Du rififi chez les hommes (1955) 6/10

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Voilà un film surfait, qui comporte beaucoup d’obligations et finalement peu de suspense.

Première contrainte, il s’agit d’être des Hommes, ou en tout cas, d’en accepter les règles tacites de ce milieu de siècle. C’est l’apologie des individus très sûrs d’eux, avec des démarches de gorilles dominants, qui ne craignent bien entendu rien ni personne, qui respectent les codes de leur tribu et de la sacro-sainte camaraderie, et qui ne n’hésitent pas de filer des trempes à leur gonzesse pour se faire respecter.

Voilà, c’est à peu près tout. Mais à l’époque cela voulait dire quelque chose. Maintenant, avec le recul, cela prête à sourire.

Ce long métrage nous fait l’injonction de devoir prendre cette atmosphère lourdingue très au sérieux. On doit respecter le travail manuel et/ou qualifié et les sueurs froides !

Ce n’est pas le seul dans ce cas. Il y a tant d’autres scénarios qui nous forcent à applaudir de valeureux affranchis qui se démènent, pour sortir la tête hors de l’eau.

  • Fais la gueule ou je te plombe !

L’indispensable chef de bande, incarné par le pauvre Jean Servais, fait la tronche du début à la fin du film. De plus il crache ses bacilles. Cela devrait nous inciter à sentir la gravité de la situation et/ou respecter l’oeuvre cinématographique. Mais c’est tellement construit et systématique, que moi cela me fait plutôt marrer. Il semblerait que la production n’avait pas les moyens de se payer une vraie pointure. Servais, pas cher et en mauvais état, a fait l’affaire.

Et c’est la même gravité pour les membres soumis de l’équipe et cela s’étend jusqu’aux méchants d’en face. Même les policiers n’échappent pas à cette mauvaise humeur permanente.

Il y a juste une ou deux exceptions. Il s’agit de malfrats ritals censés être des rigolos, quasi par atavisme, comme pour le Mario des jeux vidéo.

Les mauvais garçons se déplacent immanquablement en grosses voitures américaines, avec une sorte de costume typique de gangster, chapeau spécial compris. Le spectateur arrive donc facilement à les repérer. Mais que fait la police ?

Le diktat suivant, on le doit aux conventions morales de l’époque. En partant du fait que le crime ne paie pas, la fin d’un casse fructueux de cette importance, contraint les scénaristes à mettre tout le monde en prison ou bien à les tuer, ou encore un mixte des deux. Et en effet, ils tombent les uns après les autres. On appelle cela des rebondissements, mais là n’ayez crainte, ils ne font pas de trampoline une fois morts.

Et pourquoi tombent-ils ? Quel est le péché originel ? Eh bien c’est le passage obligatoire, par la case désobéissance. Il y en a forcément un qui ne respecte pas la clause de ne pas disposer prématurément du moindre objet volé. Une bague à gros diamant sera donnée à une belle par exemple et le cadeau empoisonné sera facilement traçable. C’est toujours à cause d’Eve qu’on est chassé du paradis. C’est archi convenu et le spectateur comprend tout de suite l’indice scintillant qu’on lui met si ostensiblement sous les yeux.

Mais qu’est-ce qui donc a fait que ce film ait été si considéré (Prix du meilleur réalisateur à Cannes) et que l’on trouve encore aujourd’hui des critiques à plat ventre ?

D’abord la prise de vue en noir et blanc est de grande qualité, et le rythme est assez prenant. Ensuite parce que les acteurs croient à leur rôle, bien que les prestations soient un peu trop soulignées, comme on l’a vu précédemment.

A cela se rajoutent des raisons conjoncturelles. 10 ans après la fin de la guerre, l’addictive pesanteur des années « noires » semble encore présente. On aime ces films visqueux et déprimants. Et les bandits passent encore pour des héros, voire des sortes de résistants anti système. Alors qu’en réalité la pègre a été plutôt collaborationniste, mais ça on ne le sait pas vraiment clairement encore. Ou bien on s’arrange pour l’oublier.

Enfin, l’argent facile fait toujours recette, surtout si on arrive à s’identifier aux personnages et à leurs trucs. Et ces gars font une sorte de casse du siècle dans une bijouterie, avec comme suprêmes outils un vulgaire extincteur et un parapluie basique. On doit bien pouvoir se procurer cela nous aussi.

Nos parents étaient très preneurs et donc bien en phase avec ce cinéma là. Ma génération était plus Mélodie en sous-sol, avec sa chasse au trésor facilité par des reptations dans les gaines d’aération du grand casino… et surtout ces héros plus modernes et plus cool.

A cette époque brouiller les alarmes avec ces seules parades, passait pour très malin. C’était plus ou moins acceptable en terme de cinéma. Depuis l’escalade entre le blindage et l’obus, les systèmes de protection et d’attaque, fait qu’on en est à des années lumières. Mais à bien y réfléchir les tenants et les aboutissant sont toujours du même ordre. Et on fabrique encore des trucs comme cela de nos jours.

L’écrivain et scénariste Auguste Le Breton n’est pas un comique, loin s’en faut. Et c’est bien là le problème. Il manque de la subtilité, du recul et de l’humour à cet opus. Peut-être qu’un Audiard aurait pu sauver le bébé. Qui sait ? Je pense que maintenant l’on devrait en tirer un film parodique avec notre Jean Dujardin au milieu.

Le réalisateur Jules Dassin, père de Joe, ne m’a jamais semblé être une grande pointure du cinéma. Il aurait pour mérite d’avoir importer ces tics d’Américain au cinéma français. Et après avoir déconstruit son œuvre la plus emblématique, mon opinion très réservée me semble étayée.

Je vais en faire hurler plus d’un avec mon 6/10.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Du_rififi_chez_les_hommes

Jean Servais
Carl Möhner
Robert Manuel
Jules Dassin

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