Des roses pour le procureur. Nazis – Film Avis. Ingrid van Bergen – Résumé (1959) 8/10

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Un film allemand de qualité, qui se paye le luxe, de faire passer en douceur, de manière romanesque, un sujet on ne peut plus sérieux. Ce serait basé sur une histoire vraie.

Dès 1959, il aborde de front, le problème des nazis recyclés dans la nouvelle administration.

Il le fait élégamment, par le biais d’une curieuse anecdote, qui finit par devenir un drame généralisé. Il traite cela, de manière objective, sans concession, mais avec une approche pas mal dédramatisée. Presque une comédie.

Ce récit méticuleux et bien orchestré, n’a jamais besoin de cette haine, qui caractérise tant de scénarios à charge. La démonstration n’en n’est que plus lumineuse.

Il s’agit en somme, d’un récit pas pénible du tout, sur la « banalité du mal ». Principe philosophique qu’Hannah Arendt n’abordera qu’après, lors du procès Eichmann, en 1963.

Cette subtilité est rendu possible par la densité psychologique des personnages. Certains suscitent de la sympathie, d’autres moins.

Mais tout se tient et l’on peut facilement s’identifier aux uns comme aux autres.

– Soit qu’on revive l’histoire de ce petit soldat du Reich, qui a été condamné à mort pour le vol de 2 boites de chocolat. De rations « honteusement » soustraites aux « courageux » pilotes de la Luftwaffe, vers la fin de la guerre.

Il s’est sauvé de justesse, mais a gardé en poche, la sentence de mort signée par le procureur.

Un acteur sympathique (Walter Giller), qui dans le film, ne cherche pas d’histoire. Il veut plutôt faire rire en exhibant ce papier, qui fait de lui un mort en sursis. Un argument de bateleur qui veut s’attirer la sympathie des clients. Plusieurs fois, cela lui a servi à ce qu’on lui paye à table un bon Schweinehaxen.

Il n’est pas dévoré par l’esprit de revanche ou de quelconques ambitions. Il n’aspire qu’à exercer son petit métier de camelot. Il ne souhaite que de se rapprocher de son ex. Mais comme tout ne se passe pas comme il le veut…

– Aussi curieux que cela paraisse on peut se figurer aussi, dans la peau de ce procureur madré (Martin Held). Bien entendu, pas lorsqu’en tant qu’officier supérieur, il a signé cet arrêt fatal « chocolat ». Surtout après cette « belle » plaidoirie nationaliste, où il s’est fait plaisir. Pas non plus, comme individu retors qui protège les anciens compagnons nazis – il recevra des roses pour cela. Ni comme père à principes rigides, ni comme mari tyrannique…

Mais comme vous et moi, qui pouvons un jour ou l’autre, être amené à tenter d’esquiver nos responsabilités, en flirtant avec les limites possibles, en déployant toute notre intelligence à tenter de nous préserver. Une sorte de « comme tout le monde », « pas mieux que les autres », des mauvais jours.

Plusieurs compagnons de table du vendeur ambulant, sont outrés de l’attitude du procureur, lorsqu’il cherche à faire virer le sursitaire de la ville, par tous les moyens. Mais chacun en tirera finalement une conclusion différente. Le plus combatif rédigera un texte de dénonciation, mais il calera devant la boite aux lettres. Le plus renard cherchera a en tirer parti pour faire un mini chantage au magistrat. D’autres ne dépasseront pas le stade des mots de table.

Il y a aussi une « banalité du mal » dans l’inaction. C’est d’ailleurs cette inertie de la masse qui permet aux plus dangereux de progresser.

La belle jeune femme (Ingrid van Bergen)(*), qui a été la compagne du jeune homme, a depuis, cherché à s’en sortir. Elle a désormais un petit bar prospère. Lorsque le vendeur est de retour, elle ne voit en lui qu’une sorte de paresseux frivole. Mais progressivement, ces deux là se rapprochent à nouveau. La poésie lumineuse du jeune homme, sa détermination silencieuse, son recul, feront qu’il regagnera presque sans le vouloir le cœur de la belle. C’est une belle intrigue dans l’intrigue. Le dernier plan est émouvant.

Dans ces rencontres du peuple des rues, il y a aussi une chaude ambiance de type « la belle équipe ». De « belles personnes » solidaires et souriantes, mais qui se trouvent être le plus souvent d’origine humble.

Et au final, les « grands gagnent-ils toujours contre les petits » ? Une deuxième histoire de vol de deux boites de chocolat de la même marque, nous le dira.

C’est à l’opposé de ce mélange de mièvrerie, de pathos et de facilités, qu’on rencontre souvent dans les films de cette époque. Comme quoi il n’est ni besoin de hurler, ni de faire pleurer exagérément, pour faire avancer les bonnes causes.

Les relations sont adultes. Les Allemands (re)constructifs se retrouvent dans les deux camps.

Le rythme est excellent. Il y a plusieurs histoires savamment imbriquées. Et tout se tient parfaitement. De petites choses se propagent insidieusement et s’amplifient, ce qui donne une gradation habile. Pourtant l’exposé n’est ni univoque, ni déterminé à l’avance. Le scénario est inventif, y compris dans son versant affectif.

On a coutume de parler de la précision allemande. Mais il faut bien dire qu’elle est ici au rendez-vous.

(*) Ingrid van Bergen, mariée 4 fois et pas si douce qu’elle en a l’air. Elle a fait de la prison pour avoir assassiné un de ses maris en 1977. Méfiez-vous des blondes.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Des_roses_pour_le_procureur

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