cinématographique, qui est tout sauf intemporel.
– – –
L’histoire de ce trio amoureux est très banale au fond.
Deux hommes ont des relations de travail très serrés, qu’on pourrait qualifier d’amicales. Ils sont dévoués à leur art de la lutherie et fonctionnent de manière fusionnelle. André Dussollier est le patron, et Daniel Auteuil est son bras droit. Mais ces différences sont imperceptibles.
La crispante Emmanuelle Béart incarne une violoniste de premier plan.
- On retrouve là tout ce qui la rend insupportable. Hautaine, imbue de sa personne, et qui est une mauvaise comédienne. Elle n’a d’intérêt que quand elle se tait, et encore. Ici, elle cause, elle cause. Et son texte, faussement intellectuel, n’aide pas.
Cette jeune femme vient perturber l’équilibre entre les deux mâles. Sous le regard inquiet du subordonné, elle démarre une relation avec André, le plus mûr et le plus flamboyant. Mais curieusement elle développe une forte attirance physique pour le plus jeune, Daniel, qui est pourtant le plus effacé. Il en paraît presque gris souris.
Elle le veut clairement dans son lit et lui dit sans détour. Déjà là, ce n’est guère crédible. D’ailleurs tout sonne faux dans ce parti pris scénaristique. Et pourtant Auteuil et Béart ont formé un vrai couple à la ville, pendant 11 ans ! A ne plus rien comprendre ! Certes, ils se sont séparés 3 ans après ce film. Il devait déjà y avoir de l’eau dans le gaz.
Le ton général est très daté. Les acteurs font leur numéro en feignant le naturel. Pour cela ils s’expriment de manière hachée, un peu théâtrale, avec des mots qui se veulent de tous les jours, en tout cas dans ce milieu là. Cela ne marche pas très bien.
Mais bien entendu, les deux protagonistes masculins, auxquels on peut rajouter Bideau, sont de bons acteurs. Ils restent crédibles en soi, mais comme ils sont mal utilisés, ils apparaissent en décalage par rapport aux autres et au sujet. C’est d’ailleurs ce contraste, qui rend encore plus pathétique, le reste de la confrérie, en particulier la pauvre Béart.
L’un dans l’autre – acteurs, réalisateur et scénario confondus -, on ne croit pas une minute à cette histoire. A moins de se complaire dans le genre frigorifique.
Mais c’est le contenu qui interpelle le plus violemment. Ce clan, qui tourne autour des instruments à cordes, est formé d’une petite élite d’artistes mondialistes et/ou mondialisés. Ces personnes qui jouent la décontraction et la simplicité, semblent se croire au dessus de la mêlée. Bien qu’encore porteurs de cravates, ils sont en mission cachée pour sortir des codes anciens. On sent nettement le vent de 68, bien qu’on soit là près de 25 ans après.
Ils se prennent passablement au sérieux, tout en jouant à la modestie. C’est typique d’une époque marquée par l’essor d’une certaine pensée de gauche, avec la survalorisation d’un esprit « copain », voire « camarade ». N’oublions pas quand même que Sautet a adhéré un temps au Parti communiste, comme tant d’autres de son milieu.
- On n’est plus en 81, avec ce triste droit de réponse, une émission qui mettait en scène une sorte de revanche politique, en ne donnant pas la pleine parole aux invités qui étaient jugés de droite. Cela pouvait aller d’ailleurs jusqu’aux insultes publiques et à l’intimidation. Et tout les tenants du politiquement correct de gauche applaudissait ces mises au pilori, d’autant plus qu’elles étaient arbitraires. Là on était dans les soubresauts de la sinistre Révolution Culturelle et du maoïsme (1966-76). Le film n’est est pas à ce stade. C’est plus sournois.
Cette tendance au nouvel hygiénisme mental est parfaitement perceptible dans cette scène du collectif à table, où Bideau commence par se plaindre de la confusion des valeurs. Ce qu’on appelle maintenant le relativisme – tout se vaut.
La contradiction très convenue ne se fait pas attendre. Il est remis à sa place par la bonne conscience de gauche, avec les poncifs en cours à cette époque. C’est à dire une sorte de discours répétitif, bien appris, qui est uniquement basé sur un parti pris idéologique diffus, un conformisme ambiant, et qui ne tient pas compte le moins du monde des réalités. Tout ce petit monde « solidaire » acquiesce, implicitement ou non. Le catéchisme politique remet les choses dans le droit chemin. Et rapidement Bideau doit faire retraite. Il fait même son autocritique et s’accusant ouvertement : « est-ce que je suis réac ? »
Et c’est fou, comme la plupart des dialogues, qui peut être passaient pour novateurs et libérateurs à cette période, respectent aux pieds de la lettre cette orthodoxie naissante. C’en est presque désagréable à entendre maintenant. Comment a-t-on pu être berné aussi facilement ?
On retrouve cela, d’une certaine manière, dans des œuvres plus aboutis du réalisateur :
- Les Choses de la vie
- Max et les Ferrailleurs
- Garçon !
- César et Rosalie
- Vincent, François, Paul… et les autres
Sautet adore ces plans décisifs, pris au téléobjectif, de visages énigmatiques, derrière les vitres d’une voiture qui file. C’est censé en dire long. A la fin, Béart file avec son chauffeur et amant Dussolier, sous les yeux du statique Auteuil. Il a l’air de se demander ce que signifie ce dernier regard. Est-elle heureuse vraiment ? A-t-il fait le nécessaire ? En fait, nous on s’en fiche royalement.
La musique de chambre ne fait que combler les trous. Elle tente de donner l’illusion d’un spectacle de qualité. C’est de la triche ! Rohmer n’est pas Ravel. Il ne peut pas décemment s’en attribuer le prestige.
Sautet n’est pas Rohmer. Béart n’est pas Romy Schneider. Loin s’en faut.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Un_c%C5%93ur_en_hiver
Daniel Auteuil
Emmanuelle Béart
André Dussollier