Un petit blanc est au chômage et en probation. Il vit chez sa vieille mère impotente.
Physiquement, il se laisse aller.
Mentalement, ce solitaire de 35 ans, est constamment frustré et en colère.
Il passe son temps à mater des sites porno.
Il est foncièrement misogyne. Et quand il tente d’aborder une femme, il est très maladroit. Il se plante à chaque fois. Il est à côté de la plaque, empêtré dans son imaginaire fumeux.
Il a besoin d’amour. Et quand il croit l’avoir rencontré, il ne comprend pas que c’est une quiproquos.
Pourtant, au fond c’est vraiment à quoi il aspire. D’ailleurs après sa seule « union », on le voit enfin apaisé et réjoui. C’est la vidéo finale.
De fil en aiguille, alors qu’il cherche du boulot, il se fourvoie dans des scénettes porno. Il y tient un rôle peu glorieux, sans comprendre qu’on le méprise, là aussi.
Il est fasciné par les réseaux nationalistes de l’ultra-droite raciste. Dans ce folklore américain, avec ces drapeaux, ces uniformes, il a le sentiment d’exister, d’être quelqu’un. Sur les traces de son père.
Il partage les haines et les préjugés basiques d’America first, dans des vidéos en ligne.
Il faut dire que dans cette immense toile, il y a forcément statistiquement quelques brebis égarées du même type pour former un troupeau. Pour eux, quelques clics suffisent à valider la doxa la plus fumeuse.
C’est une nouvelle fonction communautaire des réseaux sociaux qui peut s’avérer très dangereuse.
Il est fondamentalement raciste bien qu’il prétende le contraire. Au sens qu’il pense que son déclassement, le met à la merci d’« autres », qui seraient par nature inférieurs à lui.
Il considère que c’est un profond affront, que d’être amener à faire du balayage dans un petit magasin tenu par des étrangers basanés.
Il croit qu’en virant tous ces étrangers, il retrouvera la place qu’il pense mériter.
Une sorte de conviction profonde de faire partie de la race des seigneurs, qui s’affranchit de toute méritocratie. Cette illusion devient une planche de salut pour ces quidams à la dérive.
Les brigands les plus tordus savent très bien manipuler à leur profit ces perdants.
En entretenant ces mensonges, dans toutes les époques, on a attisé la haine des médiocres. Le troupeau transformé en meute, parvient facilement à enfreindre toutes les règles, et à contribuer au pire. C’est bien montré ici.
Et « tout naturellement », notre « héro »va basculer.
C’est assez pervers dans ce film. Car, comme il se prend tant de coups, on finit par avoir presque pitié de lui. On en vient à le « comprendre » !
Le film fourmille d’idées. Le scénario surprend souvent par son intensité et son réalisme. Mine de rien, il nous fait entrer dans la peau d’un personnage armé peu recommandable. Une figure qui a une profonde signification dans les faits divers américains.
Ce n’est pas un film facile. C’est un film qui sonne et interroge.
L’acteur Zachary Ray Sherman est parfait dans ce rôle principal. Car à l’origine, c’est un peu monsieur tout le monde. En partant de cette base, en montrant la progression, cela permet d’échapper aux caricatures du genre. C’est étonnant comme cet acteur, ex jeune premier, incarne à merveille ce gars flasque et bedonnant.
Le concept intriguant et contre-intuitif de « banalité du mal », que l’on doit à la philosophe Hannah Arendt, peut reprendre ici du service.
En regardant ce film, on pense immédiatement à Taxi driver de Scorsese. La même descente aux enfers, progressive et inéluctable. Un personnage central, solitaire, décalé et violent et tout aussi à côté de la plaque. L’intrication avec la politique etc. Tout ou presque est là. Il y a même des scènes hommages qui semblent directement inspirées.
- Le mot “cuck” a plusieurs sens. Mais c’est avant tout le diminutif de “cuckold”. C’est le mari minable dans les clips porno qui en est réduit à regarder la femme en train de se faire prendre par un « vrai » homme, selon les canons du genre.
https://en.wikipedia.org/wiki/Cuck_(film)
- Zachary Ray Sherman as Ronnie Palicki
- Sally Kirkland as Mother
- Timothy V. Murphy as Bill
- David Diaan as Abbas