8/10 pour les œuvres et 5/10 pour l’esprit du documentaire
Un documentaire qui a du mérite, car il va sur les traces d’un artiste expressionniste allemand, assez méconnu du grand public. Les œuvres et les lieux sont habilement revisités. On voit des choses étonnantes.
Il pèche cependant par une supposée « controverse », aux facettes multiples et qui envahit tout, même le titre. On a ici largement de quoi montrer les limites de la tentation anachroniste qui infiltre tout en ce moment. Prenez garde, il y a du mea culpa superflu là dedans.
Le sujet démarre par une sérieuse mise en garde : « à l’époque de MeToo … » – Les auteurs en montrant qu’ils se pincent le nez devant certaines œuvres, veulent obtenir un certificat de moralité. Cette nouvelle censure non institutionnelle est la plus sournoise de toutes.
Il s’agit d’abord de tenter de désamorcer au plus vite les bombes contenues dans ses premiers tableaux. La polémique vient principalement de ces gamines nues avec le sexe bien visible.
Kirchner pédophile ou non… on n’en sait rien. Un provocateur certes, un amateur extrême du naturel sans limite, bien entendu…
Et comme il lui est arrivé de peindre des hommes habillés au voisinage de femmes nues, on fait de lui maintenant un épouvantable sexiste. La messe est dite ?
Ce n’est pas bien comprendre ce qu’était la société au début du vingtième siècle. Mais c’est aussi vouloir imposer des normes à tout ce qu’on regarde maintenant. Rappelons qu’un tableau n’est pas un fait (délictueux ou non) mais une représentation, une image, une pensée.
- Il fait rappeler aussi, qu’à son époque, le moindre nu occasionnait des réactions violentes. Que l’un soit habillé et que l’autre non, n’y changeait pas grand-chose. Les censeurs d’hier étaient tout aussi bornés que ceux d’aujourd’hui, simplement la partition a changé.
- La cérémonie des Oscars dicte son prêt à penser désormais et choisit les films qui s’inscrivent dans la nouvelle orthodoxie. C’est dans le règlement, c’est officiel. Bientôt les peintres ne pourront plus choisir leur sujet. Où va-t-on comme cela ?
Et puis Kirchner n’a pas cessé d’entretenir sa légende. Quitte à passer par quelques tricheries. Autres péchés.
Comme antidater des tableaux tardifs, afin de se faire passer pour un précurseur, alors qu’il n’a fait que copier les trouvailles de peintres français en vogue. Péché véniel, puisque cela ne concerne que quelques tableaux. On pourrait presque parler d’hommages.
On lui doit aussi cette savante invention d’un critique d’art français qui donne un avis positif et éclairé sur son œuvre. Ce personnage n’a jamais existé. Il écrivait lui-même ses propres analyses flatteuses. On ne l’a su que très tardivement.
Et là l’anachronisme refait surface, mais dans l’autre sens cette fois. Pour le défendre. Un participant énonce qu’en fait cette ruse aurait été parfaitement acceptée voire félicitée, par le grand communicant Andy Warhol. Tout est relatif. Voilà le maître mot.
On va aussi le mettre en procès pour les « nègres » qu’il a peint. Encore le poids pesant de la moraline de notre temps.
Il aurait joué à l’artiste maudit en se représentant en grand sacrifié.
Et même son suicide aurait été une mise en scène. Et pan dans les gencives ! Voilà pour celui qui n’aurait fait que se donner en spectacle. Pan pan, il est pourtant mort pour de vrai. Il s’est même tiré dessus deux fois. C’est pas courant pour un tricheur.
Putain qu’ils sont durs ces critiques « vertueux », qui eux n’ont jamais produit que des commentaires qui le plus souvent se copient l’un l’autre. Qu’est ce qu’il leur faut de plus ? Ils ont un regret de ne pas l’avoir tué eux-mêmes ? L’indécence, c’est bien là qu’elle se situe.
Les paroles s’envolent, les œuvres restent.
Les Allemands s’accrochent à cet artiste de premier plan, aussi parce que c’est un des rares performers qui aient convaincu à l’international. Question de fierté pour ce peuple qui n’aime pas être en arrière. Cela n’a pas toujours été le cas. Les nazis n’ont pas été reconnaissants avec cet artiste aux talents multiples et qui ne les détestaient pas. Il a été épinglé comme un peintre dégénéré. Pas de bol !
Quel que soit le background ou les éventuelles mauvaises intentions de l’auteur, il laisse derrière lui une quantité des tableaux éblouissants. Merci à lui. Et que se taisent nos moralistes de pacotille, dont le seul talent est de crier avec la meute. Vraiment ils m’énervent.
Ces belles œuvres, on les voit dans ce documentaire. Merci au réalisateur de bien nous les montrer. Tout le reste n’est que de l’écume ou de la bave, et n’a strictement aucune importance.
Arrêtons ses flagellations incessantes, cette auto administration de couronnes d’épines, avant qu’on soit tous crucifiés in fine. Et puis surtout, un peu de décence, c’est l’Art qu’on assassine.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ernst_Ludwig_Kirchner