Burn after reading (2008) 7.5/10 frères Coen

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Les frères Coen sont une valeur sûre. Tout ce qu’ils touchent désormais se transforment en or. Autant pour eux que pour nous.

Le miracle est encore plus éclatant depuis qu’ils ont renoncé à une certaine ultra-violence dans leurs scénarios.

On a déjà connu des films parodiques d’espionnage. En particulier ceux qui mettent en scène des quidams perdus dans des histoires qui les dépassent. Avec tous les quiproquos habituels qui en découlent.

Mais ici ce n’est pas juste un prétexte comique. C’est une comédie de mœurs habilement déguisée en farce, avec de nombreux portraits percutants.

Pour parfaire le scénario, les réalisateurs ont mis de nombreux jalons. Et rien n’est laissé au hasard. Cela fourmille d’inventions.

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Des idiots ordinaires travaillent dans une salle de sport. Ils tombent sur un cd plein de chiffres et renseignements nominatifs troublants. A première vue cela s’apparente à des données importantes sur un vaste réseau d’espions américains au service de l’état.

Il y a trois personnages clef dans ce complexe sportif. Ce sont de simples employés aux capacités très modestes.

Frances McDormand incarne une femme entre deux âges, qui cherche à rencontrer des hommes par le biais des sites spécialisés. C’est très actuel. Elle s’inquiète de son aspect physique. Le devis que lui présente le chirurgien esthétique est lourd. C’est un personnage réaliste qui est habilement campé.

Elle est très simple. Elle dit toutes les banalités qui lui passent par la tête. De la «sagesse » populaire bon marché qui trouve écho chez les gens comme elle. Et quand elle va comprendre que le cd pourrait rapporter de l’argent, elle va tenter d’utiliser les vagues souvenirs de cinéma de ce que pourrait être un espion. Elle va emprunter à ce folklore inapproprié. L’actrice tient parfaitement son rôle, c’est un régal.

Brad Pitt est un coach très commun, qui va accompagner Frances dans ses démarches. D’abord dans les tentatives de chantage, où il joue (très mal) à l’affranchi. Puis dans une expédition à l’ambassade de Russie où ce ne sera pas mieux. Il joue aux limites de l’imbécillité. C’est franchement une prestation excellente. Le contraste entre ce qu’on sait de l’acteur et sa capacité à descendre en toute crédibilité à ce bas niveau est impressionnant. Un numéro d’artiste. Le scénario n’hésitera pas à le sacrifier.

Richard Jenkins joue très bien le troisième de l’équipe. Un vieux soupirant secret de Frances, qui décidément n’est pas un « lion ». Il s’embarque là dedans à cœur défendant. Cela ne se terminera pas bien non plus pour ce looser maladroit. Là encore on assiste à une descente vertigineuse dans son interprétation, en considérant ce que l’on sait de la brillante carrière de cet artiste talentueux.

Les compères tentent de monnayer la restitution des données auprès du véritable espion qui est à la source des ces informations. Lequel ne va pas se laisser faire.

  • Lui, c’est John Malkovich. Son interprétation volontairement en mode mineur, est également en porte à faux avec ce qu’on connaît de lui.
  • Il vient de se faire lourder de la CIA pour un problème d’alcool. De plus, c’est un électron libre mal vu. Il vaut moins qu’il ne le croit. Il n’est pas content. Désœuvré, il entreprend la rédaction de ses mémoires. Pas grand-chose de très compromettant a priori. Les chiffres sur le disque ne sont que ceux de ses comptes bancaires.

Sa femme est une véritable peste. Elle ne fait pas de cadeau. Elle cherche à divorcer dans les meilleures conditions. Elle est très justement interprétée par l’agaçante Tilda Swinton. On ne pouvait imaginer mieux pour jouer la femme calculatrice et sans cœur.

Son avocat, roué et mielleux à souhait, lui a conseillé de faire l’état de des biens de son mari, avant de déclencher l’artillerie. Un beau rôle qui semble proche des réalités de ce métier d’affaire. Tout cela se retrouve sur le cd. Lequel glisse malencontreusement du sac de sport de la secrétaire de l’avocat, dans les vestiaires de la salle de gym.

Tilda a un amant, George Clooney. Lequel nous donne une incroyable interprétation d’un mec superficiel, m’as-tu vu et qui collectionne les rencontres. Cet ex-garde du corps, raconte à toutes ces femmes ce qu’elles ont envie d’entendre. Il n’est pas très malin non plus. Une sorte beau mec égoïste qui se croit mieux que les autres et qui n’a pas grand-chose à proposer. Il est trop speed, et ne pense qu’au footing et au sexe. On peut être amené à connaître des gens comme cela. C’est très bien calibré et là aussi avec un savant dégradé par rapport à ce qu’on sait du comédien.

La CIA qui surveille tout ce petit monde est totalement perdue. On ne peut en effet rien comprendre. Elle tente de réparer les pots cassés. Elle dissimule les cadavres laissés par ces amateurs. Et au final, elle finira par payer la facture de la chirurgie esthétique de notre héroïne.

La grande qualité de ce film tient dans tous ces bons portraits de caractères bien connus dans nos sociétés superficielles. Ils sont remarquablement servis par des acteurs qui osent le grand écart. Les figures intemporelles qui sont épinglées, sont celles chez lesquelles dominent l’égoïsme, le paraître, le mensonge et l’hypocrisie. On dirait du La Bruyère.

En plus ce traitement intelligent de la connerie est franchement drôle. Et ceci d’autant plus qu’il se pourrait bien qu’on rie aussi un peu de nous-même.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Burn_After_Reading

George Clooney
Brad Pitt
Frances McDormand
John Malkovich

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