Good Morning, Vietnam (1987) 6/10

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En dehors de fausses polémiques assez convenues, sur le néocolonialisme, les impérialismes, les torts de chacun, il n’y a pas grand-chose à dire sur ce film main-stream. Pourtant il tient quand même 2 heures.

C’est à nouveau un canevas hollywoodien assez classique, avec un électron libre qui est en opposition avec le système et qui gagne à sa manière à la fin. L’idée étant de transposer cela sur un terrain mouvant…

Un comique de service, interprété par Robin Williams, est parachuté sur la radio officielle locale de l’armée. Il est chargé d’informer et de divertir les soldats US au Vietnam. Mais le gaillard n’est pas dans la norme et il prend des libertés. Il est vite très populaire mais cela ne suffit pas à le protéger (*)

Il a des complicités comme avec ce bon gros Forest Whitaker, un acteur toujours aussi présent. Il a un faire-valoir en la personne du très critique lieutenant incarné par Bruno Kirby. Lequel est un farouche opposant à toutes ces initiatives. Il incarne le pôle « droit dans ses bottes » (straight).

Ici on manie donc l’arme anti-système du rire.

De quoi faire une pied de nez de clown au sérieux mortifère d’un Nixon. Le film ne s’en gène pas.

On semble nous dire, que finalement ces sornettes sur la mission évangélique anticommuniste et la diabolisation de ces petits hommes jaunes, les américains auraient eu tout intérêt à s’en moquer, dès le début. Et s’ils avaient eu plus de rieurs du côté pacifiste, ils n’auraient pas pu être entraînés dans ce bourbier.

Le passage de What A Wonderful World d’Armstrong, sur des images douloureuses de bombardements, pourrait donner une indication sur le camp choisi. Quoique ! Dire que la guerre n’est pas wonderful n’engage pas tellement que cela. On peut parfaitement proférer le truisme que toute guerre est moche… pour rajouter immédiatement après que certaines sont nécessaires. D’ailleurs il ne me semble pas avoir entendu d’hymne anti-guerre dans la bande son. A part peut être, tout à la fin, The Unknown Soldier des Doors, avec là encore une pluralité d’interprétations possibles.

A noter quand même que ces approches bis ne sont pas martelées franchement par ailleurs, histoire de ne pas trop heurter certains sentiments impérialistes encore bien présents chez ce « grand peuple » missionnaire. On n’a pas trop de massacreurs de Mỹ Lai dans cette partition là.

Il y a un petit bémol scénaristique quand les bonnes intentions du rigolo se révèlent bien dangereuses.

C’est un peu le procès de la naïveté, afin de recentrer la balle. Mais pas tellement que cela. En se laissant piéger par un crypto-Vietcong bien édulcoré, le héros apporte des gages au clan Jane Fonda. Et puis on donnerait le bon dieu (du coin) sans confession à ces beaux jeunes gens bien éduqués. Qui aurait pu se douter, il n’était pas écrit Gros Méchant sur son front.

C’est un dilemme classique entre la fraternisation sincère et les contraintes de l’intérêt général. Un problème « romantique » qui n’a jamais vraiment été tranché.

Sans compter que le gamin est le frère de la belle autochtone convoitée. Quand les hormones s’en mêlent ! Pas facile tout cela.

La jolie tanagra, jouée par Chintara Sukapatana (Thaïlandaise), lui signifiera qu’il y a entre eux une différence insurmontable, mais lâchera quelques larmes qui tendent à prouver le contraire. Il aurait été malvenu que le conquérant, quel qu’il soit, n’ait pas d’emprise sur les captives ou assimilées.

Cette « petite » erreur de jugement dans le choix de ses amitiés ne paraît pas si grave 20 ans après le conflit.

Notre bonhomme n’y perd pas trop de plumes. On sent d’ailleurs à la fin, lorsqu’il nous fait un Good bye Vietnam, le souffle épique bien connu des superproductions. On s’attend à une haie d’honneur et des applaudissements. Et ils sont dans les têtes. Mission blockbuster réussie.

L’idée que la dérision, les grimaces, les imitations approximatives, la logorrhée et la farce grossière sont universels a de quoi troubler. J’éprouve une gène quand le trublion tentent de gagner la confiance des autochtones par ces lourdeurs là, ou par les vertus d’un match de baseball. Il y a là des postures de Bidochons en vacances. Comme pour ces très classiques moues torturées pour des plats locaux « bizarres ». C’est très américano-centré cette affaire là. C’est oublier les qualités de l’understatement, de la finesse dans l’humour et de la nécessaire surcouche de compréhension empathique dans le rire.

Je ne suis pas si sûr que les rieurs soient mis du bon côté. C’est faussement entraînant. On est plutôt dans une idéologie néo-populiste, avec de la clape orchestrée derrière. Il y a du Bob Hope, du Benny Hill, du Bigard, du Rigaud… dans ce registre là.

Avec comme toujours l’importance de la notoriété, valeur suprême US, du collègue à l’enterrement, en passant bien sûr par le mariage. Ce qui compte le plus, c’est l’exposition publique et le nombre de followers. Robin Williams atteint sa cible. Qu’importe si le box office est satisfait. Cette dictature possible du nombre est le grand problème des démocraties.

On a compris que les GI’s ont besoin d’une soupape et que notre comique est là pour cela. Mais sans mauvais jeu de mots, les Vietnamiens doivent rire jaune.

Le film n’est pas regardable en version française V.F. – C’est une évidence, car 90 % du jeu de Robin Williams repose sur les manipulations du langage, les parodies vocales de personnages, des sons qui raisonnent dans l’inconscient US.

Mais en V.O. ce n’est pas trop fameux quand même.

Principalement en raison des limites du spectre humoristique qu’on a déjà évoqué.

Et puis j’ai en horreur les tentatives de séduction de l’acteur qui se résument à jouer au bon gros nounours. Il me donne l’impression de concourir à cette hypocrisie généralisée et assumée, ce faux recul, qui se cache derrière ces sourires forcés. On voit cette distanciation ridicule dans tous leurs sitcoms. Et l’on sait bien que l’acteur a cessé radicalement de se forcer à composer, en mettant fin à ses jours. La pendaison montre une certaine détermination. C’est souvent la signature d’une dépression profonde, dite endogène. Mais il y avait aussi des addictions insurmontables.

Alors que les alliés viennent de déserter l’Afghanistan (septembre 2021), on ne peut s’empêcher de penser à cette problématique collabos/résistants ou assistants/terroristes. Le film n’a bien entendu pas vocation à se pencher sur le sort des vietnamiens « amis » qui ont pactisé avec leurs envahisseurs/défenseurs.

Immense succès commercial ! Les critiques n’ont pu qu’emboîter le pas. Il n’y a pas trop de contre-pieds à attendre face à cette œuvre faussement anticonformiste.

(*) Le vrai disc-jockey Adrian Cronauer, qui a servi de modèle, était bien plus lisse que cela et n’a pas du tout été lourdé ou impliqué dans une pactisation avec l’ennemi.

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