Faces (1968) 8/10 Cassavetes

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Après le fameux Shadows, voici un autre film culte de Cassavetes. Il est destiné en priorité aux adeptes du cinéma indépendant.

C’est en effet une œuvre faite dans le même élan révolutionnaire que le premier opus, qui est considéré comme l’évènement fondateur de cette école.

On y sent à nouveau cette volonté de faire table rase. Son aspiration profonde est de se libérer de tout a priori cinématographique et de toutes contraintes de production.

En entrant dans cette religion, le réalisateur a fait vœu d’une absolue vérité, à l’instar des fondateurs du mouvement vériste.

Et donc à priori ce n’est pas un « produit ».

On y retrouve tous les nouveaux codes : le côté expérimental, l’absence de concessions, la destructuration des principes habituels du genre, la caméra au poing, les plans serrés, des scènes en lumière naturelle, les acteurs investis et expressifs de type « Actors Studio ».

Et forcément un tel mouvement s’accompagne autant de d’œuvres majeures que de créations faibles et inutiles et/ou de plans maladroits, qui finissent par plomber l’idée initiale.

Et comme pour tout mouvement, un jour ou l’autre, l’exercice, un temps novateur, risque de tomber dans la routine.

Et donc nombre de ces œuvres ne sont pas si intemporelles que cela.

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Faces se passe dans un climat en noir et blanc où règne un certain désarroi psychologique, dans un monde qui peut nous paraître bien ancien à présent.

Même au regard du cinéma indépendant, les femmes de l’époque sont encore largement dépendantes des hommes. Elles sont donc mariées et plus ou moins malheureuses, ou bien célibataires mais enfermées dans une semi-prostitution. On ne leur reconnaît pas les qualités émancipatrices qui leur permettraient de dépasser cette alternative.

– Certaines épouses comme ici, peuvent être tentées de découcher. La plupart ne le font qu’en préservant soigneusement la protection que leur offre leur foyer. D’autres ne cherchent qu’à badiner plus ou moins discrètement, pour voir si elles n’ont pas perdu de leur attrait.

  • C’est le cas de quatre copines d’âge mûr qui partent à l’aventure et qui vont se faire happer par un jeune dragueur impénitent. Le gaillard incarné par Seymour Cassel 33 ans est rusé (c’est son premier rôle au cinéma – sa filmographie sera incroyablement longue).
  • Il feint d’abord emballer la plus moche pour la circonvenir. Mais en réalité il vise bien entendu la plus mignonne (Lynn Carlin dont c’est le premier rôle) et il l’obtiendra.
  • Il danse avec une autre et finit par la mettre en boite. « Nous sommes ridicules » se permet-il de lancer devant tout le monde. Et c’est en effet le constat que l’animalité sexuelle de l’un ne s’accorde pas avec les gauches écarts à la civilité de l’autre. Cette femme profondément blessée et qui ne comprend pas ce qui arrive, lui objectera qu’elle n’accepte pas l’injure parce qu’elle est quelqu’un, puisqu’elle a 5 enfants et qu’elle a fait des études…
  • Ce quintette nous donne une scène très intéressante. Et bien qu’on se doute de ce qu’il va advenir, seul le chemin patient de ce jeune, lui permet d’arriver à son but. On n’est donc dans une autre sphère que ces rituels convenus du cinéma romantique, où l’on sait tout d’avance. Ceux qui tiennent de la pesante prédestination des êtres soit-disant faits, une fois pour toute, l’un pour l’autre.

– A l’inverse des mères de famille rangées dont on vient de parler, les femmes « libres », celles qui le peuvent, cherchent à échapper à leur condition précaire, en se plaçant sous la protection d’un homme sûr et stable.

  • C’est le cas de la légendaire Gena Rowlands 38 ans – la femme du réalisateur – qui va tenter de s’agripper au vieux John Marley en goguette, après son coup d’éclat avec sa conjointe. Lequel a de l’appétit pour cette femme de petite vertu, mais trouve qu’elle « bêtifie » trop.

Les hommes sont les gagne-pains. Ils s’arrogent de ce fait le droit de diriger leurs compagnes, et de les mener là où bon leur semble. On est encore au temps des corrections. Ils n’ont guère de considération pour ces êtres dont ils dépendent et qu’ils achètent d’une manière ou d’une autre.

  • John Marley qui a 61 ans à l’époque, incarne le mari de Lynn Carlin 30 ans. Il en a marre d’implorer sa femme pour avoir des relations sexuelles. De guerre lasse, il envoie à la tête de sa femme incrédule, qu’il demande le divorce. Ce n’est sans doute qu’un coup de sang, du à la profonde frustration. Il part rejoindre une call-girl, Gena Rowlands, qu’il a rencontré précédemment.
  • Ce qui donnera lieu à une autre scène épique. Puisque deux hommes d’âge mur batailleront fermes pour avoir les faveurs de la belle au lourd passé. Bien que moins agressif, c’est John qui en finassant l’emportera, mais de justesse. Il passe la nuit dans les bras de Lynn.

Lynn partira elle de son côté avec ses copines, comme on l’a vu tantôt et finira par succomber au charme de Seymour Cassel 33 ans (dont c’est le premier rôle). Suivra une tentative de suicide, bien dans le goût de l’époque. Et l’amant fuira par le fenêtre au petit matin, au retour du vilain mari.

La scène finale verra Lynn et John dans ce domicile conjugal désolé, les âmes nues après la tempête. Avec le plan final de l’escalier. Les approches et éloignements de l’un et de l’autre, selon les marches qu’ils occupent et qu’ils abandonnent de minute en minute, en dit plus qu’un long discours.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Faces_(film)

John Marley
Lynn Carlin
Seymour Cassel
Gena Rowlands

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