Football CAN 2022 Sénégal Coupe d’Afrique des nations 8/10

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« Celui qui pense que la victoire ne compte pas, ne gagnera jamais rien. » Pelé.

Figurez-vous, qu’on peut regarder cette compétition de très haut niveau, sans être un passionné de football, ni avoir d’accointances nationalistes avec les compétiteurs, ni verser dans ce snobisme intellectuel qui voudrait qu’on apprécie à tout prix un amusement populaire.

J’en profite pour avouer que je ne suis pas sûr d’en connaître toutes les règles (dont le hors jeu).

J’ai regardé la première mi-temps, sans y mettre aucune distance. Il ne s’agissait pas de faire de l’ethnographie mal placée ; même si j’avais ma petite idée sur ces rituels d’envergure planétaire ou à l’échelle d’un immense continent.

Bien entendu, j’ai du choisir mon camp. Je ne crois pas une minute à ce qu’on profite de ce spectacle de manière totalement désintéressée, comme s’il s’agissait d’art pour l’art. Pour apprécier, il faut désigner son héros et s’enflammer pour lui. Comme l’équipe de France n’est pas concernée, on opte pour le chauvinisme par procuration (extension du domaine).

La plupart des Français ont plutôt leur regard porté vers l’ouest de l’Afrique. Ce ne sont pas que de vieux souvenirs coloniaux encore prégnants. Il y aussi l’intrication des joueurs africains de grand talent dans les équipes européennes. J’en discutais avec un sympathique Sénégalais à la caisse du Leclerc. Il m’a éclairé sur ce point.

Mais surtout, on a statistiquement bien plus de chances de connaître des Sénégalais que des Égyptiens, par ici. La multitude de pétards bien audibles et autres manifestations de joie, juste après qu’on ait sifflé la fin, le démontre bien. J’aurais fréquenté Néfertiti, Cléopâtre ou même Amenhotep III, j’aurais sans doute pensé autrement.

  • Comme on n’a pas trop le droit en France d’exploiter des statistiques ethniques, ce tintamarre des victoires nous donnent une idée de l’ampleur des communautés présentes sur notre sol (avec un coefficient multiplicateur).

Comme j’ai eu l’occasion d’en parler pour la cérémonie d’ouverture des JO de Pékin, nous sommes en recherche d’idéal. Ceci explique cela.

Dans notre monde, le plus souvent dieu est mort ou il ne se porte pas bien. La vocation universaliste de la démocratie est contestée. L’humanisme des Lumières connaît ses limites. Les idéologies bien carrées, basées sur un projet d’homme nouveau, ont démontré leur nocivité.

  • L’écologie « religieuse » tente de prendre cette place vacante, mais ses simplifications et ses a priori décroissants sont loin de faire l’unanimité.

Le sport de haut niveau a donc vocation de devenir un nouveau ciment communautaire plus consensuel. Cet ingrédient secret est situé bien au dessus de nos têtes. Il a pour fonction de fédérer un grand projet commun. Je ne suis pas sûr que que les joueurs qui s’étripent sur le gazon, aient cela en tête. Cela les dépasse, comme nous, modestes téléspectateurs. Pour les JO, la proposition initiale de Coubertin est plus explicite, je vous l’accorde.

Cela m’écorche un peu la bouche de le dire : le football c’est la vie. Je rajoute que cela doit s’entendre, dans des extrêmes auxquelles on n’est plus trop confronté, dans nos existences paisibles, édulcorées et protégées. Sur le stade se déroule le fameux struggle for life, quasi à l’état pur. Une sorte de combat à mort qui ne laisse qu’un survivant dans les esprits. On se bat, on sue, on s’épuise, on se blesse. Autant de choses qui ne sont plus tellement admises dans nos parcours domestiqués.

Et puis les cartons jaunes et rouges montrent bien qu’on y triche et qu’on ruse. C’est prévu ! C’est presque un devoir, car le méchant n’est pas tant méchant, que lorsqu’il utilise des méthodes malhonnêtes. Il est plus facile à haïr ainsi. A l’inverse le faux pas non vu par l’arbitre et qui mène potentiellement à l a victoire sera bien emballé par le camp qui s’en sort. On est loin des parties d’échec totalement policées… qui d’ailleurs peuvent être remplacées par des machines.

Revenons au match. Il y a deux temps forts.

Le penalty du début est manqué. Il fait de l’attaquant sénégalais Sadio Mané, un proscrit. Le gardien de but égyptien Mohamed Abou Gabal (Gabaski) qui bloque le ballon devient instantanément un demi-dieu pour son camp. D’ailleurs il a le look herculéen. Nous autres plus proches des Sénégalais, ne le voyons pas sous cet angle flatteur.

Le dernier tir au but inverse totalement notre vision. Sadio Mané est non seulement réhabilité mais c’est lui qui a désormais la stature de panthéonisé. Avec juste un coup de pied, il a gagné une dimension supra-humaine, qu’il gardera jusqu’à la fin de sa vie ! Et avec notre infinie générosité de spectateur, on aura de la mansuétude, voire de la sympathie, pour le pauvre Gabaski, qui a laissé passer le ballon mortel. Ce n’est plus qu’un pauvre bougre malheureux qui nous a rendu service et qu’il faut consoler.

A noter qu’il n’y a pas d’appel possible dans le sport. La coupe de cette année est perdue à jamais.

« Certaines personnes pensent que le football est une question de vie ou de mort. Je trouve ça choquant. Je peux vous assurer que c’est bien plus important que ça. » Bill Shankly (footballeur)

Et le foot féminin ? « Le champion est le fruit d’une alchimie des 3 “C” : le coeur, le cerveau et les couilles. » Louis Fernandez

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