Qu’il est beau ce début de chemin amoureux entre ces deux pointures !
Cary Grant est souverain. Ingrid Bergman n’est pas moins royale. Élégance, distinction, merveilleux sourires et finesse d’approche, voilà le savoureux cocktail. On nous donne à voir ce que pourrait être un couple de rêve.
C’est de la drague civilisée de haut niveau. Et tout irait pour le mieux, s’il n’y avait que cela.
Mais le scénario nous inflige un passage obligé par la problématique du mariage. C’est sans doute imposé par les lois morales de l’époque.
D’abord il y a le faux-mariage de Cary Grant (*), visant à protéger son sacro-saint statut de célibataire.
De mentir sur ce point lui semble de la plus pure honnêteté. Il s’explique : la femme désirée sait ainsi ce qu’elle ne pourra pas obtenir. Une fois cela posé, la relation sera franche et directe. En tout cas c’est son point de vue. C’est vite oublier que la plupart des femmes visent la relation durable, et que malgré ces avertissements, elles ne s’avouent jamais vaincue.
Cependant, la voracité à vouloir convoler en juste noce d’Ingrid Bergman (**) semble bien désuète maintenant. De son point de vue, toute la relation semble inféodée à ce point précis. C’est étouffant cette manière de voir le couple. Elle donne l’impression de vouloir attendre un sommet himalayen au-delà duquel l’horizon sera définitivement plat et sans retour possible. En terme prosaïque cela s’appelle se caser, et rien de plus.
Autant le début du film est charmant, autant toute cette partie sur le mariage et non-mariage devient fatiguant. Toute la magie des regards et des petits gestes est réduite à néant.
A la saine innocence des premières approches se substituent la ruse de l’un et la ruse de l’autre. Et comme le dit un protagoniste « il n’y a pas plus sincère qu’une femme qui dit un mensonge ». C’est évidemment vrai pour les hommes aussi. On a basculé dans le calcul et c’est bien dommage. Mais je dois être un rêveur.
- Cela dit, j’ai l’impression que la relation amoureuse la plus épanouie allie la lucidité et la passion. Oui c’est possible !
A noter que les tentatives de s’affranchir des conventions sont dans le décor. Là une boite de Kleenex, là un Picasso… Voilà de quoi contrebalancer les courbettes des serviteurs, la « diplomatie » guindée de Cecil Parker, les Rolls, les queues de pie et les coûteuses robes du soir
On ne doute pas un instant que le scénario soit basé sur une pièce de théâtre. Sans doute un vaudeville.
On doit aussi au réalisateur à Stanley Donen, Chantons sous la pluie (1952) et Charade (1963)…
- (*) Avec cinq mariages on ne peut pas dire que Cary Grant fut l’archétype de l’union indissoluble ou du célibataire endurci.
- (**) Ingrid Bergman aura aussi plusieurs maris, preuve que cette institution n’est pas si éternelle que cela. De plus elle entretiendra un longue liaison avec le photographe Robert Capa, sans qu’elle éprouve le besoin de se marier à nouveau.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Indiscret_(film,_1958)
- Cary Grant (V.F : Jean Davy) : Philip Adams
- Ingrid Bergman (V.F : Claire Guibert) : Anna Kalman
- Cecil Parker (V.F : Jean-Henri Chambois) : Alfred Munson
- Phyllis Calvert (V.F : Lita Recio) : Mme Margaret Munson
- David Kossoff : Carl Banks
- Megs Jenkins : Doris Banks
- Oliver Johnston (V.F : Camille Guerini) : Mr. Finleigh