Film de guerre, psychologique. Week-end à Zuydcoote. Verneuil. Belmondo, Périer, Marielle, Spaak, Mondy, Géret. 8/10

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On doit dresser plusieurs procès verbaux au réalisateur Henri Verneuil, pour flagrants délits de dramatisation excessive.

On peut citer à charge :

  • la scène du viol, où « comme par hasard » Jean-Paul Belmondo survient juste à temps. Mais pour corser la chose, il se prend un méchant coup sur la tête qui le laisse K.O.
  • Le même Belmondo qui est donc assommé comme pas deux, là encore, retrouvera ses esprits au bon moment.
  • Belmondo arrive enfin à monter sur un bateau pour l’Angleterre ; ce qui est son souhait le plus cher.
  • Mais le vaisseau va être coulé, alors qu’il est en flamme.
  • Le gentil British Kenneth Haigh qui a réussi à embarquer en secret sa femme française Marie Dubois, va se laisser prendre comme le capitaine du Titanic. Il se laisse aller, lorsqu’il comprendra que son épouse a été « explosée ». Et c’est, « comme de bien entendu », le couple qui a tant peiné pour s’en sortir, qui se prend le plus gros bouillon.
  • Et à nouveau, ce Belmondo réchappe à tout. Il surnage, comme on dit.
  • La scène de la corvée d’eau, où Belmondo à nouveau échappe à la mort. C’est François Périer qui perd la vie, « à sa place ».
  • La scène finale, où la belle finalement se décide à rejoindre Belmondo. Mais celui-ci finit définitivement dans un trou, à l’instant même où la donzelle arrive.

Tout cela est bien trop téléphoné et théâtralisé, pour satisfaire des esprits cartésiens. A décharge, on était sans doute moins regardant sur la vraisemblance dans ces années là et plus versé sur l’émotion.

De bons passages tout de même. Avec d’intéressantes études de caractères, surtout quand les comportements sont exacerbées, alors que nos gaillards sont soumis à de telles pressions.

Belmondo soulève l’interrogation théologique classique, sur ce que peut bien faire le bon dieu, alors qu’il y a tant de malheur sur terre, en particulier pendant la guerre. « tu as toi même profité de ses bontés, puisque dans la dernière épreuve tu en es sorti » lui lance l’abbé Jean-Pierre Marielle. Sur quoi Bébel insiste « oui pour moi, mais ce n’est pas le cas pour tous les autres qui sont morts ici ». « trop facile » lui rétorque le curé. Il élude sans vraiment répondre, bien entendu.

Catherine Spaak est la jeune femme très attirante, qui échappe au viol in extremis. Un jeu subtil fait que la belle semble quasi promise à son sauveur Jean-Paul Belmondo. Ce bon Samaritain sur le champ de bataille, refuse d’abord ce « cadeau ». Mais se ravise ensuite, sous la pression de sa libido fortement contenue. Une fois qu’il a cédé à ses instincts, il va se perdre en conjectures. Surtout lorsqu’à froid, il verra en elle une ménagère qui s’inquiète avant tout de la propreté de sa maison, sans tenir compte de cet effroyable conflit et de ce qui vient juste de se passer.

Il lui refilera même une violente baffe ; comme pour briser le « charme » qui la liait à lui. Un acte de violence qui de nos jours serait considéré comme fort incorrect, voire pire.

Pris de remords, il se confie à Marielle, qui en devient presque son directeur de conscience. Il finira par proposer le mariage à cette Catherine frivole, comme à titre de pénitence. En cela, c’est plutôt notre néo-Léon Morin, prêtre, qui donne dans la bondieuserie moralisatrice.

Pierre Mondy fait une belle prestation en soldat « débrouillard – franchouillard », qui pense avoir les pieds sur terre, en anticipant la probable victoire des Allemands. Il stocke de manière spéculative, en prévision de notre défaite. Bébel ne manquera pas de l’épingler pour cela. Les collabos en puissance ne sont pas très appréciés. Le déviant y passera donc. C’est la dure loi du cinéma prévisible.

La débrouille encore, associée à la petite lâcheté ordinaire, quand le même Mondy profitera de ses relations médicales, pour couper la priorité due aux vrais blessés, afin de se faire soigner un petit bobo. Michel Barbey fait le médecin ici.

Parmi les autres prestations les plus soutenues, il y a bien sûr celle de François Périer, en bon gars un peu trop maternel et tatillon. On se doute bien que le sort va s’abattre sur lui. Il va mourir petitement, comme il a vécu. C’est toujours plus démonstratif quand cela touche un innocent. L’hommage de ses amis se traduit par un enterrement « privé » dans une dune ; comme les enfants enterrent un oiseau. Cette façon de faire, avec ses règles propres, se veut émouvante. L’est-elle vraiment ?

On est frappé par la quantité d’acteurs notables qui ont accepté de participer à des degrés divers au film. Pour une fois, cela ne fait pas trop retape d’affichage. Chacun de ces grands et petits rôles est légitime et bien mené.

On a droit à une belle petite saynète, que l’on ne voit pas trop venir, avec cet officier François Guérin, qui est prêt à utiliser son arme contre les siens, pour qu’on lui laisse le passage. Nos deux comparses de circonstance, Albert Rémy aidé par Bébel, sont en train de transbahuter une belle défunte à l’aide d’un sinistre chariot de ramassage. Qui mérite la priorité ? C’est presque une question philosophique. La paix des braves régnera, quand tous s’attelleront à la tâche de pousser un temps le chariot infernal.

Paul Préboist, en un très court passage, sera outré que la morte bénéficie d’un chariot, alors que lui le soldat de base doit aller à pied. Humour noir.

Georges Géret nous fait un soldat basique, qu’on pourrait croire borné, qui s’investit totalement dans sa mission de redresseur de tort « free-lance ». Et qui n’hésite pas à donner de son fusil mitrailleur ; et ce plutôt à bon escient.

L’exposé des situations de guerre n’est pas mauvais. Il y a un peu trop de déambulations silencieuses de groupes de soldats à mon goût. Ces processions sont toutes à peu près semblables. Verneuil donne l’impression de surexploiter les figurants. Il nous fait sentir qu’il a mis le nombre et qu’il en veut pour son argent.

La pyrotechnie et les bombinettes sont omniprésentes et se copient les unes et les autres finalement. Cela finit par ressembler à de trop prévisibles feux d’artifices.

La valse des avions allemands a également ce côté récurrent. Ce qui donne l’impression que ce sont toujours les mêmes Junkers qui s’agitent dans le ciel.

Il y a un peu trop de pathos stérile par ailleurs.

L’ensemble ne peut évidemment pas rivaliser avec l’incroyable réalisme du débarquement, dans Il faut sauver le soldat Ryan. C’est plus un film sur l’amitié dans des circonstances difficiles qu’un vrai long-métrage guerrier. La psychologie prime sur l’action.

Deux heures qui passent vite tout de même ; principalement grâce à un bon rythme, à la qualité des portraits et à la richesse des situations anecdotiques. Tout est grave et donc rien ne l’est plus vraiment.

Je propulse ce travail au 8/10, alors qu’il ne le mérite pas vraiment.

Mais je dois faire ainsi mon mea culpa et ma repentance, étant longtemps passé totalement à côté. Au point d’éteindre la télé, dès les premières images.

Je pensais qu’il s’agissait d’un de ces films de guerre paradoxaux, avec d’un côté du sang et des larmes et de l’autre un Bébel souriant, associé à quelques comiques. Errare humanum est, perseverare diabolicum.

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Week-end_%C3%A0_Zuydcoote_(film)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Paul_Belmondo

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