Barton Fink (1991) 8/10 tueur en série, réel et fiction.

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Les frères Coen sont des réalisateurs efficaces, qui nous ont souvent donné de très bons films.

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Le scénario de Barton Fink est un jeu. Il est largement basé sur les sollicitations perverses qu’on peut faire en maniant habilement le sentiment de culpabilité.

  • Si celui ci n’est pas vraiment justifié, alors on y rajoute les tourments mentaux occasionnés par l’injustice. Et bien entendu la sexualité et la morts ne sont jamais bien loin.

Cette introspection dévastatrice, cette douleur exquise, sont des choses qui nous parlent, car elles sont vissées en nous depuis des millénaires, de part nos racines judéo-chrétiennes. D’ailleurs dans ce film des juifs est des anti-sémites s’affrontent.

  • Mais cette prime à la culpabilité/repentance est sans doute plus universelle que cela, car d’autres civilisations n’en sont pas exemptes. On le retrouve par exemple chez les Nippons.

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Un jeune écrivain de théâtre, Barton Fink, connaît son premier grand succès à New-York. Il est interprété par John Turturro. Il a des états d’âme et considère qu’il peut toujours mieux faire. C’est son “devoir”.

Son entourage le presse d’accepter une proposition très lucrative des studios hollywoodiens. Bien qu’il ait le sentiment de vendre son âme au diable, cette faible personnalité cède à ces énormes pressions.

Arrivé sur place, il crèche dans un de ces grands hôtels en déclin. C’est assez délabré et peu engageant. Pourtant il choisit volontairement d’y rester, pensant qu’il sera davantage au calme, que dans l’établissement de luxe que le studio lui propose.

Et là, il déchante. Le producteur est un gros lourd qui n’a rien à faire d’un scénario élitiste. Il table juste sur le nom de Fink, la dernière coqueluche. Pour le film de boxe/catch qu’il envisage, il lui faut de l’action avec un bon et un méchant. Il pourra tout juste y rajouter un vague contexte émouvant, en ce qui concerne le gentil caractère. Point barre !

Mais les autres professionnels des studios ne sont pas mieux. On sent le besoin de retour sur investissement, quel que soit la soupe qu’on vend au spectateur.

On est aux antipodes de la vision à la fois intellectuelle et naïve de Fink. Et donc c’est la panne sèche. Il ne voit pas comment écrire une ligne de cela.

Dans les studios, il tombe nez à nez sur un grand écrivain William Mayhew (John Mahoney). Il en est bouleversé. Mais il va se rendre compte rapidement que celui-ci est devenu un alcoolique désabusé. Il boit, dit-il, pour faire une digue à ce torrent de purin hollywoodien. Il est fini. C’est sa compagne d’ailleurs qui termine ses scénarios.

Fink est totalement déboussolé. Il ne trouve ni en lui, ni dans son entourage, les ressources pour sortir la tête de l’eau. Il s’attache au premier venu, en la personne de ce voyageur de commerce obèse qui est son voisin de palier. Notre pépère bonhomme est joué par le sympathique John Goodman. Comment ne pas faire confiance à ce bon gros, qui semble lui aussi sujets aux émotions ?

Désespéré, Barton va demander conseil à la maîtresse de l’écrivain célèbre à la dérive. Celle-ci est humiliée et même battue par son gars, bourré en permanence. Elle n’a pas de mal à rejoindre le scénariste en herbe. Elle lui donne les lignes générales de ce qu’il doit écrire. Mais cela se résume en trois lignes. Par contre elle lui administre ce dont il a réellement besoin. Il s’agit de contrer d’urgence son état de panique devant la feuille blanche et sa chute vertigineuse dans sa propre estime.

Ils couchent donc ensemble. Et au petit matin alors que tout semble paisible, il découvre la belle assassinée sauvagement dans son lit ! Il ne sait plus au juste ce qu’il a fait ou n’a pas fait cette nuit. Mais il a la conviction qu’il ne peut pas avoir fait cette boucherie innommable.

Il pense à avertir la police immédiatement. Mais Goodman, à qui il a demandé conseil, l’en dissuade. En bon copain, son ami massif fait même disparaître le cadavre.

On est là dans un véritable cauchemar. Surtout avec ce matelas largement souillé de sang. Vu à hauteur de spectateur, la descente infernale touche au but.

  • A noter que la chambre se dégrade mystérieusement au fur et à mesure que s’enfonce le pauvre Turturro.

Curieusement, ce « réel » donne un coup de fouet à l’écrivain. Il passe toute une nuit à faire enfin le scénario qu’on lui demande. Il a même l’impression que c’est un de ses meilleurs textes.

Le producteur sera pourtant très mécontent. C’est trop intello et pas du tout « vendeur ». Il lui fera savoir vertement. Les Béotiens écrabouillent tout ce qui a de bon chez ces créateurs. Turturro sera même enfermé pendant des années dans son contrat, en n’ayant plus le droit d’écrire quoi que ce soit. C’est une castration assez définitive. Sans compter l’épée de Damoclès de l’affaire criminelle, qu’on va bien entendu chercher à résoudre, et pour laquelle il reste très exposé.

En effet des flics vont l’interroger. Il est sur le grill.

Et voilà le coup de grâce, le bon gros est en fait un tueur en série. Il a laissé des cadavres partout. Il a coutume de les décapiter et on ne retrouve pas leur tête. Les policiers ne se gênent pas pour suggérer que Fink pourrait être son complice.

Goodman a laissé un lourd cadeau bien enveloppé. Cette boite pourrait contenir une tête. On nous le suggère fortement. Il ne l’a pas ouverte. On l’interroge dessus, il répond évasivement.

Goodman revient de son pas lourd. Il assassine maintenant les deux flics et met le feu à l’étage. Cela devient littéralement un enfer. Le meurtrier fou périt dans les flammes. On est dans un étrange sacrifice esthétique.

Le dernier plan nous montre un Barton qui se repose sur la plage. Il a l’énigmatique colis avec lui, toujours fermée.

Une jolie femme passe à côté et l’interroge. Sans réponse, elle s’accroupit face à la mer. Et ce plan correspond exactement à une photo qui était dans la chambre d’hôtel. Ce qui fait basculer le film dans l’irréel. Désormais, il n’est plus nécessaire de se demander ce qu’il adviendra de Barton.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Barton_Fink
John Turturro
John Goodman
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