Downton Abbey (2019) 7.5/10 film

Temps de lecture : 4 minutes

Préambule : une nouvelle série “a new era” est prévue pour 2022.

Dieu est monarchiste, qui peut en douter ? C’est dit avec humour, dans une circonstance particulière de ce film. Mais croit-on encore de nos jours, en ce dieu interventionniste et un peu trop politisé ?

Dans cette grande pyramide sociétale britannique, même dans les années 20, tout le monde est encore à sa place.

Quelle satisfaction que ce monde ordonné où tout s’emboîte parfaitement.

Et si c’était ce que l’on souhaitait au fond de nous même, pour nous, notre famille et cette bouillonnante société.

Que c’est reposant quand chacun à un rôle prédéterminé pour ainsi dire dès la naissance. Surtout si l’on prend soin d’aménager ces petites marges de manœuvre qui permettent de mieux s’ajuster les uns aux autres… et qu’on est plutôt en haut.

La série veut nous démontrer que même un roturier – qui plus est un républicain irlandais – peut remplacer une pièce manquante, quelque part là haut vers le sommet. Un premier alibi ?

Et même l’homosexualité, lourdement pénalisée alors, peut trouver un petit coin dans l’édifice.

On pourrait donc y montrer une certaine tolérance. Je vous l’accorde c’est contre intuitif. Mais ces petits accommodements ne sont là que pour confirmer la règle (*)

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Ne boudons pas notre plaisir de retrouver ce conte pour adultes. On suit avec intérêt cette fascinante famille et ceux qui les servent. Pour ceux qui ont fréquenté la longue série – plusieurs saisons – les personnages leur sont très familiers.

– On y voit ceux d’en haut avec leurs intrigues complexes. Leurs destinés tumultueuses se tiennent malgré les innombrables évènements qui ont servi à maintenir l’attention du spectateur pendant tant d’années.

– On y voit ceux d’en bas, cette domesticité tout aussi ordonnée et qui n’a rien à envier question péripétie de toutes sortes.

C’est totalement incroyable que ces aventures soient restées cohérentes et plausibles, malgré tout ce remue-ménage. Peu de récurrences télévisuelles ont su maîtriser cela et éviter l’embrouillamini généralisé. Certains en sont même venus à ressusciter les morts. Et je ne parle pas là des telenovelas basiques, mais du haut du panier.

Et donc, quand il a fallu transformer cela en film, les scénaristes ont été confrontés à un sérieux casse-tête. Que faire de plus, d’encore meilleur, de définitif, sans foutre en l’air toute la construction.

Eurêka ! Ces gros malins ont trouvé. On va faire venir la famille royale pour une étape d’un jour dans le domaine ! Et en effet c’est du lourd. Comment font-ils après tant d’épisodes, sur ce gros coup de poker, pour garder une telle cohérence, malgré de nouveaux rebondissements spectaculaires ?

Et les auteurs ont su se montrer honnêtes. Ils ont évité le piège du remplissage classique avec une trop lente réintroduction des personnages. « Regardez, ils sont là on vous les remontre les uns après les autres ! ». Et ainsi, sans se fatiguer, déjà la moitié du film est bouclée ! Tant de mauvais passages de la télévision au film éponyme ont donné dans ce pitoyable truc là. Non, ici on fait dans la sobriété ; priorité aux idées.

Il est logique que je n’entre pas dans les détails, que je ne déflore pas l’histoire et les sous-histoires. A vous de découvrir cela, c’est bien le principe du genre.

Je ne parlerai que d’une scène particulièrement bien conçue et bien réalisée, qui à le mérite de surcroit de montrer cette belle qualité visuelle de la prise de vue. Qualité constante tout au long de l’histoire.

Il s’agit du moment ou la très grande actrice Maggie Smith, bien âgée déjà (84 ans!), tire sa révérence en tant qu’éminence grise du clan. Dans ce système, les hommes semblent gouverner mais ce sont les femmes de tête qui tirent les ficelles et montrent le cap. Et au dessus de toutes et de tous, il y a la vénérable Comtesse douairière de Grantham.

Cette femme de poigne a montré toute sa détermination et toute sa fougue, dans une affaire dont elle a eu à s’occuper. Elle est toujours aussi réactive et aussi incisive. Mais suite à une visite médicale elle sait qu’elle va devoir passer la main. Elle communique alors avec Michelle Dockery (37 ans), qui incarne sa petite-fille. Ils forment un duo d’une rare qualité. La jeune a des doutes légitimes quant au devenir de Downton Abbey. Et puis la gouvernance de cette véritable institution lui semble trop lourde. Mais Maggie, avec sa force d’esprit persuasive, l’adoube et lui transmet les clés du royaume.

  • A noter qu’elle saute une génération, comme si la reine Élisabeth II donnait le pouvoir directement à Catherine Middleton. Hugh Bonneville, qui joue Lord Robert Crawley, Comte de Grantham en titre, ne fait pas plus le poids que le pauvre Charles, le prince de Galles

Quelle finesse dans cette scène, quels dialogues, quelle émotion ! Avec cette qualité là, ils finiraient presque par nous faire avaler la pilule monarchique.

Je suis sûr que la « vraie » famille royale, celle de Buckingham, ne doit pas rater un épisode la série. Ils doivent être fascinés par cet autre succès planétaire. Peut-être qu’ils vont adopter les codes « fabriqués » de ces acteurs, bien plus talentueux et méritants qu’eux.

  • (*) Rassurez-vous je n’ai pas viré monarchiste. Je n’ai pas d’inclination pour cette loterie qui peut faire sortir du chapeau un fou ou un crétin susceptible de nous diriger. J’ai toujours en horreur les privilèges. Je crois en l’individu récompensé selon ce qu’il apporte aux autres. Et je n’ai pas peur de fortes différences, surtout si elles stimulent le talent et la créativité.
  • A noter quand même que dans les sociétés occidentales à grande composante sociale et de redistribution, les privilèges médiocratiques ont remplacé la méritocratie réelle. Les chantres de l’égalité à tout prix ne font pas mieux que ceux qui souhaitent figer la différence. D’autant plus que les prêtres du « tout se vaut » prennent soin de se donner un statut à part. Vu qu’ils guident le peuple, ils pensent être forcément au dessus. On n’évite pas la hiérarchisation, d’un côté comme de l’autre.
  • Le système monarchique britannique est fortement édulcoré par la composante parlementaire. Cela fait belle lurette que la famille Kardashian a plus d’influence que les Windsor. Ils chassent sur le même terrain. Des oisifs qui n’ont comme but que d’entretenir leur lucrative légende.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Downton_Abbey_(film)

Hugh Bonneville
Maggie Smith
Elizabeth McGovern
Michelle Dockery

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