Code 7500 (2019) 7.5/10

Temps de lecture : 4 minutes

Un vrai film, mais cela pourrait être aussi considéré comme un documentaire totalement immersif.

On est vraiment dans l’action de ce raid terroriste, qui a lieu dans un avion de ligne.

Lorsqu’on démarre le long métrage, on est forcément un peu au courant du sujet. Mais la finesse consiste à nous surprendre, quand bien même les auteurs ont laissé pas mal d’indices. Ce n’est pas pour autant une banale devinette, c’est plutôt un rappel constant du réel (supposé), avec un sérieux devoir de vigilance à la clef. Et là nous aussi nous sommes sur nos gardes, en permanence. On se prend au jeu, et on finit par croire qu’on a intérêt à ne rien laisser passer, il en va de notre survie…

Autre performance, il s’agit des « minutes » de cette prise d’otages, dans leur tentative extrême de se faire ouvrir le cockpit pour accéder au commandement. C’est donc en direct (ou presque), il n’y a pas de dérivatifs ou d’échappatoires. La force brute n’a pas tellement d’importance. Et on partage « naturellement » toute la tension et tout le questionnement. Vraiment un excellent travail.

Tout le monde est incroyablement concentré et nous aussi. Les enjeux cornéliens ne sont pas ici du théâtre, mais quelque chose qui a à voir avec une situation bien réelle.

On nous met le deal infernal dans nos esprits. Ouvrir ou ne pas ouvrir aux terroristes, et leur donner ainsi les commandes de l’avion, là est la question. On a peu de temps pour se décider.

Pour les autorités c’est clair, l’accès est formellement interdit. Quoiqu’il en coûte. Et c’est bien qu’il y ait une règle ferme, une ligne rouge. Les autorités ont soupesé le pour et le contre, à froid. Elles déchargent ainsi le commandant de bord d’un immense poids moral. Si l’on égorge un otage avec un tesson de bouteille, c’est affreux, inhumain, mais ce n’est pas de la faute de celui qui avait consigne impérieuse de ne pas déverrouiller la porte.

En coupant provisoirement l’écran de contrôle, on échappe à l’horreur en se réfugiant dans l’abstraction du règlement.

Mais tout est remis en cause quand on menace de zigouiller l’hôtesse de l’air, qui est aussi la femme du pilote et la mère de leur enfant. Cette question devient effroyablement concrète.

Il y a bien entendu des gros plans, puisque cela se passe principalement dans le cockpit. Mais comme pour le pilote lui-même, tout est sujet à interprétation puisque cela passe en grande partie à travers du champ étroit de vision d’une modeste caméra. Elle nous montre juste une petite partie de ce qui se passe juste derrière la porte de séparation d’avec le reste de l’avion. Et les fous d’Allah tambourinent en permanence la porte et font monter l’énervement. Eux ils ont tout à gagner – selon leurs critères – s’ils meurent « en service », l’arme au poing, ils iront dans leur paradis.

L’arrivée des terroristes à l’aéroport était toute aussi parcellaire et discrète. A nous de deviner dans ces vidéos « live » qui est qui ? On fait là un travail de police, en redoutant le délit de sale gueule tout autant que celui de naïveté. Bien vu.

Il n’est pas question d’héroïsme là dedans, en tout cas pas dans le sens hollywoodien du terme. Le courage est réel mais il consiste à réussir à ne pas se laisser aller, alors que tout s’effondre. C’est a priori plus ordinaire, mais en fait c’est un effort suprême et qui est bien plus compliqué qu’il n’y paraît. Notre tendance naturelle, dans ces catastrophes qui nous semblent insurmontables, c’est de mettre la tête dans le sable et de ne rien faire en priant que tout s’arrange… tout seul.

J’ai juste un bémol. Je ne crois pas trop à la force de l’attaque psychologique du valeureux pilote envers le le plus jeune terroriste qui n’a que 18 ans. Lequel de plus ne joue pas si bien.

Cela m’étonnerait vraiment qu’après un tel endoctrinement, il suffise de quelques mots civilisés (+ l’imminence d’un crash) pour le retourner et l’amener à tuer son complice. Cela dit la situation s’inverse après et donc on peut mettre ces revirements successifs sur le compte d’une jeunesse tourmentée. Mais cela pèche quand même.

Joseph Gordon Levitt joue très bien ce rôle de gentil en demi-teintes et qui est sur le point de faire basculer diamétralement son caractère.

Mais la plupart des autres acteurs sont également très crédibles. Mention spéciale pour les terroristes, bien que cela puisse paraître paradoxal qu’on les applaudissent !

La répétition en boucle de l’argumentaire auto-rassurant de l’islamiste principal, alors qu’il est en capacité de faire crasher l’avion, comporte un infime soupçon de doutes. Pas dans les termes, mais juste avec ce qu’il faut d’inquiétude dans le regard et dans ces appels impérieux, de dernières secondes, à ce que son jeune comparse vienne s’asseoir à ses côtés. C’est sans doute là, encore au fond de lui, un minuscule atome de conscience. Au point ultime, les kamikazes doivent quand même se demander s’ils ne font pas une immense connerie.


Bravo au réalisateur Patrick Vollrath d’avoir su remettre en cause la mécanique déterministe de ces films antérieurs cocardiers à gros budgets. Il a vraiment su insuffler tellement de réalisme là dedans, sans se compromettre dans les excès émotifs faciles. L’angoisse et la tension sont juste au niveau qu’il faut, avec encore un petit interstice pour la réflexion et la prise de décision.

On sent également la liberté créative des acteurs. Et le tout fonctionne à 200 %. Les uns et les autres ont du avoir le grand frisson ce faisant. Celui de faire quelque chose de nouveau et d’utile. Dommage que les critiques et peut être le public, n’aient pas pleinement apprécié.

On rêve qu’avec cette méthode, et quelques ajustements scénaristiques, il revisite pas mal d’autres pans si convenus du cinéma.

  • Joseph Gordon-Levitt as First Officer Tobias Ellis
  • Omid Memar as Vedat
  • Aylin Tezel as Gökce
  • Carlo Kitzlinger as Captain Michael Lutzmann
  • Murathan Muslu as Kinan
  • Paul Wollin as Daniel
  • Aurélie Thépaut as Nathalie
Envoi
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