Ouvrez les fenêtres, vite ! C’est fou le nombre de cigarettes que fume l’acteur et réalisateur one shot, Peter Lorre. Il y a la même exagération dans ce déluge de boissons fortes.
De quoi tuer un bœuf, mais sans doute pas Monsieur M. Pourtant ce sont pour lui des addictions bien réelles, même en dehors du tournage.
Son premier et dernier film en tant que réalisateur / scénariste s’inspire quand même pas mal de l’ambiance « criminel en série » de M le Maudit. Alors qu’au départ on pense être sur la piste d’un homme compromis dans des crimes nazis « institutionnels ».
Le Dr Karl Rothe ou Dr Karl Neumeister, traîne des casseroles. On le comprend dès le début, même si on ne sait pas trop lesquelles. Le scénario n’est pas toujours très clair.
Son ancien assistant jouée par Karl John (Hösch / Nowak) se charge de lui rappeler quelques vérités. Nouveau mystère, lequel est le plus compromis des deux ?
Un jeu complexe et passablement puant se met en place, lors des retrouvailles imprévues de ces deux lascars. On sait que cette chorégraphie morbide se terminera mal.
Mais il faut du temps à Peter Lorre pour se mettre en condition. Un peu comme un développement du désir amoureux, mais pour la mauvaise cause.
Un troisième homme Helmuth Rudolph en tant que Colonel Winkler est juste évoqué. Il a grandement participé à ce mauvais passé. On l’a rattrapé. Il est mort depuis.
Des femmes, dont celles figurées par les actrices Renate Mannhardt, Eva Ingeborg Scholz, Gisela Trowe, Lotte Rausch, ont été menacées et/ou tuées. Lorsqu’elles ont rencontré un « certain regard » de Lorre, elles ont su qu’elles étaient en très grand danger. A l’inverse, leur angoisse a donné encore plus de force maléfique à Peter. Ce « fou » ne supporte pas les verbiages et n’a plus qu’à faire taire ces bonnes femmes définitivement.
Pourtant notre László Löwenstein (Lorre) qui n’est pas très beau, a eu beaucoup de succès avec les femmes, à la ville comme à l’écran. Et comme en plus il est intelligent, il aurait pu s’en sortir sans faire de dégâts.
- Lotte Eisner dit de lui des choses très justes : « Un physique mou, presque ingrat, des yeux à fleur de tête, un faciès mou, une bouche aux grosses lèvres indécises, [une] voix aux intonations mi-insidieuses, mi-étrangement précises et où se mêlaient quelques sons aigus » Wikipédia. De part sa malfaisance apparente, ce fut l’Acteur préféré du Führer et de Goebbels, avant qu’ils ne se rendent compte qu’il était juif.
On est frappé ici par l’expressivité narquoise et madrée de notre redoutable petit homme. C’est toxique et accoutumant. Le scénario n’est peut être pas très inspiré, mais il joue bien, avec de multiples facettes. On croit à sa composition de 1951. On ne voudrait pas se retrouver en face d’un tel manipulateur.
A voir impérativement en allemand sous-titré. Même si on n’entrave que dalle à la langue de Mein Kampf, le ton aide beaucoup. Pour les vocifération d’Hitler aussi.
Cet opus unique ne rencontra pas le succès espéré. Échaudé, Lorre s’en tint là, comme réalisateur. Ce qui est très dommage, car une fois essuyé les plâtres, avec cette force là, il aurait pu facilement monter de quelques étages et nous faire des chefs-d’œuvre. Le potentiel était là.
Ce film est étonnamment négligé par de nombreux critiques. Même Bardèche n’en parle pas dans son Histoire du cinéma. Et son complice Brasillach n’était plus de ce monde.
On est plus à même maintenant de supporter et de comprendre, ce lourd poids de la culpabilité d’après guerre. En 1951 on voulait au contraire y échapper.
https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Homme_perdu_(film,_1951)
https://films.oeil-ecran.com/2009/03/02/homme-perdu/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Peter_Lorre