De bruit et de fureur (1988) 7/10 Brisseau

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Le réalisateur Jean-Claude Brisseau a sans doute de bonne raison d’en vouloir au monde entier.

J’ai rarement vu un film aussi noir, sur un de ces Territoires perdus de la République.

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Cela se passe dans les années 80 et pourtant la description des ces phénomènes de bande semble étrangement actuelle. A ceci près que le moteur premier de la délinquance de cette banlieue morose n’est pas la drogue comme maintenant, mais le vol et le viol.

Fort heureusement, il n’y a pas ici la tarte à la crème de l’explication sociologique. Par contre on insiste beaucoup, et sans doute à juste titre, sur le rôle pathogène de certaines familles.

Un clan est dirigé d’une main de fer par Bruno Cremer. C’est étonnant de voir cet ex commissaire Maigret si à l’aise de l’autre côté de la barrière. Surtout qu’ici le trait est épais. Notre gaillard bedonnant organise la rapine de petits groupes de jeunes. Il prend sa part au passage.

Quoique séjournant dans une tour bas de gamme, il vit bien. Il fait des cartons au fusil dans son petit appartement. Son credo est clairement anarcho-nihiliste. Comme la vie se termine de toute façon dans le trou noir, autant ne pas la passer en esclave.

Le tyrannique Bruno a deux fils.

L’aîné qui tourne mal, selon son père, dans la mesure où ce jeune monsieur cherche à travailler honnêtement. Le patriarche fera tout pour l’en dissuader. Il va tenter de le détourner de cette jeune femme journaliste BCBG à la « mauvaise » influence notable. On est en plein paradoxe.

Le cadet est un collégien totalement en rupture. Ce délinquant tiraillé de toutes parts, est bien interprété par François Négret, un acteur intéressant.

Dans sa manière d’être, il est inspiré par son père. Il en rajoute même, pensant lui faire plaisir. Mais c’est le mal-aimé.

A l’école, il est totalement en dissidence. Il vient quand il veut. Il répond vertement. Ne voulant pas obéir à sa prof, il va jusqu’à la plaquer au sol. Bien que la direction soit informée, elle ne veut pas de vague et cherche à étouffer l’affaire. Cette démission du système est elle aussi étrangement contemporaine.

Cherchant à se faire accepter par une bande, il n’hésite pas à faire les pires exactions. Il finira même par tuer à deux reprises.

En même temps, il prend sous son aile un autre jeune qui vient d’arriver dans sa classe. Un beau rôle que tient bien le tout jeune Vincent Gasperitsch.

Ce dernier est un gamin livré à lui-même. Sa mère n’est jamais là et elle ne communique avec lui que par des consignes laissées ici ou là. A priori cet élève est plutôt sage. Le sentant en danger, une enseignante, bien interprétée par Fabienne Babe, le prend sous son aile. Il fait des progrès. Il est récupérable.

Mais il se laissera aussi entraîner par le mauvais garçon. C’est le grisant apprentissage de la vie, dans la rue. Vol de mobylette, spectacle d’extorsion ou de viols. Il n’est pas vraiment partie prenante, il observe juste le plus souvent. Il va découvrir la famille Crémer avec toute sa violence.

Il est plutôt poète dans l’âme et attaché à son petit serin jaune. Et quand son oiseau disparaîtra, son univers s’écroulera.

C’est un film où les forces qui s’expriment sont d’une rare brutalité. Cette hyper-concentration de barbarie, n’est sans doute pas tout à fait naturelle. Quoique Brisseau prétende qu’on est encore très en dessous de la réalité ! Mais ce côté démonstratif sert l’impact du propos.

Bien qu’on sente que le salut doive être quelque part plutôt du côté de l’éducation, l’auteur qui a été enseignant lui-même, ne nous fait pourtant pas lourdement la leçon.

Il semble lui aussi partagé entre ces deux mondes. D’un côté la violence abjecte mais qui donne l’impression d’une liberté sans limite et de l’autre le long chemin de la sociabilisation classique avec une certaine soumission. En tout cas, il semble voir les choses comme ça.

Il nous a quitté en toute discrétion en 2019, juste accompagné par tout le mépris dont sont capables les sinistres Thénardier du cinéma français. Dont pas mal de ces imbéciles pétris de moraline, imbus de leur personne, qui nous infligent leur pitoyable cérémonie des Césars (confer 2021).

https://fr.wikipedia.org/wiki/De_bruit_et_de_fureur

Vincent Gasperitsch
François Négret
Bruno Cremer

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