Un film qui relate une affaire criminelle non élucidée, aussi bon soit-il, semble toujours courir après la réalité.
Voir :
Surtout s’il se sent obligé de souligner une piste. Ce qui l’oblige alors à insister pour nous convaincre que son explication est forcément bonne. Cela n’a bien entendu rien d’un débat contradictoire et on se retrouve forcé à suivre le cheminement tout tracé des auteurs. Et je n’aime pas trop être commandé comme cela. On voit cela par exemple dans les multiples scénarios monomaniaques qui prétendent avoir enfin démasqué Jack l’éventreur.
Ici pour ce film sur le tueur en série dit du Zodiaque, bien que clairement orienté, il reste une relative indétermination. Mais ce n’est pas suffisant. Notre apparente liberté de réflexion reste un leurre. Le récit manque de souplesse. Et même s’il se donne la peine d’épouser au plus près les méandres de l’affaire, cela reste toujours en porte à faux avec ce que serait un documentaire. Et puis quand même, au final tout converge quand même dans une seule direction. Mais comment pouvait-on faire autrement que de romancer, il s’agit quand même d’un spectacle.
Et ce qui n’arrange rien, c’est que ces acteurs qui nous sont familiers, vont encore plus parasiter notre jugement. Ils infléchissent d’emblée le regard que l’on pourrait porter sur les vrais protagonistes du drame en apportant le poids de leur notoriété et les limites de leur personnalité.
Ainsi, lorsque le principal suspect, Arthur Leigh Allen, apparaît dans le long métrage, dans la mesure où le visage du comédien ne nous est pas inconnu, on sait déjà qu’il ne doit pas être négligé. C’est un biais manifeste. Et pourtant l’acteur est loin de ressembler au portrait robot.
Idem pour ce gentil dessinateur, Robert Graysmith, qui se mêle des investigations, et dont l’obsession va finir par foutre en l’air sa famille. Ce quidam est forcément amené à faire mieux qu’une ribambelle d’enquêteurs professionnels. Même si cela peut être vrai, c’est forcément amplifié par le nécessaire storytelling et le besoin supposé du public de s’identifier à un héros.
Dans la réalité, ce sera surtout l’auteur d’un livre qui désigne explicitement Arthur Leigh Allen.
Il y a certes des éléments troublants, qu’ils soient liés à sa présence sur certains lieux, à sa personnalité, à son côté explosif et violent, à sa montre Zodiac, au désir de tuer des couples et d’envoyer de lettres après à la presse, dont il a fait part à son ami, à son séjour en prison au moment où on entend plus parler de lui…
A noter cependant que les autorités n’ont retenu aucun argument dans cette direction. Ce ne sont que des éléments « circonstanciels ».
Et l’ADN des lettres du Zodiac ne matche pas avec celle d’Allen. L’expertise graphologique indique aussi qu’Allen n’est pas l’auteur de ces courriers. Et ce ne sont pas les empreintes digitales retrouvées sur le taxi. Le fait qu’il ait été un instituteur est peu compatible avec les fautes d’orthographe basiques qu’il fait. Quoiqu’il ait pu le faire exprès.
Et puis il n’y a pas eu qu’un suspect dans le collimateur. On peut parler ici par exemple de Ross Sullivan, qui porte les mêmes lunettes que sur le portrait robot, qui a le même type de visage, avec des similitudes géographiques, un comportement bizarre, et qui a rédigé un article sur la cryptologie etc. On n’en parle pas trop dans le film.
Plusieurs candidats à cette infâme notoriété, ont même affirmé être le coupable !
La psychologie ou plutôt la psychopathologie du tueur est intrigante. C’est à l’évidence un solitaire qui a peu de contacts sociaux. Son portrait robot n’a mené nulle part, il est donc en retrait. Il y a un flagrant narcissisme primaire dans sa publicité autour de ces meurtres « désintéressés ». Il interprète un rôle en mettant sa capuche noire avec son symbole cible bien visible. Il y a aussi ce goût pour les symboles.
Il n’y a pas de satisfaction sexuelle dans ces meurtres, ce qui est très inhabituel chez les serial killers. Il tire une grande partie de sa plaisir à tout contrôler. Il se croit plus intelligent que les autres. Ce qu’il n’est pas. Il est juste plus efficace mais pour cela il y a surtout une grande part de chance. Son point fort est de choisir ces victimes quasi au hasard, ce qui rend très compliqué l’enquête. Mais c’est le propre des ces tueurs répétitifs.
Contrairement à la pensée commune, la graphologie n’est pas ici d’un grand secours. Il reste bien entendu sa capacité d’attribution des textes à tel et tel, et encore. Mais une méta-analyse a démontré son peu de prédictibilité quant à la psychologie des gens étudiés. On peut lui faire dire tout et son contraire.
Il y a des assertions troublantes qui devraient nous mettre sur la piste psychiatrique : “I like killing people because it is so much fun.” “The police shall never catch me, because I have been too clever for them.” et il revendique de tuer pour que ses victimes soient ses esclaves dans l’au-delà. Et quand il semble cesser, il écrit :“I shall no longer announce to anyone when I comitt my murders, they shall look like routine robberies, killings of anger, & few fake accidents, etc.”Comme s’il craignait qu’on l’oublie.
Il est encore plus caricatural que ces tueurs en série « diaboliques » de cinéma.
Certains des cryptogrammes envoyés à la presse par le tueur ont été déchiffrés, mais pas tous. Sans doute que leur confection, plus que leur contenu, pourrait nous éclairer sur la personnalité et l’éducation du meurtrier. Mais ça, c’est une autre histoire.
D’après les experts, dans ce domaine c’est un amateur. La Z 408 a été résolue par un couple non expert. Les suivantes se sont donc complexifiées. Des lettres sont transcodées et d’autres restent en l’état. Des séquences sans signification sont introduite dans le texte. Des doubles lettres comme les L dans kiLL sont données avec deux différentes lettres. Il est introduit des fausses répétitions de lettre. Et il fait même de grosses fautes d’orthographes, sans doute involontaires, y compris dans ses écrits en clair. Dans le Z 408 PARADISE devient PARADICE -. Ce qui pose la question de sa pratique de l’anglais. Bac moins quelque chose ? Étranger ? Et quand il donne une séquence du genre «mon nom est *** » – certains voient dans le nom donné une farce (AEN sont les initiales d’un personnage du journal satyrique MAD)
Bref ce n’est plus un code transmissible à qui en a la clef, mais cela devient un peu n’importe quoi. C’est juste de l’embrouille délibérée, pas de la cryptographie. Pas étonnant que des logiciels intelligents ne s’en sortent pas.
https://www.history.com/news/the-zodiac-ciphers-what-we-know
https://www.aclweb.org/anthology/P11-1025.pdf
Le travail du réalisateur David Fincher a été apprécié par la critique. Pourtant c’est à la fois long (156 minutes!) et laborieux. Et franchement même avec de la bonne volonté, on s’y perd. Fincher me semble bien plus convaincant dans Fight Club ou Panic Room
Je n’ai pas été convaincu non plus par les prestations de Jake Gyllenhaal, Mark Ruffalo ou Robert Downey Jr.
En attendant la solution à cette énigme, prenez soin de vous. Pour cela, vous pouvez repérer le danger en vous basant sur la triade Macdonald (triade du sociopathe) : sévices aux animaux – énurésie – pyromanie. A moins que vous ne préfériez ce qu’on appelle les signes du Zodiaque : charisme et tendance à embobiner l’entourage – absence d’empathie. Ou bien éloignez-vous des Poissons, qui prédominent dans cette engeance. Mince, c’est mon signe astrologique !
https://fr.wikipedia.org/wiki/Zodiac_(film)
Jake Gyllenhaal
Mark Ruffalo
Robert Downey Jr.