Drive my car. Japon pour festivals occidentaux. Saab dépanne Hamaguchi. 4/10

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Drive My Car aurait gagné à ne rester qu’une chanson des Beatles.

Ce film japonais se révèle à la fois trop long et mal ficelé.

Cela se passe dans le milieu des théâtreux. Une ambiance d’initiés claniques, qui n’est pas forcément du goût du public. Et comme toujours, il flotte un soupçon de trop forte consanguinité entre ceux qui créent pour les planches et les scénaristes de l’écran. L’indulgence réciproque n’est que trop palpable.

Pour nous mettre vraiment mal à l’aise, on fait s’agiter tout ce beau monde dans, derrière et devant une grande pièce de Tchekhov. En soi, Oncle Vania c’est du lourd et du signifiant.

  • Respect total pour ce quasi pilier de ma table de chevet.

Déjà, la moindre traduction en est osée. Mais là, tenez-vous bien elle est devenue multilingue. Chacun parle ou réplique dans sa langue natale. Cela va du chinois proprement dit à la langue des signes. Peu importe qu’ils ne se comprennent pas mutuellement. Le contenant doit effacer ainsi le contenu au bénéfice des nouveaux gourous culturels.

  • Encore une fioriture stérile de la modernité, qui occulte l’essentiel et devant laquelle nous devrions tous nous prosterner, sous peine de passer pour des imbéciles. Cette dictature des égos qui cherchent à occuper toute la scène, pour ne faire valoir que leur propre mérite, n’a que trop duré.
  • Ces cabots qui mordillent les chevilles de Tchekhov doivent lâcher prise. Ils peuvent continuer d’aboyer… mais pour eux mêmes, pour leur carré de spectateurs aussi snobs que stupides, et dans leur niche.

Avec cette suffisance faussement respectueuse, vis à vis de l’auteur russe et des pauvres spectateurs, on aboutit à un contexte peu motivant. Un complot de la médiocrité ourdi par des squatteurs sans génie, qui contaminent le monde du spectacle.

  • Le mal n’est pas limité à l’extrême orient, bien au contraire. Ce mauvais vent vient de l’Ouest et continue, malgré les décennies, à empuantir l’atmosphère. Qu’on nous rende nos auteurs sans filtre, dans toute leur pureté. Ceux-là restent, alors que nos « modernes » passent.

A ceci se rajoute du pathos en excès. Et pas seulement le spectre d’Hiroshima, les coulées de boue meurtrières…

  • On nous envoie sur la tronche, un enfant mort et le couple détruit qui va avec. Presque une routine pour ce genre de cinéma.
  • Et puis, il y a cette complaisance pour toutes ces culpabilités rentrées, et du maestro et de son chauffeur féminin. Ils pensent avoir commis un meurtre chacun, par non-assistance à la personne qui leur était la plus proche.
  • On peut mettre aussi à charge, cette toile de fond franchement inutile et barbante, consistant à nous étaler les difficultés de communication intergénérationnelle. Comme avec ce jeune comédien qui a couché avec la femme du metteur en scène vieillissant, et qui est néanmoins engagé en parfaite connaissance par ce cocu de mari.
  • Pour parfaire le tout, ce jeunot file un mauvais coton et cela ira donc forcément trop loin. On connaît ce genre de rebondissements, qui ne sont là que pour tenter de corser les mauvais scénarios.

La mise en abyme de la psychologie des personnages d’Anton Tchekhov avec ceux qui sont présents ici, est un vieux truc. D’autres l’ont fait bien mieux. Premier exemple qui me passe par la tête, Alceste à bicycletteFabrice Luchini est un misanthrope du présent et du passé.

On a tendance à se contrefiche des difficultés supposées des comédiens dans leur art, comme à l’écran. On n’accorde pas plus d’attention aux sueurs professionnelles du boucher qui nous sert, ou du médecin qui nous examine etc.

Mais ces cabotins veulent nous montrer leur « souffrance » et ils le font par l’entremise de leur rôle dans le rôle. Cette méthode, même indirecte, n’est pas très élégante.

Pour nous empêcher de réagir et de lancer les fameux œufs ou tomates, l’entreprise s’étale sur 3 longues heures. Rares sont les survivants. Un peu comme pour lors d’une interminable œuvre de Messiaen.

Voilà un film bien inutile où le seul accent de vérité vient des tuyaux d’échappement de l’omniprésente Saab 900. Une mocheté que s’arrachaient les prétentieux dans le temps. Et ce n’est même pas un vrai road-movie, qui roulerait à droite.

On a le sentiment que certains créateurs de ces régions lointaines « fabriquent » des produits spécifiquement pour les festivals occidentaux. Il suffit d’y mettre du spleen bien de chez nous et des références directes à nos produits à nous (dont la Saab, nos auteurs classiques et la bande sonore issue de nos grands anciens). Et ce peuple souriant est amené à faire la tronche… comme chez nous !

Et là, nos sournois Nippons, guidés par le jeune réalisateur Ryūsuke Hamaguchi, ont une fois de plus bien visé :  prix du scénario à Cannes et Oscar du meilleur film international.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Drive_My_Car_(film)

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