Avis. Wonder Wheel – Film. Woody Allen + Kate Winslet – Résumé. (2017) 8/10

Temps de lecture : 4 minutes

Il y a quelque chose, qui s’apparente à la roue du destin (Wheel), qui traîne toujours quelque part dans l’esprit de Woody Allen.

C’est comme si une divinité implacable donnait des coups de boutoir bien ciblés dans nos vies, juste quand il faut, ou il ne faut pas. En tout cas elle agit clairement dans ses films.

Cette destinée tend à rendre prétentieuses nos velléités à conduire nos vies ou même à en infléchir le cours.

Elle est figurée par ce petit grain de sable qui sera toujours là, pour réorienter l’action dans une ou l’autre des directions.

La balle de match peut tomber d’un côté ou l’autre du filet. Et ça change tout (Match point).

Woody Allen est obnubilé par ce petit écart millimétrique qui peut mettre en cause tout l’édifice de notre existence.

Il ne s’agit pas de cette Destinée totalement écrite dans le ciel et qui pourrait donc nous faire baisser les bras. Ce n’est pas le discutable « Tous les évènements sont enchaînés dans le meilleur [ou le pire] des mondes possibles » de Voltaire épinglant Leibniz. Ni le fameux battement d’ailes du papillon…

En fait, il ne craint pas ce Destin. Au contraire, il veut jouer avec. Ce serait comme un grand jeu de flipper qu’on pourrait maîtriser, avec un peu de dextérité. Dans Wonder wheel, avec le coup de fil, on a encore la possibilité d’une incidence décisive.

Peut-être s’en s’en sert pour tenter de démontrer la vanité du carcan moral.

Alors qu’un petit rien peut basculer vers le bien ou le mal, à chaque instant, il cherche à nous dire qu’il est vain de se fixer des limites.

Rien n’est vraiment définitif. Alors pourquoi vouloir à tout prix construire ?

La leçon serait : quel que soit le coup du sort, il n’y a rien à craindre ! Plutôt contempler et jouer avec cette puissante roue de la fortune, dans notre vie mi-sérieuse, mi-lunapak.

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Dans Wonder Wheel, ce fameux hasard qui rebat les cartes, ce sont les rencontres fortuites, les méchants qui détournent leur chemin au dernier moment car il n’est plus l’heure, le coup de fil avorté qui scelle un destin…

A noter le brillant travail sur les éclairages. Dans cette maison du parc de loisir, l’appartement haut perché ne semble fait que de grandes fenêtres. Et le réalisateur ne se prive pas de faire des gammes avec la lumière qui le traverse. Rajoutant des contrastes et du rouge flamboyant au fur et à mesure que les esprits s’échauffent. Du grand art.

Et le dérisoire est figuré par le décor de l’île de jeu, Coney Island. Le contraste entre le comique bariolé du lieu et de la foule, et le jeu de grands tragédiens classiques de ces formidables acteurs.

L’incroyable Kate Winslet est ici une femme entre deux âges. Une belle personne que la vie et ses choix n’ont pas gâté. Elle va se prendre en pleine poire, le mur des 40 ans. Une période souvent difficile chez les femmes.

Une sorte de Madame Bovary qui se retrouve en seconde noce avec l’encombrant « James Belushi ». Acteur d’exception lui aussi dans ce film. Ce gros lard, tente de résister difficilement à la boisson et se contente de l’ordinaire. C’est une sorte de force brutale, un sanguin, mais avec du coeur. Il est amoureux de sa femme, qu’il sent bien au dessus de lui.

Kate Winslet, dans ce rôle qui lui va à merveille, est encore dans ses rêves de comédienne. Elle protège son jeune fils pyromane et malade. Elle est devenue serveuse.

Désespérée elle finit par s’accrocher aux premières promesses de bonheur d’un jeune premier. Justin Timberlake !

La fille de « Belushi » fait irruption dans le ménage. La jeune Juno Temple, au charme sage, va compliquer l’affaire au plus haut point. Elle a épousé à 20 ans un grand truand. Sous la pression policière, elle a balancé. Des sbires veulent l’exécuter. Elle se réfugie chez son père. Elle n’est pas la bienvenue.

Timberlake incarne un paisible et involontaire don juan des plages. Quand il rencontre Kate, plus âgée que lui, il est vraiment attiré par elle. C’est sincère et bien joué.

Mais quand passe la charmante Juno, son coeur bat plus vite encore. Son coeur balance un peu, mais il tombe vraiment amoureux et avec encore plus de sincérité.

Les don juan trichent beaucoup moins qu’on ne le croit. Simplement ils sautent d’un anneau quantique au suivant, d’un univers amoureux à un plus grand. Chaque fois avec plus d’énergie. Ce ne sont pas les éternels insatisfaits que l’on voudrait nous faire croire. C’est tout le contraire. Après avoir visité le septième ciel, ils s’attaquent au huitième, puis au neuvième et ainsi de suite. Ce sont d’éternels satisfaits, des perfectionnistes du plaisir et du bonheur.

La scène tout simple où Justin clame son amour à Juno et révèle sa relation avec sa belle-mère Kate est parfaite. On est pendu à ses lèvres. Que va-t-il dire et comment ? Comment va-t-elle réagir ? C’est d’un réalisme confondant et d’une précision inouïe. Bon point pour Timberlake.

Mais le plus gros morceau, c’est Kate Winslet. A chaque instant du film, l’actrice de tout premier plan, est évidemment parfaite.

Elle se prend tous le coups possibles et imaginables, ce qui la mène de l’épuisement au quasi anéantissement, dans ce décor grotesque de Lunapark : « a tale told by an idiot, full of sound and fury, signifying nothing. »

Il y a l’anniversaire tant redouté des 40 ans. Un morceau de choix. Ses tentatives de dissuader sa rivale innocente.

Plus encore, au pinacle, il y a les scènes finales. Quand après avoir commis l’irréparable, elle se retrouve dans une ultime explication avec Justin. Lui a tout compris.

Elle a pris un peu d’alcool, la parole se libère. La situation est désespérée. Pourtant elle s’expose encore, montre ses illusions perdues, se raccroche à trois fois rien. Son visage se décompose. Maladroitement grimée comme une jeune, la fleur à l’oreille, elle montre son visage fané. Là encore on pense à Vivien Leigh.

Scènes bouleversantes, qu’il est indispensable de voir en V.O.

Voir aussi ceci :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Wonder_Wheel_(film)

James Belushi
Juno Temple
Justin Timberlake
Kate Winslet

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